PARASHAT VAETHANAN 2018 LA FORCE DU VERBE
La sidra de Vaethanan est toujours lue après le jeûne de 9 beav, pour ce shabbat de consolation qui est surnommé « shabbat nahamou » (de consolation) d’après les deux premiers mots de la haftara extraite des prophéties d’Isaïe : « Nahamou, nahamou âmi » (נחמו נחמו עמי) et c’est le premier des 7 shabbatot de consolation.
La sidra commence par une sorte de confidence de Moïse au peuple. Par ce mot de « vaethanan » (ואתחנן) Moïse exprime sa déception d’avoir supplié HaShem et de ne pas avoir été exaucé. La valeur numérique de vaethanan est 515 tout comme le mot tefila (תפלה) et le mot shira – chant (des anges). La bouche qui va prier et exprimer toutes nos pensées possède une puissance énorme : le verbe est aussi puissant qu’une hache (garzen en hébreu גרזן) dont la valeur numérique est de 260. Nous apprenons du verset des Tehilim (121,1) J’élèverai mes yeux vers les montagnes : אשא עיני אל ההרים que, lors de la prière nous devons nous efforcer de nous élever et pas seulement d’élever notre regard mais aussi de faire en sorte que notre esprit et notre âme, nos sentiments et nos instincts soient dirigés non pas seulement vers les montagnes mais aussi vers nos parents (nos patriarches) pour tenter de dépasser nos valeurs et accéder aux leurs et en conséquence ne pas lire « harim » (הרים ) mais bien « hourim » (הורים).
Lorsque Moïse dont la grandeur spirituelle (entre autres) est incommensurable supplie HaShem de lui permettre de rentrer dans le pays et de lui pardonner ses fautes, il multiplie ses motivations et on en dénombre 515 : « de manière à pouvoir observer dans le pays les mitsvoth propres à la Terre d’Israël » étant donné qu’existent des mitsvoth propres à Eretz Israël (comme le maâsser), commandements qu’il n’a pu pratiquer jusqu’alors. Moïse, également, au cours de son plaidoyer pour lui-même, la peine qu’aurait Yokhéved, sa mère, de devoir perdre ses trois enfants !Il a élevé ses suppliques jusqu’aux patriarches dont la dimension est de dix « amot » mesure correspondant à 260.
Or, ces dix amot qui représentent la dimension des patriarches équivalent à 260 soit la valeur de dix fois la force du Tétragramme et c’est pourquoi l’image de la hache est utilisée car la valeur numérique de ce mot est aussi de 260 ce qui signifie tout simplement que la prière de quelqu’un qui prie en se référant à la force des patriarches porte comme un coup de hache vers les cieux.
Le Midrash nous enseigne qu’une prière devrait toujours être exaucée mais, que pour chaque motif il existe une « quotation », ainsi une prière peut être une simple prière ou un cri ou un cri déchirant et cela peut être accompagné de pleurs et de soupirs et, selon, ces prières elles pourraient être exaucées en 3 jours ou en 14, en un mois ou en 40 jours en partie ou totalement. En se rapportant aux livres des prophètes ou à la Guemara, on peut retirer des exemples comme celui d’un enfant qui argumenta, pria et supplia HaShem de rendre la vie à son père et vit sa demande exaucée après qu’il eût versé 370 larmes. Ainsi tout dépend de la force et de la détermination de nos propos lorsque nous formulons nos vœux (prières), ainsi, la femme du prophète Obadia après le décès de celui-ci vint trouver le prophète Elisha et elle ne fut « entendue » qu’après qu’elle ait adressé ses cris (tsaâka )צעקהqui équivaut à 265 et avoir ajouté ses larmes.
