PARASHAT BEAH 2019, du 18 mai 2019 – Horaires Ashdod 19 h 02 – 20 h 14
Selon les années, cette sidra est jumelée avec la suivante « behoukotay ».
Cette année, Behar est donc lue séparément. Elle traite principalement de l’année shabbatique et du jubilé soit en hébreu : shenat hashemita vehayovel (שנת השמיטה והיובל ). Les Sages ont, à travers les siècles exprimé leurs opinions en les fondant sur des principes ou des calculs solides qui donnent raison à tous.
La plupart des exégètes mettent en évidence que certaines fautes comme : verser le sang de manière exagérée, les dépravations sexuelles, l’idolâtrie peuvent entraîner un exil long et douloureux mais tous les Sages mettent en évidence le fait que la non observance de l’année shabbatique ou du jubilé peut être également le facteur d’un terrible exil. Rashi, par exemple, se livre à un calcul comparatif fort simple : le jubilé qui a lieu tous les 50 ans, ne fut pas observé 70 fois durant (3500 années) et l’exil de Babylone dura 70 ans ce qui, pour le Sage de Troyes, est la preuve irréfutable que la punition est d’une année d’exil par jubilé non respecté.
Le Midrash Tanhouma cite un « dialogue » entre Moïse et HaShem : devant les allégations du plus grand Prophète de tous les temps au Créateur de renoncer à disperser le peuple parmi les différentes nations, l’Eternel statua : « Si, vraiment, tu ne veux pas que ce peuple soit dispersé, Préviens-les qu’ils devront observer la Torah et, en particulier, les lois de la Shemita et du Yovel ! »
Le Yalkout Shim’ôni insiste, pour sa part, sur le fait que ces deux mitsvoth sont si importantes qu’elles représentent, en quelque sorte, les fondations inébranlables du Judaïsme tout entier.
Les Hakhamim soulignent deux points qui semblent particuliers : pourquoi trouve-t-on dans le Lévitique mention des lois de la shemita et du Yovel ? La question peut sembler étrange pourtant le Lévitique est le troisième livre de la Torah dans lequel il est plus particulièrement question des devoirs et des droits des Cohanim : ce qu’ils doivent faire et de quelle manière, comment ils doivent se vêtir, comment ils doivent procéder aux sacrifices, et bien d’autres choses encore. Or, la shemita et le Yovel s’adressent au peuple dans toute son entité et ne concernent pas uniquement les prêtres. Quelles en sont donc les raisons ?
Les Hakhamim mettent en relief tout d’abord que l’humilité est une qualité qui est « agréable » à HaShem : d’ailleurs, la promulgation de la Torah se fait sur le Sinaï qui est la montagne la plus basse. Moshé Rabbénou est également un homme très humble énonce la Torah. S’effacer ou renoncer aux honneurs est un comportement qui permet un accès aux sphères supérieures. Levatel eth ‘âtsmoלבטל את עצמו) ) c’est-à-dire s’effacer, ne pas se mettre en avant (se mettre en avant se dit lehavlith eth âtsmo cela vient du verbe liv’loth dont les lettres sont les mêmes que levatel(renoncer) mais, dans un ordre différent(לבלוט / לבטל .
Pour l’avoir écrit à plusieurs reprises, nous savons que lors de la faute d’ Eve, l’impureté émise par le serpent a rejailli sur la première femme de la Création et cette impureté n’a été « rachetée » qu’au moment de la dédicace de la Torah sur le Mont Sinaï pour la raison suivante: lorsqu’HaKadosh Baroukh Hou (le Saint Béni soit-IL) proposa la Torah au peuple d’Israël, en acceptant ils ont prononcé la phrase « na’âssévenishmâ » c’est-à-dire nous ferons et nous écouterons (après) ce qui démontre d’un niveau spirituel aussi élevé que celui des anges célestes.
