PARASHAT SHELAH LEKHA 5780 – Shabbat du 13 juin 2020 – horaires Ashdod entrée 19 h 27 – sortie 20 h 31
DE L’EXACTITUDE DES RAPPORTS
La péricope est cette fois encore très riche en enseignements avec la mission confiée aux douze envoyés et avec les premières infractions à l’observance du shabbat (celui qui ramassait du bois) et la mitsva des tsitsioth.
La semaine dernière la sidra se terminait sur la médisance d’Aharon et de Myriam sur l’homme d’exception que fut Moshé Rabbénou. Nous allons rappeler brièvement de quoi il s’est agi. Moïse s’étant aperçu du fait qu’HaShem S’adressait à lui sans cesse et sans mise en garde, il comprit qu’il lui était nécessaire de se trouver en tout temps dans un état de pureté voire de sainteté et, il avait donc pris la décision de se séparer physiquement de son épouse. La chose venant à la connaissance d’Aharon, Cohen Gadol, et de Myriam, prophétesse, il arriva que ces deux hautes personnalités dont les mérites[1] étaient immenses, se prirent à critiquer la conduite de leur « jeune frère » en prétextant que même eux dont la charge était importante ne s’étaient pas séparés de leurs conjoints ! La sanction fut immédiate car Myriam fut atteinte de lèpre[2] immédiatement et sans atermoiement.
Lorsque l’Eternel annonce l’entrée prochaine sur cette terre qu’IL va débarrasser de ses habitants, Moïse exprime le souhait d’envoyer des explorateurs, ce à quoi HaShem lui répond : « envoie POUR TOI » ou pour te satisfaire. La signification est claire (en langage actuel) : pour Moi, cela n’est pas utile mais, si toi, tu le désires, alors envoie des gens qui vont parcourir le pays… pas de problème….!!!
Moïse va donc désigner douze personnes qui vont visiter le pays, vont se rendre compte d’un certain nombre d’évènements sans en connaître les motivations. Et, pour dix de ces envoyés, au lieu de questionner sur le pourquoi de ce à quoi ils ont assisté, ils vont tout simplement tirer des conclusions hâtives et vont communiquer leur désarroi. Seulement voilà : ayant été dépêchés par Moïse, ils devaient faire leur rapport à Moïse et ils firent leur rapport au peuple lui communiquant leurs craintes.
Depuis la sortie d’Egypte, les enfants de Jacob augmentés du « êrev rav », avaient « éprouvé » sévèrement l’Eternel et cette fois, ce fut la dixième fois que le peuple « ruminait » contre HaShem y compris la faute du veau d’or et à chaque fois Moïse intervint auprès du Maître de l’Univers qui pardonna. Cette fois le pardon n’était pas possible ! En effet, comment pardonner cette atteinte « personnelle » ?
Moïse a été l’être humain qui fut le seul et unique à être le plus proche d’HaShem et mal parler de lui a entraîné une atteinte de lèpre. Dire du mal d’Eretz Israël est la pire chose qui puisse exister car, Eretz Israël est un cadeau, un présent, et pas n’importe lequel car sur le plan mystique Israël est l’ EPOUSE de l’Eternel et si la Torah est la KETOUBA, ERETZ ISRAEL est la NEDOUNYA : la dot. Dire du mal de cette Terre qui n’est autre que la résidence terrestre d’HaShem, équivaut à porter atteinte à l’amour de D pour Son peuple ! C’est porter atteinte à HaShem et l’enjeu n’est plus le même ! La punition non plus n’est plus la même : il ne va plus s’agir d’être atteint de plaies dermiques et au bout d’un certain temps de revenir dans le peuple : cette fois-ci, il s’agira de peine de mort !
Si les « explorateurs » étaient revenus rendre compte du résultat de leur enquête directement à Moïse comme il eût été correct de le faire, Moshé eût pu leur expliquer les causes de ce qu’ils avaient constaté au lieu de mal interpréter les faits : en effet, HaShem avait provoqué une mortalité parmi les natifs de la région de manière à ce que tous soient occupés et que leur attention ne soit pas attirée par la présence d’étrangers. Et il ne s’agissait nullement d’un pays « qui dévore ses habitants »… Le Malbim[3] attire notre attention sur le nombre d’espions[4] envoyés par Moïse (12) et ceux envoyés par Josué à Jéricho(2).
