PARASHAT VAYISHLAH 5781 – Vendredi 4 décembre 2020 – horaires Ashdod
16 h 17 – 17 h 17
LES VERTUS D’UN RASHA
Le Ramban[1] écrivit au sujet de cette sidra qu’elle est LA sidra que nous devons étudier pour nous préparer à LA RENCONTRE entre Israël et les Nations aux temps messianiques…
Pour le Sage Catalan ce texte hebdomadaire est plein d’enseignements pour la confrontation messianique entre Israël et Edom. Israël étant Jacob et Edom, Esaü.
A la naissance de Joseph, Jacob se sentit fin prêt à rencontrer Esaü enfin, après vingt années d’exil car, commentèrent les sages : Joseph possède des cornes[2] et peut donc lutter contre Esaü d’autre part Joseph saura lutter contre le vice de la femme de Putiphar mais Esaü cède à ses instincts.
Lorsque Jacob et sa famille décide de quitter la maison de Laban sans rien dire, Rahel, agit pour la sanctification du Nom Divin en dérobant les pénates de son père et du même coup arracher l’idolâtrie du foyer paternel. De quoi s’agissait-il exactement ? Les Chaldéens étaient des idolâtres mais ils connaissaient un moyen divinatoire très particulier : le Midrash Tanhouma donne des précisions à ce sujet : ils sacrifiaient un être humain le préparaient (je vous évite les détails) puis ils utilisaient ce corps pour connaître ce qu’ils voulaient savoir en faisant parler cette personne. Rahel a pensé que son père ainsi saurait facilement vers quelle direction ils s’étaient dirigés. Or, elle n’avait pas prévu que son père parviendrait à les rejoindre ni que son époux prononcerait une malédiction sur le « voleur » de pénates qu’il n’imaginait pas être Rahel. Le contrecoup étant qu’une malédiction de la part d’un homme saint se réalise….
Jacob était un homme pieux et sage puisqu’avant de se marier il avait passé de nombreuses années à étudier la Torah. Puis il est resté fidèle à la Torah même chez son beau-père n’a-t-il pas dit à son frère Esaü lors de la rencontre : « j’ai habité chez Lavan » (garti = j’ai habité) mais ce terme est le nombre de 613 -tariag- représentant le nombre de mitsvoth contenues dans la Torah (soit : même si j’étais chez Laban, j’ai continué à observer tous les commandements de la Torah).
De plus l’un des fils de Jacob et de Léa : Issakhar (en hébreu on prononce Yssassekhar c’est-à-dire il apporte sa rétribution) et l’emblème de sa tribu est un âne. Ceci fera dire à Jacob qu’il n’a rien à craindre d’Esaü possédant un bœuf et un âne c’est-à-dire sachant se tenir loin des tentations et près de la Torah.
Pourtant, la Torah insiste sur le fait qu’à l’approche de la rencontre inévitable Jacob est saisi de crainte. Pour quelles raisons ? Le Midrash expose le fait que même si les critiques sont aisées sur la façon d’Esaü de diriger sa vie, deux faits sont des qualités immenses : le premier est le respect dû aux parents qu’Esaü a observé sans limite et le fait que tout comme Isaac, né en Canaan et n’a JAMAIS abandonné le pays, Esaü lui aussi est né en Canaan et n’a jamais abandonné ce pays. Ces deux points font peur à Jacob : comment sera-t-il jugé lui qui, a trompé son père pour obéir à sa mère, lui qui est parti de Canaan en Chaldée et y a demeuré vingt années durant ????
Dans la sidra « VAYETSE », nous avons lu que des anges montaient et descendaient au long de l’échelle dont songea Jacob. Les différents commentateurs nous enseignent que Jacob évoluait entouré d’Anges. Tant que le patriarche séjournait en Canaan, se trouvaient avec lui des Anges du Pays mais, dès qu’il quitta le pays, des Anges de « houtz laaretz »[3] escortèrent ce grand personnage. A son départ de chez Laban, à mi -chemin vers le point de rencontre avec le frère aîné, les Anges de l’étranger cédèrent leur garde aux Anges du pays et ces envoyés que Jacob envoya n’étaient autre que des anges.
La rencontre avec « l’Ange » ou « ministre » d’Essav, et le combat qui s’en suivit dont Jacob ressort victorieux mais boitillant ont fait pensé au Ari zal un commentaire très édifiant : le corps est composé de 365 guidim (tendons/nerfs) tout comme il y a 365 jours dans l’année. Le nerf sciatique qui fut touché lors du combat de Jacob avec l’Ange d’Essav (Esaü) correspond au 9 av écrit le grand cabaliste.
