Les hommes ou les femmes ont-ils le devoir de se couvrir la tête ?
Sur le plan textuel, il n’y a pas de commandement spécifique concernant le couvre-chef des femmes (ou même des hommes).
Aujourd’hui on voit souvent des Juifs sortir une kippa de leur poche avant d’entrer dans une synagogue ou avant de réciter une bénédiction. Les femmes, elles, de leur côté mettent un foulard qu’elles nouent sous le menton, lorsqu’elles entrent dans une synagogue ou qu’elles vont prendre part à une cérémonie.
LES FEMMES :
Cette habitude remonte au Moyen-Age en Europe. Mais, à l’époque biblique, l’allusion à un couvre-chef pour la femme n’apparaît que dans le livre des Nombres V, 18. Lors de l’épisode sur la femme infidèle (isha sota). Une femme infidèle est appelée Sota (samekh-teth-‘hé)[1], – mot dont l’étymologie hébraïque vient du mot shtout שטות sottise ou bêtise[2] – lorsqu’une femme est soupçonnée d’adultère. En ce cas, dans l’exercice de ses fonctions, le Cohen Gadol ou Grand Prêtre, doit ôter le couvre-chef de la femme accusée d’infidélité et suivent les détails de ce cérémonial. C’est donc lors de cet épisode que l’on comprend que la femme mariée a la tête couverte. On apprend ceci également dans la Genèse (Bereshit XXIV, 65) lorsque Rivka arrive avec Eliezer près de la tente de Sarah et, dès qu’elle aperçoit son futur époux, Isaac, elle saisit un voile et s’en couvre la tête c’est ainsi que l’on apprend qu’une femme juive, par modestie et par pudeur, doit se couvrir la tête afin de ne laisser qu’à son époux le privilège d’admirer sa parure naturelle constituée de sa chevelure car la Torah qualifie la chevelure féminine (ainsi que la voix de la femme) de nudité (erva ערווה).
De son côté le Zohar énonce qu’un homme qui laisse sa femme aller tête découverte et montrer ses cheveux à quiconque, ne doit pas se plaindre s’il ne voit pas de berakha (bénédiction) sur ce qu’il entreprend et la femme doit être consciente qu’en laissant seulement son mari admirer ses cheveux, elle contribue à faire venir la bénédiction divine sur son foyer, son mari et ses enfants. Dans la Guemara et le shoulhan aroukh on considère aussi qu’il est du devoir de la femme de se couvrir la tête pour s’assurer à elle-même et à tous ceux qui l’entourent : mari et enfants, bénédiction et réussite.
Qu’entend-on par couvre-chef :
Il existe des dimensions minimum permettant à la femme de laisser voir « tefah mégouleh » -c’est-à-dire –selon les opinions – entre 8 et 9,6 cms ce qui permettrait par conséquent le port d’un béret ou d’un bonnet/chapeau etc… en laissant dépasser une frange. Mais d’autres opinions sont partisanes de tout cacher.
Le foulard ou la perruque ? Il existait des perruques en cheveux naturels en provenance d’Inde mais il apparut que les femmes qui vendaient leurs cheveux le faisaient pour obéir à des traditions païennesce qui provoqua l’interdit d’utiliser ce genre de perruques. D’autres communautés interdisent les perruques car les perruques de luxe ne permettent pas de penser qu’il s’agit de perruques mais que les femmes ne sont pas « couvertes ». Il faudrait, en ce cas, porter un béret ou un foulard sur la perruque pour faire comprendre qu’elles ont de toute façon un couvre-chef. Dans le courant Lubavitch on tend à autoriser les perruques car il ne faut pas que la femme s’enlaidisse en se couvrant la tête mais au contraire, il faut qu’elle soit à son avantage ce qui encouragera les femmes qui ne couvrent pas leur chevelure par crainte de s’enlaidir à « sauter le pas » et à se couvrir la tête.
LA FEMME CHEZ ELLE : La femme qui se couvre la tête a le droit, chez elle, de se découvrir la tête mais les opinions là encore sont diverses et il vaut mieux prendre le conseil d’une autorité pour savoir comment se comporter chez soi et en présence d’étrangers à la maison éventuellement.
LA FEMME DIVORCÉE : Certaines autorités permettent à la femme divorcée de se découvrir la tête lors d’un shidoukh (proposition d’un conjoint) mais peu permettent d’enlever le couvre-chef définitivement.
L’HOMME :
Porter une calotte ou un chapeau (béret/casquette ou autre) serait en quelque sorte un bon moyen de rappeler tout au long du jour que nous avons accepté le joug du royaume des cieux sur nous.
Aux temps bibliques, seuls les Cohanim portaient des couvre-chefs puisque nous savons que les prêtres ne prononçaient les bénédictions sacerdotales qu’en ayant la tête couverte. Sur des monuments en Babylonie les Juifs sont représentés tête découverte (monument de Sennachérib) et sur la stèle de Salmanazar, ils sont représentés avec un couvre-chef à la mode assyrienne.
Sous Antiochus Epiphane, les jeunes-gens doivent porter un chapeau. Beaucoup plus tard Maïmonide mentionne dans les hilkhot Déôth (VI) enseigne qu’on ne doit ni lire, ni étudier, ni prier la tête ou le corps nus. En France, on priait encore tête nue. L’influence espagnole s’exporta vers toute l’Europe et, Abraham ibn Yarhi demande au XIIIème siècle que soit adopté en France l’usage de se couvrir la tête et à l’époque du Mahzor de Vitry et de Rashi les hommes ont la tête couverte. Cependant le Ari pense qu’il est possible de prêter serment devant des autorités tête découverte.
Au XVIème siècle certains optaient pour avoir la tête découverte même pour réciter des bénédictions. Mais dans le Shoulhan Aroukh (Orah Hayim 8, 282) en rapportant la phrase de la mère de Rabbi Itshak (Shabbat 156b) : « couvre ta tête afin que le Joug du Royaume des cieux soit toujours sur toi », décrète que la tête doit être couverte.
Au XIXème siècle, toutes les opinions optent pour un couvre-chef. Les conservateurs pensent que ceux qui vont tête nue montrent ostensiblement une tendance à la rupture avec la tradition juive alors que les réformistes voient dans le fait de se couvrir un fait n’ayant aucun fondement.
L’usage général adopté par toutes les communautés étant de se couvrir la tête tant pour l’étude, pour la prière ou même tout simplement pour affirmer son identité juive. La couleur, la forme et la texture de la calotte n’étant qu’une façon d’afficher une tendance idéologique ou même politique parfois.
Caroline Elishéva REBOUH
[1]qui a donné naissance au mot français sotte
[2] Car la Torah énonce elle-même qu’un « vent de folie » a pu s’emparer de la personne qui a pu avoir commerce avec quelqu’un