PARASHAT  VAYIGASH 5780 – Shabbat du 04-01-2020 /Allumage Ashdod 16 h29– 17 h 30  

Hanouka vient de se terminer et ce fut en même temps la période où le shabbat tombe le plus tôt et se termine le plus tôt. Tout doucement, les jours augment et les nuits se raccourcissent et dans un mois les arbres qui ont, avec les vents d’automne, ont perdu leur parure vont à nouveau se couvrir de bourgeons et refleurir. Le 10 Teveth est la date du jeûne commémorant le premier assaut aux murailles de Jérusalem.

LA PREMIERE IMPRESSION

Joseph, devenu vice-roi d’Egypte et conseiller économique d’Egypte, sut que la famine atteindrait non seulement l’Egypte mais encore toute la région et, par conséquent, le pays de Canaan. 22 années se sont écoulées depuis la vente de Joseph par ses frères. Il a souffert, pendant que son père se mortifiait de cette disparition. Ainsi qu’il a été dit dans Miketz, l’inspiration prophétique de Jacob avait disparu depuis ce moment où il ressentit la douleur de cette perte incommensurable. Tout à coup, la Torah dit qu’il « vit » ce sens prophétique revient vers lui et il commence à concevoir un espoir en relation avec son fils. Il ne peut encore comprendre de quoi il s’agit…

Joseph sut que ses frères viendraient sûrement s’approvisionner. Encore qu’en réalité, Jacob possédait de quoi se nourrir et subvenir aux besoins des gens de sa maison, mais, pour ne pas risquer d’être attaqués par des gens dans le besoin qui séjournaient aux environs, il pensa qu’il serait plus prudent de se conduire comme tous les autres habitants du voisinage et se rendre en Egypte pour acquérir de la nourriture.

De manière à exercer un contrôle sur la quantité de nourriture existante et vendue, pour savoir à qui seraient vendues les denrées, il fut interdit à quiconque voulant acheter de ne venir qu’avec un seul âne et non pas avec plusieurs bêtes et de décliner son identité : untel fils de tel….

Jacob avait recommandé à ses fils de se présenter chacun à une porte différente (poste frontière dirions-nous aujourd’hui) pour éviter d’éveiller le mauvais œil. Cependant, lorsque les relevés parvinrent à Joseph pour les vérifications d’usage, l’attention du vice-roi fut attirée par les noms de Ruben fils de Jacob, Shimon fils de Jacob….. Il ordonna alors d’aller chercher ces dix hommes et leur monture. Il fallut 3 jours aux gardes royaux pour retrouver les dix hébreux…. Convoqués au palais ils durent justifier le fait qu’ils séjournaient dans le pays depuis 3 jours et ont été retrouvés au marché des prostitués[1]. Pourquoi leura-t-il été demandé vous trouviez-vous en ce lieu si ce n’est pour nous espionner et tacher de connaître les secrets du pays ? leur a-t-on demandé. Leur réponse fut « nous avons subi une énorme perte que nous recherchons »…..

Le texte de cet épisode de la semaine insiste sur des faits tels que l’argent qui est restitué, tel que le vol de la coupe de Joseph que celui-ci définit comme étant un support de divination. Les réactions diverses des dix frères de Joseph montrent qu’ils ne saisissent pas ce qui se produit. Pour mieux cerner la situation il nous faut sauter sur l’épisode où Joseph décide de faire poursuivre les hébreux et leur chargement et de faire fouiller les sacs pour, enfin, déclarer Benjamin voleur de la coupe de divination et il décide que Benjamin serait désormais son esclave.

Shimon s’adresse à Joseph pour défendre son jeune frère en s’écriant durement : « pour quelle raison veux-tu l’emmener ? N’est-il pas écrit chez vous que quiconque serait surpris volant serait exécuté à mort ?  Chez nous, lorsqu’on surprend un voleur, s’il a de quoi payer il rembourse le vol et sinon il est vendu comme esclave ? Or, nous avons de l’argent et, s’il s’agit de cela nous le rachèterons… » selon le Maguid de Douvno… Shimon revient aussi sur les accusations : « Tu nous as traités de voleurs or, nous t’avons rendu tout l’argent que nous avons trouvé dans nos sacs, tu nous as traités d’espions or, nous sommes dix frères d’un seul père qu’est ce qui te permet de penser que nous sommes des espions alors que notre père a suffisamment été éprouvé par la disparition de l’un d’entre nous …… comment peux-tu penser que nous nous mettrions en danger et puis, nous sommes revenus si nous étions des espions nous ne nous serions pas aventurés encore une fois… »

Joseph s’exclame en réponse aux propos venimeux de son frère : c’est HaShem que je  crains et même avec cette déclaration, aucun des dix frères ne sourcille, aucun d’eux ne s’étonne d’entendre un « égyptien » prononcer le nom divin, aucun d’eux ne trouve étrange que ce vice-roi n’applique pas les lois égyptiennes !

Joseph procède à la préparation d’un repas qu’il veut offrir à ses frères et ceux-ci ne s’étonnent pas même du fait qu’un égyptien s’apprête à manger avec des juifs, ils ne se renseignent pas sur la nourriture qu’ils vont ingérer… rien ne les étonne tout leur semble naturel jusqu’au moment où le vice-roi d’Egypte demande à tous ceux qui étaient présents de sortir de la pièce pour lui permettre de rester seul avec les visiteurs.

A cet instant l’émotion est à son comble ! Il dévoile son identité à ses frères et, nous apprend le midrash, à ce moment précis où il montre à ses frères qu’il est bien Joseph[2], les dix frères sont saisis de stupeur et ils expirèrent mais le Saint Béni soit-IL rendit son âme à chacun d’entre eux. Cependant,  l’impression qu’ils avaient eu en premier de leur jeune frère réapparut et ils se précipitèrent sur lui pour le tuer cette fois-ci mais l’Eternel suscita un ange pour protéger Joseph, fils de Rachel.

Le Saba de Kelem[3] ainsi que le Maharal de Prague partagent l’opinion selon laquelle le premier aperçu ou la première audition de quelque fait qu’il soit est durable et peut ressurgir à n’importe quel moment sous une influence quelconque. C’est donc ce qui se produisit : en prenant conscience que ce frère  envers lequel ils avaient ressenti tant de haine à cause des rêves qu’il avait faits et qu’ils avaient interprétés s’étaient réalisés et qu’ils venaient de les concrétiser  en se prosternant devant le vice-Pharaon….

Leur première impulsion n’avait donc pas disparu…  et c’est ce qu’en général on retient : la première impression est… « la bonne » !

Caroline Elishéva REBOUH

[1] A 17 ans Joseph  était un jeune éphèbe et ses frères pensèrent qu’il avait dû se faire exploiter à cause de sa grande beauté.

[2] Il leur dévoile l’endroit de la circoncision.

[3]SimhaZisselZiv (1824-1898) Rabbin de la ville de Kelmé (en Lithuanie) et disciple du grand Rav Israël Salanter.