Quelle est la nature de ce combat entre Jacob et Esaû/Ange? En fait, ce fut un combat féroce entre la volonté de rester Juif ou celui de se mélanger aux autres forces. Effectivement, ce fut, en quelque sorte, une épreuve infligée au patriarche : Le texte nous dit que Jacob était shalem ce que l’on traduit par le mot « entier » ce qui a fait déclarer aux Sages du Talmud (traité shabbat) qu’il était « entier » (qu’il était sain et sauf et qu’il n’avait rien perdu de son argent, ni en Torah) mais un autre ouvrage le « sefer bené Issassekhar »[4] expose son opinion : pour lui « shalem » signifie que malgré ce séjour en Chaldée, Jacob a conservé son nom, sa langue et sa façon de se vêtir. Ceci se vérifie d’ailleurs lors de la « visite » de Laban : en scellant un pacte avec Jacob, Laban donne un nom chaldéen à l’édifice et Jacob reprend et corrige son beau-père en nommant ce promontoire « GAL ED » en hébreu et non pas dans une langue étrangère à la langue de la Torah.
La Torah met l’accent sur l’achat d’un terrain à Shekhem (Sichem/Naplouse). Pour quelle raison se demandent les Sages ? Les avis sont nombreux et nous n’en citerons que quelques uns : Jacob jouissant d’un don de prophétie, il sut que viendrait le jour où il confierait à Joseph le soin de l’ensevelir à Hébron et, en conséquence, il lui rendrait la pareille en se souciant d’acquérir un terrain à Shekhem pour y enterrer Joseph le moment venu.
Pourquoi à Shekhem et pas à proximité de Hébron, de la méarat hamakhpéla ? La réponse se trouve dans la guemarat Sota où les Sages ont exprimé le fait que c’est de Shekhem qu’est intervenue l’enlèvement de Joseph et c’est à Shekhem qu’il devrait être enseveli. D’autres Sages s’expriment différemment : « C’est à Dotan qu’eut lieu la vente » alors pourquoi n’a-t-il pas acheté de terrain à Dotan ? Certains avancèrent qu’en réalité le projet de la vente de Joseph germa à Shekhem c’est pour cela que Jacob acquit un terrain à Shekhem.
D’autres, enfin, trouvèrent la réponse dans la Torah elle-même : lorsqu’il est question du pâturage vers lequel Joseph dirigea ses pas pour rejoindre ses frères, la Torah s’exprime ainsi : vers LE terrain cet article désignant ce champ que Jacob acquit pour ne rien devoir à personne et d’ailleurs nous signalent les exégètes que quelques endroits ainsi furent acquis et qui jusqu’à aujourd’hui n’ont jamais été contestés comme appartenant au peuple juif ce sont entre autres : Makhpela à Hébron, Tombeau de Rahel, Tombeau de Joseph, Mts Ebar et Guerizim (près de Shekhem)…..
Rabbi David Kimhi[5], énumère les quatre raisons qui rendent Shekhem comme l’on dirait aujourd’hui « incontournable » :
1 – C’est à Shekhem qu’Abraham a fixé sa première halte dans le pays à son arrivée de Chaldée.
2- C’est aussi en ce lieu qu’HaShem opéra un miracle pour Abraham
3- C’est aussi à Shekhem que commencèrent les « possessions » d’Abraham
4- C’est à Shekhem[6] que Josué réunit le peuple avant « de rejoindre ses pères ».
D’après le Keli Yakar[7] Jacob pensa ériger en ce lieu un temple pour pouvoir prier et réciter des louanges ainsi qu’il est écrit (Psaumes 137,4) :
איך נשיר את שיר ה’ על אדמת נכר
Comment chanterions-nous un chant à D sur une terre étrangère
C’est ainsi d’après ce Rabbin de Prague que Jacob acheta cette parcelle de terre.
Pour Ibn Ezra[8], la mitsva la plus haute est de se porter acquéreur d’un terrain en Israël et de cette manière il aura une part au monde futur.
Jacob fut le premier à instaurer des « domaines » pour le shabbat et des limites pour cela a-t-on dit que le shabbat appartient à Jacob et ses fils. Shabbat est donc pour Jacob et ses fils tandis que les fêtes sont à tous d’autres Sages tels que le Hatam Sofer[9] précise de même qu’il y a une différence entre les mitsvoth entre l’homme et D il y a des mitsvoth entre l’homme et son prochain ainsi le shabbat est entre l’homme et son Créateur et la fête est entre l’homme et son prochain. Si d’aventure il vous arrive de devoir honorer des invités surprise un shabbat vous ne pourrez que l’honorer avec ce que vous possédez de prêt au contraire si cela arrive lors d’une fête vous pourrez tout faire pour l’honorer, cuisiner, pétrir, pâtisser, rôtir et plus…..
