Les humains se considèrent fréquemment comme la crème de toutes les créatures sur Terre. Ils seraient raisonnables, réfléchis, cohérents et discursifs, seuls à pouvoir penser, expliquer leurs faits et gestes, ne jamais douter et plus encore.
Cependant, nos conflits, nos rivalités me dérangent et m’agacent au plus haut point !
Ils dépeignent, sans ambages, l’humain-crétin.
Ils persistent et signent l’inconsistance aliénée, l’inconstance pernicieuse, la félonie de l’ego, la stupidité chronique. Les sujets fondamentaux ne sont jamais traités avec raison et sensibilité, principalement, par nos dirigeants politiques, mais par la volonté ineffable de la foule à demeurer la servante de la bêtise humaine générale tout autant.
Si beaucoup considèrent le bon sens comme un acquis universel pour l’ensemble de l’Humanité, il serait de bon ton d’avouer que nos propensions, à l’ineptie, au mythe, à la fiction et la supercherie, sont pléthores.
Aucun absentéisme, jamais !
La stupidité est omniprésente, fidèle à nous, fidèle aux autres, ensemble ou séparément, elle se conjugue soit de sottise comique, soit d’imbécilité tragique. Elle se déclare souvent de manière insidieuse, nous absorbe à l’improviste sans aucune préméditation. Quelquefois, bien au contraire, il y a dans ces propos, faits et gestes, une sorte de soulagement rassurant pour notre quotidien.
Comme ai- je pu être aussi stupide ?
Nous disons-nous avec embarras, tout en sachant que nous réitérerons nos erreurs d’appréciation dès le lendemain.
Comment cette bêtise ridicule a-t-elle pu m’envouter et m’asservir ?
La stupidité abjecte et avenante se manifeste lors d’épisodes féconds à souhait et subtils, l’impression de la voir en tous lieux et nulle part, prolixe, pour ou contre l’Humanité.
Aujourd’hui, deux points noirs, sérieux, impérieux et non résolus sont à l’origine de vérités et d’adversités : la pandémie et le changement climatique !
Dans la mesure où les deux motivent une réflexion et une démarche unifiées et conformes, on peut légitimement s’interroger sur ‘l’intelligence’ doublement encensée des humains (Homo Sapiens-Sapiens). Une telle équivoque n’est pas rare, le jugement des hommes a trop souvent dérapé, mal apprécié, mal compris, mal entendu, par le passé.
Les symptômes les plus cliniques restent à travers l’histoire : la baliverne du sot et la fadaise incommensurable de l’imbécile heureux !
Il n’y a pas d’autres mots qui simplifient davantage la nature de la cupidité humaine que ces lignes ci-dessus. Regardons la situation actuelle et la façon dont de nombreuses personnes, parmi elles des dirigeants, des célébrités et des roturiers, se comportent face à la pandémie du coronavirus.
Plusieurs exemples sont particulièrement notables, les uns relativement récents, l’autre datant d’il y a 500 ans. Albert Einstein attira notre attention sur la bêtise de manière frappante quand il jugea que l’infini de celle-ci chez les humains dépassait l’infini de l’univers. En effet, il jugeait la stupidité humaine sans limites.
Einstein écrit:
« Deux choses sont infinies: l’univers et la bêtise humaine, en ce qui concerne l’univers, je n’en ai pas acquis la certitude absolue.»
Il a évoqué ce postulat dans bien d’autres de ses écrits mettant en lumière la valeur du principe d’interrogation. C’est-à-dire, être et devenir suffisamment curieux pour tout remettre en cause, et prendre le temps de réfléchir à la formulation de la question la plus appropriée.
On retrouve ainsi, chez lui, les remarques suivantes:
«Ne perdez jamais une sainte curiosité»
«L’important est de ne pas arrêter de remettre en question.»,
«Si j’avais une heure pour résoudre un problème dont ma vie dépendait, je passerais les 55 premières minutes à chercher la meilleure question à me poser, et lorsque je l’aurais trouvée il me suffirait de 5 minutes pour y répondre»
Du point de vue Einsteinien, la curiosité peut être considérée comme un rempart contre la stupidité humaine. Elle nous motive à plus de savoir, à instruire ce que l’on entend ou lit et à parcourir avec assiduité les chemins de la vérité. En effet, elle mobilise l’intelligence et la capacité de penser et de peser les preuves saisies et appréhendées.
Michel de Montaigne attira, lui, notre attention sur la manière dont la bêtise s’enracine et ce qui se passe quand elle poursuit son bonhomme de chemin.
Dans l’un de ses nombreux essais, il écrivit sur les causes fondamentales, non seulement de la stupidité des hommes, mais aussi de leurs mensonges. Plus tard, il les critiqua pour «l’opinion exacerbée» qu’ils avaient d’eux-mêmes et jugea que ces derniers étaient «une douleur atroce». De toute évidence, selon son récit, la nature humaine est criblée d’ignorance, peut-être née du laxisme, mais très certainement née d’un penchant à ne pas remettre en question l’authenticité de ce que prononce toute personne en position d’autorité, ou porteuse d’une vérité révélée.
A notre époque, si sombre, où la stupidité se prescrit comme un traitement pour la vie, voici un livret requinquant, publié en 1976, et pourtant, d’une probante actualité: « Les lois fondamentales de la stupidité humaine ». L’auteur, Carlo Cipolla, nous brosse un tableau des mouvances de société où il dévoile et classe quatre grandes familles d’individus: les crétins, les intelligents, les bandits et les stupides.
