Un programme d’intervention en milieu scolaire mis au point par le Prof. Michelle Slone de l’Ecole des Sciences psychologiques de l’Université de Tel-Aviv avec l’aide de l’Association des Amis français de l’Université aide les jeunes Israéliens à faire face au stress de la vie sur la ligne de feu.
Des «facteurs de résilience»
«Ces situations produisent chez eux un niveau de détresse psychologique susceptible de s’exprimer au travers d’un large éventail de symptômes comme l’anxiété, la dépression, les troubles obsessionnels-compulsifs, les troubles de l’alimentation et du sommeil, un mauvais rendement scolaire, des comportements paranoïaques, des phobies, peur de sortir à l’extérieur, de rencontrer d’autres personnes, de toucher aux objets, et même, chez les plus âgés, adoption de comportements à risque et toxicomanie», explique-t-elle. Le récent conflit, ajoute-t-elle, a encore augmenté les angoisses des enfants, et grossi les listes d’attentes dans les centres de services psychologiques. «Je me suis donc demandée quels étaient les facteurs qui peuvent servir de tampon entre l’exposition aux évènements et leur résultat psychologique».
« Une approche totalement nouvelle »
Le Prof. Slone et son équipe ont donc décidé d’élaborer un programme d’intervention éducative et psychologique en milieu scolaire, pour encourager et renforcer ces quatre facteurs. «Le but était d’atteindre le plus grand nombre d’enfants possible dans leur environnement scolaire naturel, pour leur fournir, au-delà de simples contenus éducatifs, également une réponse à leurs besoins psychologiques, et de renforcer la résilience et la résistance des enfants vivant sur la ligne de feu», dit-elle. Initialement mis en place une semaine après l’opération Plomb durci en décembre 2008-janvier 2009, il avait alors reçu le nom générique de «Programme Sderot», et a été adopté et généreusement soutenu par Woolf Marmot et son épouse regrettée Hélène ainsi que par d’autres membres de l’Association française des amis de l’Université de Tel-Aviv, dont Marc Haddad.
Le programme est constitué de quatre modules de huit leçons, chacun centrés sur un facteur de résilience particulier, et se déroule sur trois à quatre mois. Par exemple, dans le cadre du module portant sur l’auto-mobilisation d’une aide extérieure, on a demandé aux enfants d’inscrire sur des fiches qu’ils ont posées sur le sol toutes les personnes ou les ressources de la communauté dont ils pouvaient obtenir de l’aide, et le type d’aide recherché (écoute, conseil, communication etc.). De cette façon, la classe était en mesure de produire un plan d’«aide sociale» et de discuter de la meilleure façon d’utiliser les ressources à sa disposition. L’exercice a contribué à accroître l’utilisation par les enfants des systèmes de soutien sociaux ainsi que leur sentiment de sécurité.
Aujourd’hui dans 60 écoles du pays
Un autre module consistait à créer une «carte d’alerte rouge» montrant les points les plus proches d’accès aux abris dans l’environnement des enfants. Dans une activité à part de construction de l’auto-efficacité, on a demandé aux enfants de préparer un sac à dos spécial avec les biens et les ressources qu’ils aimeraient avoir avec eux en période de danger.
Une étude d’évaluation menée sous la direction du Prof. Slone avant et après l’application du programme a permis de constater qu’il avait entraîné une nette amélioration des capacités et stratégies d’adaptation psychologique chez les enfants. «Les résultats ont été extrèmement clairs», dit-elle. «Non seulement l’intervention a pu améliorer les facteurs de résilience chez ces enfants, mais de plus tous les marqueurs de détresse psychologiques, comme l’anxiété, la dépression, les troubles obsessionnels compulsifs (TOC), les comportements suicidaires, la tendance à l’isolement etc, ont nettement diminué, en particuler pendant les périodes les plus traumatiques, comme les opérations militaires, ou les périodes de bombardements intensifs, alors que chez les enfants n’ayant pas suivi le programme, tous ces phénomènes ont augmenté. C’est dire l’importance de l’implication d’un tel programme dans un pays comme le nôtre».
Un outil de dépistage des enfants en détresse
Selon le Prof. Slone, le programme a bénéficié d’un écho très important auprès de la communauté scientifique internationale, et les études sur son efficacité, notammant après l’Opération Bordure protectirce, ont été publiées dans des revues prestigieuses. «Malheureusement», ajoute-t-elle, «nous avons également constaté que les enfants des secteurs socio-économiques les plus faibles de la population, par exemple du secteur arabe ou éthiopien, tiraient moins bénéfice du programme que les autres. Cela signifient que les enfants qui ont le plus besoin du programme en profitent le moins». La chercheuse envisage donc des solutions spécifiques pour ces enfants, sous la forme de programmes de formation parentale.
Deuxième orientation pour l’avenir: adapter le programme pour le faire passer en ligne. «Nous avions déjà commencé à avancer dans cette direction avant même l’irruption du corona. Nous avons toujours un pas d’avance sur les autres ! », plaisante la chercheuse. Des activités sont proposées aux enfants sur des groupes whatsapp, qui leur permettent de développer des dialogues entre eux et d’échanger leurs expériences. Les éducateurs et les psychologues peuvent également maintenir le contact individuellement avec chacun d’entre eux de cette manière, et pas seulement de façon frontale en classe. «Pendant la période du corona, ces nouvelles fomes du programme ont pris de l’ampleur, et je suis actuellement en train d’étudier les moyens de développer ces diverses activités et de vérifier les possibilités d’utiliser les différents média sociaux à des fins thérapeutiques pour le bien-être des enfants des agglomérations situées autour de la Bande de Gaza et dans tout Israël».
Photos et illustrations:
1. Enfants descendant aux abris au kibboutz Keren Shalom (Crédit: The Israeli Project via Flickr, Wikipediacommons)
2. Le Prof. Michelle Slone (Crédit: Université de Tel-Aviv)
3-4-5. : Illustrations du programme pilote « Résilience » sur whatsapp (Crédit: Prof. Michelle Slone)