Alors qu’il s’apprête à célébrer ses 10 ans d’existence, l’Espace francophone d’Ashdod peut se flatter d’avoir réussi son pari.
Pour Jean-Claude Bensoussan et Charles Ohnona, installés à Ashdod depuis 11 ans, tous les émigrés, qu’ils soient juifs, africains ou asiatiques, ont tendance à se regrouper pour ne pas être isolés, pour être solidaires les uns des autres. Et ce qui détermine l’intégration des communautés émigrées, estiment-ils, c’est l’acceptation de la culture du pays d’accueil. “Si on vient en Israël pour conserver sa culture française, on ne s’intégrera jamais, par contre si on accepte, si on adhère à la culture israélienne et juive, alors l’intégration sera plus facile”, explique Jean-Claude Bensoussan, ancien militant bénévole au sein de la communauté juive en France.
Fort de ce constat, ces deux amis, aujourd’hui à la retraite, vont mettre sur pied l’Espace francophone d’Ashdod qui va fêter ses 10 ans d’existence en 2017. Le but ? Apporter, dans un premier temps, convivialité et solidarité aux nouveaux Olim et progressivement, les amener des activités culturelles en français vers des activités culturelles en hébreu. “Nous avons voulu, avec quelques amis, créer une association francophone pour aider à l’intégration des nouveaux immigrants, tout en jouant des deux pieds : proposer la découverte de thèmes, de textes et de penseurs juifs de culture française”, précise Charles Ohnona qui a dirigé des centres communautaires et œuvré comme délégué FSJU pour la région Rhône-Alpes.
L’initiative a vite trouvé son public à Ashdod, un des fiefs francophones du pays, qui compte une vaste communauté d’expression française. “Sur une population de 250 000 habitants, on estime qu’un tiers s’exprime en français”, avance Jean-Claude Bensoussan. Ce sont en grande partie des Juifs originaires d’Afrique du nord, installés depuis très longtemps et très bien intégrés dans la ville. Plus récemment, vers la fin des années 1990 et au début des années 2000, la cité côtière du sud a également accueilli quelque 11 000 arrivants, dont deux-tiers de retraités et un-tiers de jeunes couples avec enfants, en activité professionnelle.
Ces dernières années, Ashdod attire de plus en plus de jeunes familles car la ville connaît un réel essor économique, poursuit Jean-Claude Bensoussan. Il évoque d’ailleurs l’ouverture prochaine de l’hôpital qui draine la venue d’un grand nombre de professionnels du secteur médical.
Le Messie, de quoi s’agit-il exactement ?
C’est donc dans un contexte propice que l’espace francophone s’apprête à célébrer sa première décennie. Pour l’occasion, les deux compères et leurs acolytes ont concocté un programme riche en activités culturelles. “Nous allons proposer des événements qui s’inscrivent dans notre démarche originelle, qui consiste à faire porter un éclairage sur cette école française de pensée juive qui maîtrise la tradition et la culture française universitaire des sciences humaines, née à Orsay avec Manitou, avec Armand Abécassis, puis André Neher, Emmanuel Lévinas, et plus récemment Shmouel Trigano, David Banon, le Dr Hervé Rehby », note Charles Ohnona.
A l’actif de l’Espace francophone, des colloques autour d’André Chouraki ou Manitou, des cycles autour des fêtes juives avec Yoël Benharrouche, des cercles d’études sur différents thèmes avec le Dr Hervé Rehby, comme actuellement l’étude du traité des 8 chapitres du Ramban, ou l’introduction des Pirkei Avot. Ou encore, l’an dernier, un séminaire sur les Prophètes et Jérusalem.
Et cette année, pour célébrer ses 10 ans d’existence, l’Espace francophone va s’intéresser à cette idée fondamentale qu’est le Messianisme juif, via différents thèmes et différentes personnalités. “Nous allons dérouler quatre thèmes pour permettre au public d’appréhender le Mashiah, un espèce de vœu pieux, une idée née dans la tradition juive, porteuse d’espérance et de consolation qui, de la tradition à la modernité, a connu de nombreuses mutations. Mais de quoi s’agit-il exactement ?”, précise Charles Ohnona.
Au programme : 4 conférences. La 1ère sera donnée le 21 novembre par le Dr Hervé Rehby, cardiologue et président du centre communautaire de Bordeaux, qui vit en Israël, sur le thème : Géoula, la notion de Rédemption. Elle sera suivie par trois autres : David Danon, le 16 janvier, sur le thème ‘La Politique messianique’, Shmouel Trigano le 27 février, ‘Les Deux Messies’ et le professeur Thierry Alcoloumbre, ‘La fin des empires, vers une nouvelle humanité’.
Donner un sens à l’alya
C’est un public très varié qu’accueille régulièrement l’Espace francophone, ouvert à tous, sans préalable de degré de religiosité. “Nous voulons amener les gens à réfléchir, découvrir, s’informer, qu’ils soient retraités, jeunes, universitaires”, pointe Charles Ohnona. En moyenne, chaque événement rassemble une centaine de personnes, “la salle de l’Espace francophone est généralement bien remplie par ce type d’interventions”, précise Jean-Claude Bensoussan.
Ce qui avait démarré comme l’idée d’un groupe de copains qui voulaient organiser quelques activités par mois pour un public disparate à l’époque, s’est donc vite et bien développé. Au fil des ans, le programme s’est étoffé, des cycles d’études et des thèmes sont venus se greffer, à tel point qu’il a fallu déposer des statuts pour devenir une association à but non lucratif, qui compte désormais à Ashdod, aussi bien auprès des pouvoirs publics que des Francophones. Et l’association qui a fonctionné sous forme collégiale pendant des années, travaille actuellement à la refonte de ses statuts pour instaurer un fonctionnement pyramidal. La preuve d’une évolution positive.
Aux côtés des conférences et cycles d’études, l’Espace francophone a également créé des oulpanim, et propose aussi des visites guidées dans le pays, ou des activités de loisirs, comme le théâtre ou le cinéma, financées en partie par la ville. Il fait par exemple venir des films de France sortis le mois précédent, qu’il diffuse sous-titrés en hébreu. A partir de janvier, il proposera des pièces de théâtre jouées en français, là encore, avec un sous-titrage en hébreu. L’Espace francophone dispose surtout d’un budget conséquent pour être à la fois soutenu par la municipalité d’Ashdod, le Centre communautaire de Paris, l’Institut Français et l’association Qualita dont il est membre fondateur.
Ce qui ne l’empêche pas de contribuer à l’action citoyenne dans la ville, en organisant des opérations en faveur des autres, au profit d’associations de handicapés, de militaires ou pour un hôpital. “Cela permet à nos membres d’avoir le sentiment d’appartenir non seulement à une association, mais aussi à la collectivité nationale israélienne”, précise Jean-Claude Bensoussan.
Et Charles Ohnona de ponctuer : “Depuis le début, nous proposons au public de donner un sens à son alya, nous voulons l’aider à donner du contenu à son choix de vivre en Israël”.
source LPH Par Tal Cohen