Ils se distinguent les uns des autres par leurs faits et gestes sur l’ensemble de la société.
Le crétin provoque des déficits pour lui-même et des profits pour autrui.
L’être intelligent procède de façon à fournir à tous une utilité.
Le bandit ne considère que son seul intérêt.
L’être stupide génère des dégâts chez son prochain et nul intérêt pour lui-même.
En conséquence, chaque individu se trouve irrémédiablement dans l’une de ces catégories.
Il conçoit, par la suite, cinq lois fondamentales et leur effet sociétal pour mieux cheviller son analyse à ses propres conclusions.
Tous nos échecs ont une seule et même origine, la stupidité humaine !
Ce picaresque polémiste meurtrit sans ambiguïté la plaie que figure la bêtise pour l’Humanité. Il met en évidence les êtres stupides, qui sont légion, mais aussi leurs caractères innés. Ainsi, est-il utopique de vouloir les bonifier puisque leur attribut se révèle hors de toute pensée rationnelle.
Compte tenu de l’appréciation et de la préoccupation de nos différents auteurs concernant l’intelligence et la nature humaine, il serait de bon aloi d’œuvrer à réduire l’ascension inexorable du crétinisme.
On définit généralement deux formes de bêtise.
Premièrement, une bêtise foncière, privilège de l’ignare, de l’inculte et du médiocre, elle est souvent conséquente d’une absence d’études approfondies ou d’un manque de compétences techniques. Bien qu’elle puisse se révéler dangereuse, cette première forme de stupidité est curable grâce à l’injection soutenue des connaissances qui font défaut.
Toutefois, l’intelligence n’est pas une planche de salut, elle n’a jamais pu empêcher la présence de la nullité. Dit clairement, si celle-ci n’était que sujette à l’ignorance ou à l’insuffisance, il serait alors permis d’espérer.
Désolé, les choses ne sont pas si simples.
Loin d’endiguer la stupidité, la lucidité serait à même de générer chez le coquin une certitude bien malaisée: à savoir que la bêtise ne pourrait l’atteindre.
Le philosophe Clément Rosset appelle cela « bêtise du second degré », c’est une forme intelligente, mais essentiellement incorrigible, l’imbécile s’estimant, sans doute, épargné. Convaincu de pouvoir échapper à la bêtise, l’individu dresse alors son savoir comme un paratonnerre qui jamais ne le sauvera.
Dans une telle conjoncture, la stupidité ne ménage plus personne, c’est un péril incessant et ce danger, l’idiot s’y assujettit d’autant plus volontiers qu’il se juge en sûreté. A ce moment-là, ce second degré n’est plus une question de fond mais une question de forme. Il n’est guère, comme on le pense habituellement, une dégringolade ou une récidive dans l’animalité ou l’anomalie, il n’est pas arbitraire, c’est tout l’inverse, il est l’affirmation d’une conscience pédante, d’un esprit outrecuidant, infatué de lui-même et prétendant des grands principes de la logique.
Avec les réseaux sociaux la bêtise se trouve nantie d’inestimables voies de communication, ils concèdent à des milliers de jean-foutre une possible coalition en quelques clics. Ces paltoquets sont souvent les plus motivés pour la transmission de « fake news » et autres spéculations conspiratrices.
Robert Musil écrit très justement dans son ouvrage: « De la bêtise »
« Il n’est pas une seule pensée importante dont la bêtise ne sache aussitôt faire usage; elle peut se mouvoir dans toutes les directions et prendre tous les costumes de la vérité. »
Les chaînes de télévision crachouillent, sans interruption, une actualité qui favorise le « scoop » sensationnel, sensible et affectif, elles n’autorisent aucune réflexion tangible.
Le divertissement trône en lieu et place de la culture!
La téléréalité gouverne de mains de maître les loisirs des futurs déficients!
Son marché est si surchargé qu’il est impossible d’en donner une liste exhaustive où se mêlent, entre autre chose, la vilénie, le voyeur perverse, le caractère obsessif… Une folle envie de notoriété pour les prétendants à ces émissions qui charroient les poncifs les plus éculés, des logiciels pour mieux abrutir les masses et les entrainer sur les rivages de la stupidité.
Le progrès est certes toujours prometteur, d’ailleurs l’emploi irréfléchi et aventureux des algorithmes pourrait même nous emporter inexorablement vers une nouvelle formule: « la bêtise artificielle », celle-ci transcenderait ainsi les frontières de la bêtise humaine originelle.
« Quelle époque terrible que celle où des idiots dirigent des aveugles » cette citation, de William Shakespeare rejoint celle de cette célèbre phrase d’Étienne de la Boétie: « Ils ne sont grands que parce que nous sommes à genoux »
L’esprit primesautier, le persiflage sont de sombres notions parfaitement inconnues de nos dissidents de la sagesse et de la connaissance. Ils auraient exigé de pouvoir prendre un certain recul, de savoir se replier en deçà de la ligne d’égo. Vous connaissez très certainement la réplique culte, donnée par Jean Gabin dans le film « Le Pacha », de Georges Lautner : «Quand on mettra les cons sur orbite, t’as pas fini de tourner ».
Soyons indulgents avec la bêtise qui ne cherche pas à nuire, la tolérance est nécessaire pour le vivre ensemble.
Toutefois, je me garderai bien d’apporter une conclusion à ce texte car, comme disait Gustave Flaubert dans une lettre du 4 septembre 1850 à Louis Bouilhet: «la bêtise consiste à vouloir conclure».
Rony Akrich pour ashdodcafe.com