Après maintes tentatives, les unes plus scabreuses que les autres, pour se maintenir au pouvoir, Benjamin Netanyahu sera contraint de quitter sa résidence de Balfour et ses fonctions de chef du gouvernement tôt ou tard. Heureusement pour la démocratie, rares sont les perdants, qui suite à la sanction populaire, continuent de s’accrocher aux restes de leur pouvoir avec autant de ressentiment.
Certes, pour les chefs d’États, partir est toujours une torture : comment accepter de faire son deuil du pouvoir aux rênes de son propre pays ? Pourront-ils se réinventer où resteront-ils à jamais, dans la conscience publique, l’homme du passé, l’ex éternel ? Les élections ou la responsabilité politique sont deux expériences démocratiques fondamentales qui offrent l’opportunité aux élus de se retirer, avec les honneurs, du rôle suprême. Si l’un des deux venait à manquer, on ne pourrait plus parler, comme il se doit, de vraie démocratie.
Une retraite en fin de mandat implique de transmettre le pouvoir sereinement, devoir démissionner du pouvoir demande beaucoup plus d’efforts, une plus grande résilience. En particulier, si cela fait suite à un état de fait, par exemple: reconnaître être un obstacle à l’avenir démocratique de l’État, donner publiquement la direction à un tiers qui ne sera plus lui, reconnaître et remercier la pleine légitimité de son successeur …
C’est précisément dans ce contexte que notre Premier ministre refuse de s’exécuter au cours de ces deux dernières années, au moins.
Accomplir une transition pacifique, une passation des pouvoirs en bonne et due forme, permettra d’assurer la continuité du bon fonctionnement des institutions de l’État et ce malgré le nécessaire changement. L’abandon du pouvoir dans l’élégance et la splendeur ne peut être une question d’honneur et de grandeur pour les personnalités politiques, mais essentiellement d’une identité morale fondamentale: telle est l’essence même du processus démocratique. Les élus ne sont que les locataires temporaires de la fonction, les obligés du peuple.
« Cela en fait des serviteurs qui sauvegardent les institutions démocratiques et les traditions comme la primauté du droit, la séparation des pouvoirs, la protection des droits civils ». (Barack Obama)
Quitter le statut élevé n’est certes jamais aisé, mais ils doivent pourtant s’y résoudre, quand la ‘vox populi’ se fait entendre. Ils sont à l’avant-garde du destin d’un pays et, du jour au lendemain, ils appartiennent au passé. Au revoir à la puissance et au pouvoir, au revoir à tous les instants honorifiques, bienvenue dans les placards de l’histoire. Ancien président de la République, ancien chancelier, ancien Premier ministre, ancien président du Conseil … Quel que soit le titre, leur place sera désormais dans les livres d’histoire !
L’homme d’état est doté d’un corps personnel, physique, mais aussi d’un corps symbolique, politique et même presque mystique. Les deux s’unissent en lui pendant la durée de son mandat, mais quand vient le temps du départ, il doit faire le deuil de son corps politique et se ranger dans le seul et unique corps restant, celui de la finitude humaine. Il y a quelque chose de l’ordre de l’amputation, c’est sans aucun doute l’un des moments les plus violents et traumatisants que celui du ‘membre fantôme’.
« Le bon sens vous proposera de quitter le pouvoir avant que celui-ci ne vous quitte. » (Charles de Gaulle)
Abandonner sa fonction est toujours un moment difficile, mais cela est certainement plus douloureux encore quand on est doté d’un ego que le sur-conscient est incapable de ramollir. Des témoignages fragiles et éparses resteront dans les chroniques d’Israël, cela, bien sûr, ajoute plus encore à la frustration de devoir retrouver les coulisses. Nous le savons, seule une poignée d’entre eux trouvera sa place dans la mémoire collective.
« Tout le monde a son heure, mais il y a des heures qui durent plus longtemps que d’autres » (rire de Winston Churchill)
Le deuil du travail laissé en plan est plus douloureux, tous auraient voulu faire plus, mieux, plus vite. L’espace politique se rétrécit, encore et toujours, en raison de la mondialisation et de l’hégémonie du marché. On assiste à une sorte d’expropriation des politiques: Les ressorts du pouvoir s’effondrent un à un et les politiciens se sentent de plus en plus comme des personnages de l’ombre.
Étourdis par le pouvoir entre leurs mains, au tout début, ils se retrouvent soudain heurtés par et confrontés à la dure réalité: le temps s’écoule inexorablement, les réformes sont retardées, la popularité s’effondre. D’où le désir, pour la plupart d’entre eux, de conserver leur poste coûte que coûte, malgré l’âge, la maladie et autres raisons sophistiquées !
En fait, M. Netanyahu a brûlé toutes ses cartes en ne tenant pas sa parole et en devenant le fourbe de tous sans exception. Finalement, la plupart de ses partenaires politiques l’ont quitté, à l’exception des partis ultra-orthodoxes. Ajoutons que même au sein de son propre parti, le soutien s’effondre de plus en plus, récemment. Cette fois, c’est fini, il faut y aller !
Cela fait écho aux centaines de milliers d’Israéliens qui réclament depuis des mois le départ du Premier ministre, accusé de corruption, de fraude et d’abus de confiance. Ces jours sont les derniers bouleversements du maître en politique étrangère et du mauvais élève en justice sociale et politique intérieure pour son peuple.
Merci, M. Netanyahu, pour tout ce que vous avez fait et réalisé au nom et pour Israël, mais aujourd’hui peut être, ou bien demain, vous ne serez plus le chef d’orchestre, faute de musiciens. Vous pourrez, neanmoins, vous asseoir dans l’opposition ou bien dans votre luxueuse villa de Césarée.
Votre altesse est-elle enfin convaincue que son obstination opiniâtre à ne pas quitter l’arène politique entrave l’espoir d’un gouvernement majoritaire de droite ?
Alors non pas au revoir mais adieu Mr l’ex premier ministre !
Rony Akrich
©ashdodcafe.com