Suite à l’émotion suscitée par le parti pris anti-israélien du dernier numéro d’Enquête exclusive titré « Jérusalem : quand la ville sainte se déchire », vous trouverez ci-après la lettre du député Meyer Habib adressée au PDG de M6.

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Monsieur le Président-Directeur général de M6, 

Je tenais à vous faire part de ma déception, voire ma consternation, suite à la diffusion le 18 décembre dernier du numéro d’Enquête exclusive titré « Jérusalem : quand la ville sainte se déchire ». En ma qualité de Député des Français d’Israël, j’ai été saisi par de très nombreux administrés et téléspectateurs de M6, qui m’ont exprimé leur profonde émotion, au point qu’un rassemblement de protestation est prévu jeudi 22 décembre devant le siège de votre groupe à Neuilly-sur-Seine. 

Si la structure du reportage peut créer l’illusion de l’équilibre, le ton des commentaires, le choix des contenus et les erreurs factuelles en font un document biaisé et totalement à charge contre Israël. Le parti pris est hélas manifestement volontaire, en témoignent plusieurs longues interviews intégralement supprimées au montage. Ce manque d’objectivité n’est pas seulement une injure aux 150 000 Français d’Israël mais est aussi un affront au peuple juif dans son ensemble, aux amis d’Israël, aux Chrétiens et à tous ceux qui sont attachés à la vérité historique. 

Je ne peux pas dans une lettre entrer dans tous les détails mais le reportage est truffé d’inexactitudes et d’omissions historiques. Ainsi, dès l’ouverture, Bernard de la Villardière évoque « l’esplanade de mosquées appelé Mont du Temple par les Juifs », insinuant que les Juifs tentent de s’approprier un lieu saint musulman alors qu’il est historiquement incontestable que le premier Temple de Jérusalem fût édifié en -1000 et le second, en -516, avant d’être détruit en 70 par les armées de Titus (et non pas « disparu » pour reprendre les termes du reporter), soit plus de 1200 ans avant la Mosquée Al-Aqsa !! Cette inversion chronologique est loin d’être neutre et a pour effet, volontaire ou pas, de contester la légitimité d’Israël sur Jérusalem. Nous avons été sincèrement blessés quand on sait la centralité de Jérusalem dans l’histoire et la spiritualité juives et plus généralement dans la culture judéo-chrétienne. C’est un fait : pendant deux mille ans d’exil, même dans les périodes les plus sombres de leur histoire, sous l’Inquisition, face aux Pogroms ou lors du Soulèvement du Ghetto de Varsovie, le nom de Jérusalem a toujours vibré pour les Juifs du monde entier comme une promesse et une espérance. A l’instar d’Elie Wiesel, disparu en juillet, tout Juif peut affirmer : « Je ne vis pas à Jérusalem, Jérusalem vit en moi. » 

Les juifs sont systématiquement présentés dans le reportage comme des « colons », sur leur terre, alors que la présence juive à Jérusalem est plurimillénaire et que depuis le premier recensement de 1844, ils ont toujours été majoritaires dans la ville trois fois sainte. Le problème de fond est que ce parti pris n’est pas isolé mais s’inscrit hélas dans un contexte où sévit depuis des années à l’UNESCO un véritable djihad intellectuel et diplomatique, qui se traduit par une entreprise de falsification historique et de négation systématique de toute présence historique du peuple juif à Jérusalem et en Israël. 

Par ailleurs, le reportage, dans un prétendu souci d’équilibre, renvoie dos à dos les « extrémistes des deux camps ». Quelle que soit la sensibilité de la rédaction sur le conflit israélo-palestinien, il est immoral, et même dangereux, de renvoyer dos à dos terroristes et victimes, agresseurs et agressés. D’un côté une glorification des terroristes, des milliers d’attentats depuis des décennies, de l’autre quelques exactions certes intolérables mais largement condamnées par le public et surtout punies par la loi. Qui mieux que nous, Français, alors que notre pays est la cible d’attentats meurtriers d’une rare violence, peut comprendre le caractère barbare et injustifiable d’un attentat terroriste visant aveuglément des civils qu’il soit commis à Paris, à Nice, à Berlin ou à Jérusalem ? 

