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On traitait déjà les fractures il y a 35 000 ans, d’après les archéologues de l’Université de Tel-Aviv

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Une étude menée par un groupe de chercheurs du Département d’anatomie et d’anthropologie de la Faculté de médecine de l’Université de Tel-Aviv, sous la direction du Prof. Israël Hershkovitz et du Dr. Hila May, sur les os du pied d’un adolescent qui avait subi une fracture grave il y a 35 000 ans, révèle que ce jeune a reçu des soins lui permettant non seulement de survivre, mais aussi de se remettre de sa blessure. Selon les chercheurs, cette propension des premiers hommes à soutenir les membres affaiblis de leur communauté est probablement la principale raison de la survie de ces groupes, et s’est finalement avérée être la clé du succès de notre espèce.

L’étude a été récemment publiée dans le Journal of Human Evolution.

Manot footLes archéologues travaillant sur le chantier de fouilles de la grotte de Manot en Galilée occidentale, qui a déjà livré des trésors de vestiges paléolithiques, ont découvert les restes des ossements du pied d’un jeune adulte, datant de 36 000 à 38 000 ans, portant les signes d’une fracture grave remarquablement bien ressoudée.

« Nous avons retrouvé ces ossements au cours de plusieurs saisons de fouilles consécutives entre 2014 et 2017 », explique le Dr. Hila May du Département d’anatomie et anthropologie de la Faculté de médecine et du Centre Dan David pour l’étude de l’évolution humaine et la recherche biohistorique de l’Université de Tel- Aviv. « Mais nous sommes arrivés à la conclusion qu’ils appartenaient à la même personne, à la fois parce qu’ils ont été retrouvés dans la même couche archéologique et à proximité les uns des autres, et parce qu’ils s’imbriquaient parfaitement entre eux ».

Solidarité sociale préhistorique

En examinant les ossements, les chercheurs ont pu constater les marques révélatrices d’une fracture cicatrisée dans le deuxième os du métatarse, ensemble de cinq os longs situés au milieu du pied, survenue longtemps auparavant dans la vie de cette personne. « La personne est décédée jeune, mais des années plus tard, et de causes inconnues mais qui n’avaient probablement rien à voir », explique le Dr. May. « La fracture s’est probablement produite dans l’enfance à la suite d’une chute ou de celle d’un objet sur son pied ».

Les examens au scanner de l’os ont confirmé l’hypothèse et permis d’identifier une fracture dans laquelle le métatarse était disloqué de l’os du tarse adjacent. « Ce type de blessure est encore courant aujourd’hui, en particulier chez les athlètes et les enfants. Même à présent, une fracture de ce type peut nécessiter une intervention chirurgicale, ou au moins le port d’un plâtre pendant 6 à 12 semaines avant que le patient puisse reprendre une activité normale », explique le Dr. May.

« Bien que l’adolescent blessé ait pu se déplacer à l’aide d’un bâton lui servant de béquille de fortune, il aurait été incapable de s’appuyer sur son pied à cause de la douleur et a donc été complètement dépendant du reste du groupe pendant un certain temps », explique le Prof. Hershkovitz. « Cela signifie que la société disposait de suffisamment de ressources pour soutenir les personnes handicapées, temporairement ou définitivement. Nous ne savons pas grand-chose sur le fonctionnement des sociétés préhistoriques, et ces découvertes nous ouvrent une fenêtre sur leurs mécanismes de soutien et de solidarité sociale ».

Des connaissances médicales de base

Les chercheurs estiment même que le corps a été placé dans la grotte exprès pour y être enterré, faisant potentiellement preuve de compassion non seulement pour les faibles, mais aussi pour les morts. « La présence de plusieurs artefacts tels que des outils en silex et des coquillages apportés d’ailleurs peut suggérer que nous sommes en présence d’un enterrement organisé ».

« On peut également spéculer que les habitants de la grotte possédaient des connaissances médicales de base et aient su fixer une attelle pour le pied blessé, en utilisant un os ou un morceau de bois pour immobiliser le membre pendant un certain temps et favoriser la guérison. Sinon, la fracture n’aurait pas aussi bien guérir ».