Jacob qui était humble au moment de rencontrer Esaü en oublia ses propres mérites pour ne penser qu’à ceux de son frère. Jacob craignait surtout que lui soit reproché d’avoir épousé deux sœurs ce qui est interdit. Cependant, les Hakhamim zal, ont trouvé qu’en fait il n’était pas « fautif » : en effet le raisonnement des Hazal est celui-ci : lorsque la nouvelle de la naissance de Léa et Rahel, il fut décidé que Léa épouserait Essav et Rahel épouserait Jacob ! Lorsque Léa grandit et qu’elle sut quel destin funeste l’attendait, elle se mit à tant pleurer qu’elle en perdit ses cils au point que ses yeux furent irritables et qu’elle en eut « les yeux faibles ». La théorie fut celle-ci : étant donné qu’Esaü n’avait pas de descendance « juive », Laban eut l’intention de faire épouser Léa par Jacob tout comme s’il avait eu à procéder au « yiboum » (lévirat) du vivant de son frère et non pas après sa disparition pour lui donner une descendance digne d’Abraham et d’Isaac.
Dans les aggadoth[10] on rapporte qu’il est écrit que « Esaü ne tombera que devant les fils de Rahel ». Que cela signifie-t-il ? L’explication en elle-même prendrait beaucoup de place mais nous allons la résumer ainsi : si les Sages critiquent le fait que Jacob se soit incliné à 8 reprises et a appelé son frère « adoni » 8 fois, il est écrit dans la aggada qu’Esaü tombera entre les mains des enfants de Rahel car, Joseph s’est tenu en rempart devant sa mère pour la protéger d’Esaü et quant à Benjamin, qui est né (le seul de tous ses frères) en Israël, ne s’est jamais prosterné devant quiconque et surtout pas devant Esaü. Les deux frères étaient donc supérieurs à Esaü. Avec l’aide de HaShem, nous reviendrons sur ces points-là pour Pourim.
Lors de la rencontre (j’allais écrire la semaine passée) de Jacob et Rahel Jacob versa de chaudes larmes, les Hazal (les Sages) ont aussi sur ce point des opinions voisines : les uns pensent que Rahel ressemblait tant à Rebecca (Rivka) que Jacob pleura d’émotion. D’autres pensent que le fait de ne pouvoir épouser tout de suite Rahel contrariait le futur patriarche tandis que d’autres encore pensaient qu’en apercevant Rahel, Jacob sut par prophétie qu’elle mourrait plus tôt que de normal.
Et pourtant, Jacob n’avait vraiment rien à redouter puisque ses mérites furent nombreux au point d’être récompensé et devenir le véritable fondateur du peuple juif en tant que Juif fils de Juif ainsi que nous l’avons écrit la semaine passée.
Caroline Elishéva REBOUH.
[1] Rabbi Moshé ben Nahman ou Nahmanide sage espagnol né à Gérone en Catalogne en 1194 et mort à Acco en 1270. Médecin, Philosophe, Exégète et Cabaliste.
[2] L’emblème de la tribu de Joseph est un bœuf et Esaü dans le livre de Daniel en a 10.
[3] Mot à mot « houtz la aretz » signifie en dehors du pays soit « de l’étranger ».
[4] Du Rav Tsvi Elimelekh Shapira (1783-1841) de Galicie
[5] Rabbi David Kimhi ou RaDaK (1160 à Narbonne-1235 à Narbonne également) Rabbin, philosophe, exégète et grammairien.
[6] Josué chapitre 24
[7] Rabbi Shlomo Ephraïm MéLounshitz (1540-1619) Rabbin, Rosh Yeshiva et Av Beith Din à Prague, surnommé d’après le titre de son œuvre maîtresse.
[8] Abraham Ibn Ezra (1089 à Tudèle- 1167 à Safed – son tombeau y a été découvert en 2017), il fut rabbin, poète, philosophe, grammairien, mathématicien, astronome etc….
[9] Moshé Schreiber (1762 à Francfort-1839 à Bratislava)
[10] Aggadah et pas Hagadah de Pessah. Aggadah est une sorte de midrash dirons-nous certaines sont rapportées dans des ouvrages comme le Yalkout Shimoni.