Ainsi, le document évacue en une phrase les organisations djihadistes palestiniennes – Hamas, Djihad islamique et Fatah – qui pratiquent depuis des décennies un terrorisme aveugle, endoctrinent les jeunes à la haine et les incitent à mourir en « martyr ». Pas un mot sur le fait que ces organisations écrivent noir sur blanc dans leurs chartes, leur refus catégorique de reconnaître un Etat juif dans quelques frontières que ce soit et combattent pour un Etat palestinien islamiste, régi par la charia, pas à côté mais à la place d’Israël. Le reportage laisse penser que la violence serait due au fait que les Palestiniens sont progressivement dépossédés de leurs terres et que l’avenir de la Mosquée Al-Aqsa serait compromis… Or, l’expérience des dernières années le montre : le conflit israélo-palestinien n’est pas qu’un conflit de territoire mais n’est que la forme première de ce djihad global auquel le monde libre fait face et qui a tué hier encore douze innocents sur un Marché de Noël à Berlin. 

Et que dire, enfin, de certains passages aux relents antisémites ? Entre ce député israélien qui, à l’issue de sa conférence, « ne perd pas le nord », fais de « bonnes affaires » en vendant son livre et ramasse ostensiblement des liasses de billets … De même pour cette présentation d’un Israël qui persécute aujourd’hui ses Chrétiens à Bayt Jala ! Accusation d’autant plus choquante qu’Israël est aujourd’hui le seul Etat de la région à garantir une pleine liberté de culte à toutes les religions. A contrario, pas un mot sur les brimades et menaces subies par les Chrétiens de Palestine, en proie aux djihadistes et à des autorités corrompues, dont la part dans la population totale est passée de 10% en 1922 à moins de 1% en 2010. Silence sur Bethléem, ville de naissance du Christ, dont près de 80% de la population était chrétienne en 1993, avant les Accords d’Oslo, pour moins de 18% aujourd’hui, depuis que ce territoire est sous administration palestinienne. Comme les Chrétiens d’Iraq, comme les Chrétiens de Syrie, comme les Coptes égyptiens, les communautés chrétiennes de Judée-Samarie et de Gaza, parfois contraintes à se convertir à l’islam, sont en train de disparaître dans un silence assourdissant, incapables de résister à l’islam politique. 

Ouvrons les yeux : la victimisation systématique des Palestiniens a pour effet d’exaspérer les passions, alimenter la haine d’Israël et risque in fine de légitimer la violence contre les Français juifs. Je rappelle douloureusement, à cet égard, qu’en 2012, Merah a justifié l’effroyable tuerie de l’école Ozar Hatorah à Toulouse par le sort des enfants palestiniens. En janvier 2015, Coulibaly a brandi le même motif pour l’attentat de l’Hypercasher, où quatre de nos compatriotes ont été abattus parce que juifs. J’aurais espéré, après l’émotion suscitée par ces attentats, que les médias, et particulièrement les médias grand public suivis par des millions de téléspectateurs comme le magazine Enquête exclusive sur M6, prendraient conscience de leur responsabilité et opteraient pour une couverture plus équilibrée du conflit israélo-palestinien pour apaiser les consciences et pacifier le débat démocratique. 

La liberté de la presse est une liberté fondamentale. Toutefois, elle n’autorise pas, surtout quand il s’agit d’un sujet si complexe et si sensible, une présentation orientée, risquant de heurter les sensibilités et d’enflammer les esprits. Quand le sensationnalisme falsifie l’Histoire et attise la haine, il trahit le journalisme. 

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Président-Directeur général, l’expression de mes salutations distinguées. 

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