PARASHAT NASSO 5780 – Shabbat du 30 mai 2020 – horaires entrée 19 h 20 – sortie 20 h 23
DE LA FEMME INFIDELE
Cette parasha sera lue cette année juste au lendemain de shavouoth. Ce texte est très long et monotone pourrait-on dire, à la limite, puisque pour chaque « prince » qui va présenter ses sacrifices, la Torah va consacrer 6 versets semblables… Pour quelle raison ne pouvons-nous lire : « untel, untel, untel…… ont présenté chacun à son tour ceci et cela…..???? » Les Hazal, les Sages nous expliquent que pour chaque acte de la vie pour chaque parole prononcée, l’homme s’acquitte de son devoir en vertu de plusieurs facteurs : d’une part la pensée qu’il adjoint à chaque geste, sa propre compréhension et acception de chaque mitsva et, en conséquence, même si l’offrande fut identique à celle qui précéda ou à celle qui succéda, la « kavana » (intention) de chacun fut différente à la base.
Des sujets importants sont évoqués dans cette péricope tels le NAZIR mais aussi la femme infidèle ou SOTA en hébreu. Qu’il me soit permis d’ouvrir ici une très brève parenthèse : le mot Sota en hébreu סוטהprend sa racine dans le verbe לסטות qui signifie « dévier » (du chemin normal) comme beaucoup d’autres mots français, le mot « sotte » prend sa racine dans SOTA.
Tous ces sujets ainsi que celui du Matan Torah dont il a été question lors de la fête de Shavouoth sont reliés par un fil conducteur, celui de la recherche de la pureté car tout ce qui n’est pas compris dans un fonctionnement normal et logique est considéré comme une déviation…
Dans le Talmud de Jérusalem un traité entier de Guémara est consacré à ce sujet immense et infiniment « douloureux » que celui de la femme infidèle et le verbe לשטות signifie, plus précisément : tromper.
Ce sujet permet de donner des réponses à beaucoup de questions qui peuvent se poser. Le texte dit Nombres V, 12:
דַּבֵּר אֶל-בְּנֵי יִשְׂרָאֵל, וְאָמַרְתָּ אֲלֵהֶם: אִישׁ אִישׁ כִּי-תִשְׂטֶה אִשְׁתּוֹ, וּמָעֲלָה בוֹ מָעַל
Parle aux enfants d’Israël et dis-leur: Si la femme de quelqu’un, déviant de ses devoirs, lui devient infidèle.
Des vingt versets qui partent de ces quelques mots-là jusqu’à la fin de ce même chapitre, la Torah explique avec beaucoup de clarté toute la procédure mais nous allons nous-mêmes décortiquer ce texte qui semble facile à comprendre mais qui, pourtant, contient bien des allusions que nous comprendrons grâce aux commentaires de nos Sages.
Tout d’abord pourquoi est-il écrit : « ish, ish » ? Grâce à D ce sujet n’est pas d’actualité pour tous les couples !!! Le non-dit ici, est celui-ci : un homme n’est jamais totalement seul et surtout dans une épreuve où HaShem Se tient aux côtés de Sa créature ! Le redoublement du mot « ish » signifie donc ici, qu’en trompant son mari, une femme commet une double faute car elle également trompé D !
Avant d’offrir la Torah à Israël, le Midrash raconte que le Créateur a proposé à 70 peuples différents de leur donner la Torah et, à la question de chaque nation qui demandait : « et qu’est-ce qu’il y a d’écrit sur Ta Torah » HaShem répondait : « Ne pas voler » ou « ne pas tuer » etc… ce à quoi S’entendait-IL rétorquer par ces mêmes dirigeants que cela ne pouvait pas leur convenir car telle était leur raison de vivre ! HaShem cherchait un peuple « PUR », gardien des principes de pureté. IL demanda à chaque « chef d’Etat » s’il avait, de plus, la possibilité de prouver la pureté de son peuple et, bien entendu, dans ce domaine aussi, la réponse fut négative……… Les Sages posent la question : comment le peuple juif peut-il prouver qu’il est resté « pur » malgré les 210 ans d’exil, dans ce réservoir d’impureté qu’était l’Egypte, et malgré le milieu ambiant et malgré l’esclavage !!!!
