PARASHAT NASSO – Shabbat du 8 juin 2019 – Horaires 19 h 15 – 20 h 28
RIEN N’EST FORTUIT : La sidrat Nasso est toujours en rapport avec la fête de Shavouot. Ce texte hebdomadaire est le plus long de toute la Torah : il comporte 176 versets ! Les thèmes abordés au long de cette section sont importants et pleins d’enseignement et en particulier sur le plan ésotérique : il est question de l’abstinence (le « nazir »), la femme infidèle (sotta), la bénédiction pontificale (birkat cohanim), et les offrandes des chefs de douze tribus.
La Haftara lue pour ce shabbat Nasso évoque la naissance d’un personnage haut en couleurs qui fut Juge en Israël et, dont l’investiture n’est pas sans présenter un rapport avec la fête de Shavouoth.
Rashi explique que lorsqu’une personne est prise de vin, sa convoitise peut être décuplée et c’est la raison pour laquelle sans doute dans cette sidra les versets concernant le Nazir et ceux de la Femme Sotta se touchent. Il n’est pas recommandé de faire des vœux et de devenir abstème cependant, dans le cas de Samson (Shimshone), l’abstinence est voulue et décrétée depuis les Cieux ……….
Analysons cette histoire qui se déroule dans la région de Beit Shemesh, près de Jérusalem. Plusieurs « moshavim » sont implantés dans ce périmètre de quelques kilomètres carrés. Eshtaol, Tsor’â, Tselafon… C’est aussi là, à peu de distance, qu’est enseveli Dan fils de Jacob.
Sur les terres d’Eshtaol, une famille parmi tant d’autres s’est installée. L’homme et la femme sont issus de deux tribus différentes : Dan et Juda. Le couple n’a point d’enfant et, l’un comme l’autre impute ses soupçons d’infertilité au deuxième. Lorsqu’un jour, se trouvant dans les champs, un « homme » apparut et lui adressa la parole en lui apprenant qu’elle est stérile et que c’est pour cela qu’elle n’a pas d’enfant mais que D. va ouvrir son sein et qu’elle donnera le jour à un enfant différent des autres car il sera « nazir » (abstème) et qu’elle-même devra avant même d’être fécondée s’abstenir de tout produit de la vigne et de toute chose impure.
Dans la sidra Nasso il est écrit : איש … כי יפלא לנדר נדר un homme qui fait expressément vœu d’être abstème. Rashi tout comme Ibn Ezra expriment leur compréhension du mot « yafli » par « yafrish » soit quelqu’un qui se sépare de la communauté en émettant le vœu de ne plus boire de vin (ou jus de raisin, liqueur à base de vin ou même des raisins frais ou secs) et, Ibn Ezra ajoute qu’en dépassant sa convoitise et en devenant abstème cet homme devient exceptionnel en le comparant à un roi, ceint de sa couronne, en soulignant que d’avoir prononcé un « nezer » (diadème/couronne) qui le rend « nazir », il possède un keter… le fait d’être en possession de tous ses moyens lui permettra de pouvoir distinguer entre le bien et le mal chose qui est impossible s’il se laisse dominer par ses instincts et boire plus que de raison.
Les Sages trouvent qu’un lien existait entre Boâz qui épousa Ruth la Moabite et Manoah, le père de Shimshon. En effet, avant d’épouser Ruth, Boâz avait été marié et il avait 30 fils et 30 filles. Sachant que Manoah, lointain parent, n’avait pas le bonheur d’être père, il évitait de convier cet homme à toutes les célébrations familiales qu’il organisait et, Manoah en fut blessé à maintes reprises. Les Sages expliquent cette conduite dans le fait que Manoah et son épouse n’ayant pas d’enfant, Boâz ne pourrait jamais leur rendre leurs présents. Par la peine ressentie par le père du futur Juge d’Israël, les Sages expliquent pourquoi Boâz enterra ses 60 enfants de son vivant. Ceci démontre à quel point il faut être circonspect dans notre conduite et éviter de froisser les autres surtout dans ce qui leur fait défaut ou dans le domaine qui les sensibilise le plus.
La Bible ne livre pas toujours le nom des protagonistes, tel le nom de la femme de Loth et ici c’est le nom de la mère de Samson qui est occulté. Cependant, parfois, comme c’est le cas pour cette héroïne biblique, dans la tradition ésotérique, on apprend que son nom était Tselalfonit. Certains prétendent que ce surnom lui fut octroyé car elle était issue du yishouv Tselafon situé dans la même région qu’Eshtaol et Tsor’a.