Le fait d’envoyer des observateurs à Jéricho dit le célèbre commentateur fut à la base réclamé par le peuple ? Peut-être un peu comme, plus tard le peuple réclama de la part de Samuel qu’il nommât un peuple ? Un peu, comme débuta chaque soulèvement.
Il y eut pourtant une différence de taille entre l’opération déclenchée par Moïse et celle de Josué car nous tirons du texte que les deux hommes[5] car le texte précise bien que Josué a initié cette opération dans la plus grande discrétion[6] et ses personnes sont revenues rapidement après mission accomplie lui rendre compte directement à lui.
Somme toute, cette mission qui partait d’un bon sentiment échoua d’une part car au lieu d’examiner ce qu’ils observèrent et de les exposer de manière objective et sans laisser apparaître leurs sentiments de peur ou d’angoisse devant l’inconnu et surtout sans avoir foi en la promesse divine.
Dans un même registre de sentiments attristés, a lieu un épisode regrettable : un homme est surpris, pendant shabbat, en train de ramasser du bois. Le « commandement » concernant l’observance du shabbat figure en 4ème place sur les Tables de la Loi, soit, immédiatement après les paroles concernant HaShem et avant celle concernant le respect dû aux parents considérés par HaShem comme Ses associés directs dans la création des enfants, ceci pour faire comprendre à l’homme à quel point l’institution du shabbat est quelque chose d’immense qui ne doit pas être pris à la légère ! Aussi, que cet homme ait ramassé du bois était une faute. Pourtant, il commit cette infraction seul et ne contraignit personne dans cette faute à faire comme lui et non pas comme le fera Korah qui entraîna toute sa communauté avec lui dans sa faute. Le fait d’ailleurs d’avoir agi seul, sera retenu en sa faveur et servira la plaidoirie de ses filles ainsi que nous le verrons plus tard.
HaShem impose aux enfants d’Israël de nouer des franges aux 4 coins de leurs vêtements : les tsitsioth : fils de laine blanche et d’un fil de couleur bleue. Cette mitsva est également d’une importance capitale car porter un vêtement avec des tsitsioth est, symboliquement, équivalent à appliquer les 613 mitsvoth de la Torah car le mot tsitsit ציצית a une valeur numérique de 600, chiffre auquel on ajoute les 8 fils noués et les 5 nœuds faits nous obtenons donc symboliquement la valeur de 613 mitsvoth…
Caroline Elishéva REBOUH
[1] Rappelons que les 3 miracles permanents qui eurent lieu dans le désert pendant pratiquement 40 ans furent la manne par le mérite de Moïse, les änané kavod (les nuées) par le mérite d’Aharon et l’eau (le puits) par le mérite de Myriam..
[2] Rappelons que le nom même de lèpre (metsora) est la sanction de la médisance (metso râ = a sorti du mal ou a dit du mal).
[3]Malbim = Méïr Leibush ben Yéhiel Michel Wisser né en Ukraine en 1809 et décédé à Kiev en Ukraine en 1879. Rabbin, Exégète et grammairien.
[4] Envoyé se dit shaliah (שליח) alors qu’espion se dit meraguel (מרגל). La différence entre les deux termes est immense car un shaliah est là pour faire du tourisme (mot venant de la racine « latour »לתור et le but est donc pacifique tandis que l’espionnage est fait dans un but inavouable et souvent pour le mal. Shaliah fait son rapport en « sourdine » בלחש mêmes lettres en désordre, tandis que meraguel avec la racine רגל réguel = pied peut s’entendre avec une notion de répétition ou d’habitude (herguel הרגל ), d’empêchement לעשות רגל.
[5] Ces deux hommes n’étaient pas des moindres et ils avaient déjà prouvé et leur piété et leur valeur et leur efficacité : il s’agissait de Caleb ben Yéfouné époux de Myriam et de Pinhas, lui qui avait « embroché » Zimri ben Salou et Kozbi bat Tsour lors de leur acte condamnable…(Nombres chapitre XXV).
[5] Le texte précise qu’ils se sont rendus sur place comme des « sourds » (חרש) c’est-à-dire qu’ils devaient se faire passer pour des malentendants pour ne pas éveiller la curiosité ou la méfiance des indigènes (natifs du lieu) qui croyant ces personnes sourdes n’auraient pas modifié leur comportement !