Rashi et le Ba’âl HaTourim[1]ont expliqué la chose ainsi : de façon à protéger les 12 tribus de l’environnement frelaté dans lequel se sont retrouvés les enfants de Jacob, HaShem a donné à chaque famille un nom dans lequel la première lettre était toujours un ‘hé et la dernière un youd exemple : HaméirI ou HaréouvénI etc…. le ‘hé et le youd font partie du nom de D (ya-h) donc, ces lettres formaient un bouclier contre l’impureté et c’est ainsi qu’ils furent tous protégés HaShem étant leur garant… [2]. La preuve de l’attachement des femmes juives à la pureté et à la foi ancestrale fut reconnue par HaShem qui accepta le don des « miroirs » de cuivre fait par les femmes qui mettaient un zèle particulier à se faire belles pour leur mari lorsque celui-ci revenait des travaux d’esclavage chaque soir.
Sur toute l’histoire de l’esclavage en Egypte, il n’y eut qu’un cas « d’impureté » : celui de Shlomith bat Dibri qui eut un fils d’un Egyptien[3] et ce fut un cas indépendant de la volonté de la femme.
Avant de poursuivre il est nécessaire de distinguer d’une part les différents « camps » (mahané מחנה) et les différents cas d’impureté qui devront déterminer qui devra résider hors du camp et pour combien de temps.
Autour du Mishkan, dans le désert, les 12 tribus étaient installées en carré (3 tribus de chaque côté). Il y avait le « Shilouah teméïm » ou l’endroit vers lequel étaient dirigés ceux qui se trouvaient en état d’impureté[4], puis, le camp d’Israël, celui des Léviim (Léviya) et celui de la Shékhina (présence divine).
Pour le Keli Yakar[5], ces 3 sortes d’impureté correspondent à infractions à la Torah : la lèpre est en rapport avec l’idolâtrie (avoda zara), le flux est en rapport avec les infractions dans la vie sexuelle (guilouy ârayoth) et l’impureté à cause d’un contact avec un mort est en rapport avec le fait de verser du sang sans besoin véritable.
Le Ba’âl HaTourim pense, au contraire que les 3 sortes d’impureté nous ramènent aux jours de Bereshit et plus précisément aux trois instigateurs du péché originel en suivant les parallèles suivants : le serpent correspond à la lèpre[6] car le serpent a proféré des paroles niant la pertinence de l’interdiction. Le fait que la femme, Eve, ait reçu son tribut périodique dès la désobéissance (impureté du flux), et Adam qui, par son acte de désobéissance, a introduit la mort dans le monde !
Ces trois sortes d’impureté sont rappelées lors de tout le processus visant à révéler si la femme suspectée est véritablement Sotta ou pas.
Dans ces versets existent deux sortes de non-dits supplémentaires : le premier non-dit se situe au début du processus où le Cohen s’approche de la femme suspectée et lui découvre la tête ce qui revient à dire qu’une femme mariée a donc la tête couverte ; Il n’est pas indiqué que la femme doive se couvrir la tête mais ce verset l’indique.
Ensuite, le Cohen Gadol, se saisit d’un ustensile en terre cuite dans lequel il va mélanger de la terre[7], puis de l’eau[8] du kior de manière à toujours associer la vertu des femmes juives en Egypte lorsqu’elles se servaient de leurs miroirs de cuivre pour pouvoir séduire leur mari et pouvoir continuer à procréer. Puis, le klaf sur lequel le Cohen inscrira selon des règles précises le nom d’HaShem de manière telle que les lettres daleth et noun formant le mot « dan » (juge) apparaisse ce qui fera dire au Ramban que le résultat de tout ce processus découlait d’un ness (miracle) véritable à chaque fois d’adultère, car, plusieurs cas d’espèces pouvaient se présenter : si la femme avait vraiment entretenu une relation adultérine, maisque le mari fut lui aussi coupable d’adultère, la femme soupçonnée ne mourrait pas et était donc pardonnée. Si la femme était soupçonnée injustement et si de plus elle n’était pas fertile, elle serait récompensée et pourrait avoir dorénavant une fabuleuse progéniture.