Cependant, tout ceci n’est rien comparativement aux 515 prières et suppliques que Moïse a adressé à D. En effet, Moïse rapporte au peuple que l’Eternel S’est emporté contre le grand prophète en lui disant :
רַב-לָךְ–אַל-תּוֹסֶףדַּבֵּראֵלַיעוֹד, בַּדָּבָרהַזֶּה. Assez! Ne me parle pas davantage à ce sujet (Deutéronome III, 26)
Les commentaires sont nombreux à ce sujet ainsi, certains tirent un parallèle avec la façon dont Moïse s’est adressé aux explorateurs en exprimant lui aussi ses sentiments par ces mots « rav lakhem » soit « il suffit » ! Rashi qui analyse la réponse du Créateur mettant un terme aux suppliques de Moïse : arrête toi en soulignant le fait qu’en restant en deçà du Jourdain, car tu auras de bien plus grandes récompenses et d’autre part, en nous appuyant sur le Zohar, nous pouvons comprendre ceci différemment et de manière sublime : Jusqu’à 120 ans, lorsque l’être humain décède, il doit passer devant six tribunaux qui jugent l’être humain d’après certains domaines. Le nom de D selon Ses attributs de justice est Elokim soit une valeur de 86 et 86 x6 (tribunaux) donne un total de 516. Ce qui signifie que lorsque Moïse en priant et en suppliant 515 prières, en priant une fois de plus il aurait pratiquement « forcé » D à lui pardonner ce que D ne voulait pas. IL lui demande donc de s’arrêter car Moïse ne peut obtenir ce qu’il demande. Et, D ne voulait pas en arriver à une situation où IL obturerait les cieux pour ne plus avoir à entendre ces demandes. Comme l’exprime si bien le prophète Jérémie :
סַכּוֹתָהבֶעָנָןלָךְ, מֵעֲבוֹרתְּפִלָּה. Tu t’es entouré de nuages, pour empêcher les prières de passer. (Lamentations 3,44).
Il y a un petit point sur lequel il est intéressant de s’arrêter quelques instants : Moïse rappelle au peuple que s’il a eu cette punition de ne pas entrer dans le pays c’est parce qu’il n’a pas exécuté l’ordre d’HaShem comme il le fallait (au lieu de parler au rocher, il le frappa de son bâton) et Moshé Rabbénou emploie une tournure qui eût pu être jugée impropre si ce merveilleux commentaire ne s’y rattachait : ainsi, Moïse au verset 26 expose : ויתעבר ה’ בי למענכם ולא שמע אלי……La traduction de ce verset est la suivante : « Mais HaShem était irrité contre moi à cause de vous. » En réalité, le mot lémaânekhem signifie pour vous et non à cause de vous, incluant une notion de bienfait ou de faveur, de grâce. Ceci fait entendre cela : « pendant que je réclamais de l’eau pour vous, j’ai été sanctionné » mais, surtout cela inclut une notion d’amour gratuit et désintéressé sans aucune mesure ni limites car ainsi était Moshé Rabbénou il aimait le peuple d’HaShem sans aucune limite !
Selon une autre optique, l’amour éprouvé par Moïse pour le pays peut laisser pantois : en effet, en considérant le fait que Moïse n’a pas hésité à mettre HaShem en colère alors qu’il savait que D était tout-à-fait déterminé à ne pas le laisser fouler ce pays de ses pieds, juste « pour l’amour du pays » alors qu’aujourd’hui le pays est accessible et que le peuple dispersé hésite, au contraire, à accomplir la mitsva de yishouv haarets (de faire la âliya et de peupler la terre) de ce pays dont les sages affirment que l’air de ce pays suffit à rendre les gens intelligents. Ce qui fait défaut, aujourd’hui à une partie du peuple juif est la force spirituelle dont faisait preuve le roi Hizkiyahou (Ezéchias) et le peuple juif car, à l’époque, l’armée juive était très peu importante et pourtant ils étaient si forts dans leur émouna (foi et dans leur crainte du ciel) que D leur accorda la victoire contre des centaines de milliers de soldats babyloniens et D fit en sorte que Sennachérib fut assassiné par ses enfants et le pays fut ainsi débarrassé de ses envahisseurs.
La force spirituelle vient de l’étude de la Torah. A l’époque du roi Hizkiyahou, nous raconte le Talmud, même les enfants (qu’ils soient filles ou garçons) étaient spécialistes dans les lois de pureté ou d’impureté, ce qui confirme que le peuple étudiait la Torah de manière assidue !
Le Yalkout Shimôni[1], d’après le traité de Berakhot rapporte que D demande à Moïse de former Josué sur quatre points principaux : le limoud Torah (étude de la Torah), le guemilouth hassadim (savoir accomplir de bonnes actions), la prière (qui est venue remplacer les sacrifices), et le savoir-vivre. Selon le Yalkout Shimôni, le peuple qui se montrera attaché à ces principes sera un peuple renforcé que D protègera, renforcera et bénira.
Caroline Elishéva REBOUH
[1] Le Yalkout Shimôni est un recueil de midrashim anciens. Le Rav Hahida (Hayim Yossef David Azoulay né en 1724 à Jérusalem et décédé en 1806 à Livourne en Italie) a déclaré que le Yalkout Shimôni était l’oeuvredu Rav Shimôn Ashkénazi de Francfort. Il existe un autre recueil de midrashim anciens par le rav Abraham Réouven HaCohen Sofer décédé à Prague en 1673.