Les chercheurs pensent qu’il s’agissait du pied d’un garçon, sans cependant établir ce fait avec certitude, car ils n’ont pu en extraire l’ADN. « En Israël, l’ADN se détruit très rapidement à cause de la chaleur du climat. De plus, extraire l’ADN d’un os du pied est difficile, contrairement à d’autres parties du squelette où la matière osseuse est plus compact », explique le Dr. May.

Ils estiment cependant qu’il s’agissait d’un jeune de 15 à 20 ans, qui appartenait à un groupe de chasseurs-cueilleurs installé dans la région. « Nous savons qu’il y a environ 15 000 ans, l’espérance de vie moyenne des chasseurs-cueilleurs était d’environ 30 ans ».

Une population hybride Homo Sapiens/ Néendertal

Selon la forme et la taille de l’os, le pied appartenait à un Homo Sapiens. Cependant, les chercheurs ont également pu y déceler certains traits néandertaliens. Ceci concorde avec les études antérieures d’autres restes humains trouvés à Manot, qui ont conclu que la grotte était habitée par une population hybride Sapiens-Néandertal. « Nous ne savons pas quel était le modèle de leur interaction, si les femmes se rendaient dans les groupes néandertaliens ou le contraire, mais nous savons que les humains modernes se sont croisés avec les Néandertaliens, contrairement à ce que l’on a pensé pendant de nombreuses années », a déclaré le Dr. May. « Le fait que nous ayons repéré des caractéristiques néandertaliennes dans les restes que nous avons trouvés dans la grotte de Manot signifie qu’ils s’accouplaient et qu’ils avaient des enfants ensemble, même s’ils avaient une morphologie différente. Nous savons que tous les homo sapiens qui ont quitté l’Afrique il y a environ 65 000 ans possédaient des gènes néandertaliens. Cela soulève une question très intéressante sur la façon dont nous définissons les espèces ».

« Apparemment tous les humains d’aujourd’hui comportent encore un petit pourcentage d’ADN néandertalien, bien qu’en quantité beaucoup plus faible que nos lointains ancêtres de Manot », ajoute le Prof. Hershkovitz. « La composante génétique néandertalienne alors était beaucoup plus forte qu’aujourd’hui, mais ses éléments se sont lentement dilués dans le patrimoine génétique et ont pour la plupart disparu ».

Le pied cassé guéri de la grotte de Manot n’est ni la première ni la plus ancienne preuve que nos ancêtres prenaient soin des malades et des handicapés. Des signes de compassion et de soutien altruiste ont été découverts non seulement chez les Homo sapiens mais aussi chez les Néandertaliens, qui semblaient capables de prendre soin même des personnes les plus gravement handicapées. Elle est quand même significative car nous disposons de très peu de connaissances sur ces groupes de chasseurs-cueilleurs, et surtout sur leur comportement social.

« Nous savons qu’ils vivaient en petits groupes, composés peut-être de quelques dizaines d’individus, se déplaçant en fonction des disponibilités alimentaires. En règle générale, les hommes partaient à la chasse tandis que les femmes s’occupaient de la cueillette, de la nourriture et des enfants », commente le Dr. May.

La découverte vient s’ajouter à la masse croissante de preuves qui montrent que les hominiens préhistoriques étaient tout sauf des brutes primitives. « Ils ne laissaient pas les personnes malades mourir quelque part, et prenaient soin de celles qui étaient plus faibles », explique le Prof. Hershkovitz. « En fait, la naissance de sociétés complexes qui ont amené les hominiens à coopérer sur des tâches difficiles et à se soutenir mutuellement lorsqu’un individu s’affaiblissait est probablement la principale raison de la survie de ces groupes, et s’est finalement avérée être la clé du succès de notre espèce ».

Photos :

1. Grotte de Manot (la flèche indique l’endroit où le pied a été retrouvé. Crédit photo: Prof. Israel Hershkovitz)

2. Les os de l’étude (Crédit: Sarah Borgel)

https://www.ami-universite-telaviv.com

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