Le 22 septembre 2019, la Cour suprême a rendu une décision sans précédent selon laquelle le Tribunal Rabbinique n’est pas habilité à connaître des affaires relatives aux pensions alimentaires des enfants sans avoir obtenu le consentement des deux parents. Cette jurisprudence reflète un concept social important qui consiste à protéger l’intérêt du mineur en cas de divorce.
Le tribunal rabbinique, compétent pour les affaires de divorce, est-il compétent pour gérer les questions de la pension alimentaire des enfants ?
La Cour suprême a répondu négativement à cette question, affirmant que même si l’un des parents déposait une demande de pension alimentaire pour les enfants auprès du tribunal rabbinique dans le cadre d’une demande de divorce, l’autre parent et les enfants avaient le droit de renvoyer l’audience relative à la pension alimentaire des enfants au tribunal de la famille, ce qui bouleverserait la demande déposée devant le tribunal rabbinique par rapport à la pension alimentaire des enfants. Ce faisant, la Cour suprême a mis fin à la « course à la compétence » en ce qui concerne les demandes de pension alimentaire pour les enfants.
Dans le cadre de leur compétence pour discuter de toutes les questions liées au divorce entre les époux, les tribunaux rabbiniques ont également soulevé des questions liées au processus de divorce, notamment en ce qui concerne la distribution des biens, la garde des enfants et la pension alimentaire des enfants. Ces pouvoirs qui se chevauchent ont donné lieu à une sorte de « concurrence » entre les tribunaux rabbiniques et les tribunaux civils, l’ancien partenaire ayant saisi l’un des tribunaux pour déterminer le lieu où les principaux litiges seraient discutés dans le cadre du divorce.
Il y a 50 ans, la Cour suprême avait statué dans l’affaire SHRAGAI que la demande de pension alimentaire d’un enfant qu’elle soit représentée par la mère ou par un autre tuteur – ne pourrait jamais relever de la compétence unique du tribunal rabbinique et qu’elle ne pourrait pas être liée à une demande en divorce. Selon cette jurisprudence, le tribunal rabbinique n’est habilité à connaître la demande de pension alimentaire pour les enfants que lorsque les deux parents ont exprimé leur consentement quant à sa compétence.
Dans une affaire récente portée devant le tribunal de la famille, un père a argumenté que cette jurisprudence était abolie ou, à tout le moins, détournée cette décision de façon à ce que la pension alimentaire de ses enfants fassent l’objet d’une discussion devant le tribunal rabbinique et non devant le tribunal de la famille. Les tribunaux de la famille et du district n’ayant pas accepté l’interprétation faite par le père, la discussion a été renvoyée devant la Cour suprême.
Le 22 septembre 2019, la Cour suprême a rendu une décision sans précédent selon laquelle le tribunal rabbinique n’est pas habilité à connaître des affaires relatives aux pensions alimentaires des enfants sans avoir obtenu le consentement des deux parents. La Cour suprême a également déclaré que si une demande en divorce associant les pensions alimentaires des enfants était liée, cela ne bloquerait d’aucune façon le transfert de la question relative aux pensions alimentaires des enfants au tribunal de la famille par l’autre parent.
La Cour suprême a clairement déclaré que le tribunal rabbinique n’était pas compétent pour connaître des demandes de pensions alimentaire des enfants liées au divorce excepté si les deux parents admettent la compétence du tribunal rabbinique, et ceci après des années d’incertitude et de décisions contradictoires découlant de l’interprétation des dispositions du droit par les tribunaux rabbiniques.
La Cour suprême a estimé, à la majorité, que la pension alimentaire des enfants était un droit indépendant des enfants non subordonné au mariage et ne faisait en aucun cas partie du droit contraignant existant permettant de rendre une décision globale sur les questions relatives à la rupture du mariage. C’est pour cette raison que la pension alimentaire des femmes peut être liée au divorce mais pas celle des enfants.
Cette jurisprudence reflète un concept social important qui consiste à protéger l’intérêt du mineur en cas de divorce ; et ce, en établissant des règles de fond visant à garantir que, dans le conflit qui oppose les parents dans leur divorce, les intérêts du mineur ne soient pas négligés.
La décision indiquait également que cette loi visait à garantir le bien des enfants, ainsi que la réalisation d’autres objectifs et valeurs : empêcher l’utilisation des aliments pour les enfants comme moyen de pression pour violer les droits du conjoint (le plus souvent, la conjointe) à la suite du divorce et empêcher la « course à la compétence » entre les parents. L’importance de ces valeurs n’a pas diminué depuis la promulgation de l’affaire Shragai il y a plus de 25 ans, et la nécessité de s’en assurer existe toujours.
Rappelons que l’État d’Israël connaît un phénomène unique, dans lequel deux tribunaux, religieux et civil, ont la compétence de débattre des questions liées au divorce. En conséquence, la « course à la compétence » a été créée, ce qui permet au plaideur de déterminer, à partir de considérations tactiques, devant quelle cour les questions relatives au divorce seront discutées.
Cette décision est dans la continuité de la décision révolutionnaire rendue il y a deux ans par la Cour suprême, qui concerne l’égalité de paiement de la pension alimentaire pour les enfants entre les deux parents et qui suit une nouvelle tendance consistant à déposer des demandes de pension alimentaire par des femmes devant les tribunaux rabbiniques.
La portée importante de cette décision est que, dans le cas d’une pension alimentaire pour mineurs, la course à la compétence existante entre les requérants – pour débattre de cette question devant le tribunal de la famille et ceux qui souhaitent plaider devant le tribunal rabbinique – est désormais tranchée.
Me Liane Kehat, avocate