Rabbénou Behayé[9] rappelle la raison pour laquelle ici il est question d’un ustensile d’argile, de terre et d’eau d’après le midrash qui raconte que lorsque le Créateur a façonné Adam HaRishon il prit de la terre de tous les « coins » de la terre pour qu’à l’heure où l’homme viendrait à mourir qu’il pût être accepté partout dans le monde ! et, tout comme HaShem prit de l’eau et de la terre ici, le Cohen fait de même. D’autre part dit-il on donne à chaque femme l’opportunité de courir sa propre chance en lui donnant à boire dans un ustensile sur lequel, personne avant elle n’aura pu poser ses lèvres auparavant et ainsi nul ne pourra soupçonner que l’impureté de l’une se soit communiquée à l’autre !
A ce propos, le midrash raconte que la vertueuse Hannah, épouse d’Elkana, n’avait pas d’enfants et, elle alla prier dans le Temple tenu par Eli le Cohen et supplia HaShem de lui donner un enfant normalement sans quoi, elle promettait de mettre au point un stratagème (faire une fugue) pour que son époux la soupçonne injustement et qu’elle bénéficie alors d’une progéniture en contre coup…
Le sujet des Mamzérim découle directement du problème de la femme sotta mais ce sujet étant très ardu je vous propose un dossier pour la semaine prochaine…..
Caroline Elishéva REBOUH
[1] Rabbi Shlomo Itshaki (Rashi) 1040 à Troyes- 1105 à Troyes exégète du Tanakh et du Talmud.
Ba’âl HaTourim : Rabbi Ya’âkov ben Asher 1269 à Cologne (Allemagne)- 1343 à Tolède (Espagne) fils de Asher ben Yehiel (dit le Rosh) décisionnaire rabbinique.
[2] Les douze tribus sont appelées SHIVTEY YA’H (les tribus de D).
[3]Le Zohar, les Midrashim et le Rama de Pano s’accordent à expliquer ceci : les Egyptiens surveillaient les maîtres de corvée juifs qui étaient nommés sur 10 de leurs frères. Un soir, le surveillant égyptien ordonna aux maîtres de corvée de sortir et d’aller rejoindre les autres mais l’un des surveillants ayant aperçu Shelomith bat Dibri qui était fort belle et il la viola. Le mari revenant vit l’Egyptien sortant de la maison il questionna sa femme qui lui confirma avoir cru qu’il était son mari. Or, elle devint enceinte de ces faits et le fils qu’elle eut fut le blasphémateur (Lévitique XXIV, 11 à 23). Et, c’est cet Egyptien qui abusa la femme que Moshé Rabbénou tua dans Shemot II, 11 et 12).
[4] Les cas d’impureté sont : les lépreux, ceux atteints d’un flux et ceux qui s’étaient rendus impurs par la proximité avec un mort.
[5] Keli Yakar ou Rabbi Shlomo Ephraïm de Luntshits 1550-1619 en Pologne.
[6] Affection qui survient après de la médisance.
[7] Pas n’importe laquelle mais de la terre prise dans le sous-sol du Saint des Saints.
[8] Ici encore, pas n’importe quelle eau mais de l’eau contenue dans le kior en cuivre dont se servent les cohanim pour leurs ablutions et, ce kior est fait du cuivre offert par les femmes pour le mishkan.
[9] Rabénou Behayé ou Bahya ben Asher ben Halioua né à Sarragosse en Espagne en 1255 et mort en 1340