Le Dr. Zvi Lederman et le Prof. Shlomo Bunimovitz du Département d’archéologie de l’Université de Tel-Aviv ont retrouvé une dalle en pierre massive reposant horizontalement sur deux rochers plus petits, dans un temple datant du 12e siècle av. JC, époque à laquelle le peuple d’Israël était en guerre contre les Philistins, sur le site archéologique de Bet Shemesh, à 20 kilomètres à l’ouest de Jérusalem. Selon les chercheurs, cette dalle particulière pourrait rappeler la « grande pierre » biblique sur laquelle les Philistins ont déposé l’Arche d’Alliance qu’ils avaient dérobée aux Israélites.
« Ce serait un cas rare où l’on voit fusionner le récit biblique avec une découverte archéologique », a déclaré le Dr. Lederman qui dirige les fouilles de l’Université de Tel-Aviv sur le site biblique de Bet Shemesh.
Le bâtiment identifié comme un temple, dans lequel a été découvert la fameuse dalle était isolé des zones résidentielles et avait des murs plus solides, comme l’explique le Prof. Bunimovitz. C’était aussi un carré parfait, de 8,5 mètres de côté, dont les angles étaient orientés suivant les points cardinaux. A l’est est située une plate-forme (bamah) comme on en retrouve couramment pour les cérémonies religieuses. À l’intérieur du bâtiment on a retrouvé deux grosses pierres rondes concaves dans lesquelles des gouttières ont été creusées, qui pourraient avoir été utilisées pour des libations de vin ou bien comme pressoirs à olives miniatures pour produire de l’huile sacrée, selon le Dr. Lederman. Les chercheurs ont également découvert des cruches et des tasses en poterie décorées ainsi qu’un tas d’os d’animaux. » Il existe de nombreuses preuves du fait qu’il s’agissait bien d’un temple, et non d’un espace domestique standard », commente le Prof. Bunimovitz.
Profané par les Philistins
Pour le mettre à jour, les archéologues ont dû creuser à travers plusieurs couches d’un matériau noir épais, qu’ils pensaient initialement être des cendres qui se seraient formées lorsque le bâtiment a été incendié. Mais l’analyse a révélé qu’il s’agissait de crottes d’animaux. Selon le Dr. Lederman, le site a été transformé en enclos peu de temps après sa destruction, dans une intention de profanation, probablement par les Philistins, dont la ville la plus proche, Tel Batash, n’était qu’à sept kilomètres de Bet Shemesh.
Les 12e et 11e siècle avant notre ère correspondent à l’époque de l’Israël pré-monarchique, pendant laquelle des juges comme Samson et Deborah régnaient sur les douze tribus. Bet Shemesh est alors décrite comme une ville frontalière entre les Israélites et les Philistins, dans une région où les deux peuples se sont souvent affrontés. Et en effet, les archéologues ont identifié quatre couches d’agglomérations distinctes qui se sont succédées à cette époque, montrant que l’endroit a été conquis, abandonné ou détruit et reconstruit plusieurs fois en deux siècles. C’est au cours de l’une de ces périodes que le temple retrouvé a été détruit, indiquant donc que les profanateurs étaient probablement les Philistins conquérants.
La dalle trouvée semble expliquer l’importance attachée à l’époque à ce site. « Nous nous sommes vite rendu compte qu’il devait s’agir d’une table », explique le Dr. Lederman. De plus, celle-ci semble correspondre au profil de la « grande pierre » sur laquelle, selon le premier livre de Samuel, l’Arche d’Alliance reposait lorsqu’elle a été amenée à Beth Shemesh par les Philistins. Selon la Bible, après que les Israélites se soient installés sur la Terre Promise, l’Arche a été placée à Shiloh, au nord de Jérusalem, mais a ensuite été capturée par les Philistins lors d’un combat. Dieu a alors punis ces derniers pour leur arrogance, leur affligeant maladies et fléaux tant et si bien qu’ils placèrent l’Arche sur un chariot et la ramenèrent aux Israélites à Bet Shemesh avec des objets en or pour apaiser la colère divine.
Quand l’archéologie et la Bible se rencontrent
« Les gens de Beth Shemesh faisaient alors la coupe du blé dans la vallée; ils levèrent les yeux et virent l’arche, et se réjouirent à cette vue. Alors le chariot entra dans le champ de Josué de Beth Shemesh et s’y arrêta; là se trouvait une grosse pierre. On fendit en morceaux le bois du chariot et l’on offrit les vaches en holocauste à l’Eternel. Les Lévites descendirent l’arche de l’Eternel et le coffre qui l’accompagnait, contenant les objets d’or, et posèrent le tout sur la grosse pierre« . (1 Samuel 6: 13-15).
La Bible raconte encore comment Dieu a abattu les habitants de Bet Shemesh qui avaient osé regarder à l’intérieur de l’arche, qui a ensuite été emmenée à Kiriath Yearim, où elle est restée pendant 20 ans avant d’être transportée à Jérusalem par le roi David.
S’il est presque impossible, expliquent les chercheurs, de prouver sur le plan archéologique que l’arche a bien reposé sur cette table en pierre particulière, la découverte suggère cependant que le récit biblique, probablement compilé à la fin du 7e siècle av. JC sous le roi Josias, reposait sur une tradition beaucoup plus ancienne rapportant l’existence de la « grande pierre » de Beth Shemesh qui fonctionnait comme un foyer important de culte au 12ème siècle avant notre ère – et donc corrobore la théorie selon laquelle le récit biblique transmet certaines traditions beaucoup plus anciennes dont certaines, comme celle-ci peuvent être reliées à des découvertes archéologiques.
Le nom de la ville, Beth Shemesh, signifie « maison du soleil » et suggère que ses premiers habitants adoraient la divinité solaire cananéenne. D’un autre côté, les os d’animaux trouvés dans le temple, de même que dans l’ensemble des villes de l’âge du fer de la région, n’incluent pas de porc, faisant écho à l’interdiction juive de manger du porc. La quasi-absence d’os de porc dans les sites du Levant a depuis longtemps été identifiée par les archéologues comme l’un des premiers traits culturels distinctifs des Cananéens et des premiers Israélites au début de l’âge du fer, permettant de les distinguer des Philistins. « Toute l’archéologie de Beth Shemesh et des hauts plateaux de Canaan montre un lent processus de construction d’identité de ce que nous appellerons finalement le peuple d’Israël, face à la culture païenne des Philistins ».
Photos: Dr. Zvi Lederman