La mitsva de la shemita a été instituée pour obliger l’homme et la terre à se reposer enseigne le Malbim[1]. En effet, dit-il la terre continue à « travailler » et à produire. Quant à l’homme, s’il ne lui est pas interdit de travailler, il ne prendrait jamais le temps de se reposer étant soucieux de sa parnassa et il ne prendrait donc jamais le temps non plus de consacrer du temps à l’étude de la Torah… La shemita intervient tous les sept ans et si l’on prend en considération que la terre continue à travailler le shabbat nous obtenons la somme de 52 journées (52 shabbatot par an) que multiplient 7 ans (6+1) = 364 jours donc approximativement un an de repos absolu pour la terre.
Pour ce qui est de l’homme qui doit étudier la Torah 12 mois durant dans l’année : l’agriculteur deux mois pleins chaque année, est dispensé d’études car il doit produire un travail exténuant en nissan pour les moissons et en tishré pour les vendanges ce qui fait que 2 mois par an que multiplient les 6 ans se trouvant entre les années de shemita, cela aboutit à 12 mois de l’année de la shemita pendant laquelle l’agriculteur n’a pas à se soucier de la production de la terre puisqu’elle est mise à la disposition de chacun et il n’a pas non plus à se soucier de sa parnassa et n’a d’autres soucis que d’épancher sa soif de Torah et de savoir ! Cet enseignement du Hida[2] est fabuleux !
Le Ramban[3] analyse le problème différemment. Pour lui, la shemita est une « houka » c’est-à-dire une loi que l’on ne doit pas essayer de comprendre mais, accepter telle quelle, car elle appartient à l’essence même des « secrets » de la Création : les six jours de la Création sont le parallèle des six jours de travail de la semaine lesquels sont le parallèle des six années qui sont comprises entre les années de shemita, lesquelles sont le parallèle des six shemita qui viennent sceller la septième shemita du jubilé. Le penseur espagnol indique que chacune des shemitot renfermées dans le Jubilé (yovel) correspondent aux 7 sefiroth consacrées au monde des hommes[4]. De même, ajoute-t-il, les jubilés ont des parallèles : les six jubilés correspondent aux 6 millénaires qui vont bientôt prendre fin dès l’apparition du septième millénaire[5].
L’exposé du Ramban offre une perspective réconfortante car, le célèbre philosophe que défia le roi d’Espagne, termine son analyse en expliquant qu’une segoula se cache derrière le verset de la Torah qui énonce : « Vous me serez une nation de prêtres et un peuple saint » (כי אתם תהיו לי מכל העמים ממלכת כהנים וגוי קדוש ») : lorsque sera passé le septième millénaire, se succèderont d’autres millénaires jusqu’à pouvoir célébrer la fin du 49ème millénaire où tout aura une fin…. La segoula est que nous deviendrons tous des sujets du Créateur de l’Univers et que les Nations entières reconnaîtront la Souveraineté d’HaShem et Le serviront !
Caroline Elishéva REBOUH.
MA Hebrew and Judaic Studies
Administrative Director of Eden Ohaley Yaacov
[1] Rabbi MéïrLeibush ben Yehiel Michel Weisser 1809-1879 Ukraine.
[2] Rabbi Hayim Yossef David Azoulay 1724 (Jérusalem) – 1806 (LivourneenItalie).
[3] Rabbi Moshé ben Nahmane ou Nahmanide de Gérone : 1194 à Gérone – 1270 à Akko (St Jean d’Acre).
[4] Il existe 10 sefiroth dans l’arbre séfirotique ou etzhayim : keter, bina et hokhma (qui appartiennent au monde « supérieur ») et : hessed, guevoura, tif’éreth, netsah, hod, yessod et malkhout (monde terrestre)
[5] Les jours du calendrier hébraïque commencent au coucher du soleil c’est ainsi qu’on appelle la tombée de la nuit êrev (soir) dont la valeur numérique est de 272 et nos Sages contemporains ont fixé que, depuis 1968, nous nous trouvons à la veille du septième millénaire.