Le nom du père est clairement noté : Manoah ce qui en hébreu pourrait se lire Minoah ce qui signifierait qu’il « vient » de Noah. Ainsi, les Sages nous apprennent-ils des secrets porteurs d’un enseignement important : lorsqu’un homme fait une action, qu’elle soit bonne ou mauvaise, la façon et l’intention apportées lors de l’action sont conservées devant le Créateur et pourront être répercutées par la suite sur la personne. Prenons pour exemple le Pharaon qui jeta dans le Nil tous les bébés mâles des Hébreux : de même qu’il a tué des bébés innocents en les jetant dans l’eau, lui-même et ses serviteurs ont été engloutis dans la mer.
Ici, les Sages tirent un enseignement de l’histoire de Noé : on se souvient que l’un des premiers actes de Noé au sortir de l’Arche fut de planter une vigne qui, miraculeusement a immédiatement porté des grappes qui aussitôt pressées ont produit un vin si fort que l’homme humble et tsadik que fut Noé s’enivra[1]. La Torah rapporte que l’un de ses trois fils, du nom de Ham, empêcha son père de procréer et d’avoir un quatrième descendant. Les exégètes prétendent que le géniteur de Samson serait un « descendant » de Noé et qu’étant donné que celui-ci n’a pas su se soustraire à la convoitise et a trop bu le bébé à naître a donc été contraint d’être abstème et de s’éloigner de tout ce qui de près ou de loin ressemble à la vigne à tel point que lorsqu’il reviendra de Timna avec ses parents qui couperont à travers les vignobles pour raccourcir le chemin, le puissant jeune-homme fera un détour pour contourner ces champs.
Samson sort se promener d’Eshtaol, il dirige ses pas vers Timna. C’est en ce lieu que Yéhouda ben Jacob scella une union avec Tamar son ex-bru et c’est en ce lieu que naquirent Perets et Zerah. C’est donc, nous enseigne la Tradition, que devrait naître le Rédempteur. HaShem « accompagne » Samson dans cette promenade. C’est là qu’il aperçoit cette femme qu’il désire épouser : une philistine, accomplissant ainsi une mission divine.
Samson convertit cette femme et l’épouse. Lorsqu’il convole avec cette femme, il s’aperçoit que le Mauvais Penchant est présent et le guette à chaque pas. C’est la raison pour laquelle il se joue de l’esprit malin en donnant à la jeune épousée des réponses à base du nombre 7 [2].
On pourrait se poser la question de savoir pourquoi un homme tel que Samson qui doit s’éloigner de tout ce qui est impur et dont même la mère dut se tenir loin des impuretés, décida de prendre pour épouse une idolâtre. C’est parce que, par cette union, Samson vient venger l’acte de Ham sur son père Noé car, les Philistins sont les descendants de Canaân fils de Ham !
Le Ari, zal, met en exergue[3] le fait que si l’Ange s’est révélé à deux reprises à Tselalfonith c’est parce qu’elle est un personnage de grande importance !
Sept femmes dans la Bible tout entière ont été stériles : Sara, Rivka, Léa, Rahel, Hana, Tselalfonith et Tsion.
Sara qui donna le jour à Isaac et Rivka qui donna naissance à deux peuples mais Léa et Rahel qui furent les « fondatrices » du peuple juif, Hana qui mit au monde un très grand Prophète : Samuel et Tselalfonith mère de Samson…..
A ce propos, le Maharal de Prague fait remarquer que parmi les personnages bibliques, certains (six exactement)[4] sont morts par leurs attributs particuliers : ainsi, Samson dont la force était extraordinaire est mort dans l’effondrement de l’édifice qu’il ébranla par sa force !
Ainsi nous avons pu cerner les différents liens qui rattachent la parasha de Nasso à la haftara de Samson, comment Samson est lié à Boaz et pour quelles raisons, Samson fut Nazir et le rapport qui existe entre ceci et l’ébriété de Noé.
Caroline Elishéva REBOUH
[1]C’est ainsi que Rabbi Yonathan Eibeschütz explique cette naissance.
[2] Car le Mauvais Penchant possède sept noms et Samson déjoue les sept apparences du Malin.
[3] Dans le sefer HaLikoutim
[4] Samson, Saül, Assaël, Yhya, Tsidekyahou, Avshalom