Alors qu’une cinquantaine d’enfants sont hospitalisés à la suite de l’attentat de Nice, Muriel Salmona, psychiatre spécialiste des violences, estime que les parents doivent avant tout rassurer les plus jeunes.

En quoi l’attentat de Nice est-il particulier pour les enfants ?

Muriel Salmona : il faut réaliser que cette violence a franchi un palier supplémentaire. C’est un endroit très symbolique qui a été touché : à la fois la Promenade des Anglais, associée à un art de vivre, aux vacances, et le 14 juillet. Des familles en vacances ont été prises pour cible. Cela montre une volonté de s’attaquer à ce qu’il y a de plus précieux dans les valeurs humaines, de la façon la plus insensée qui soit. Rien en effet ne peut justifier un tel acte.

Cet attentat prend d’autre part place dans une série déjà longue, qui a visé également des jeunes. Il suit les attentats de novembre qui ont touché beaucoup de jeunes mais aussi le meurtre des deux policiers commis devant leur petit garçon. Daech signifie ainsi « nous sommes capables de vous toucher au cœur de votre insouciance, et même dans l’espace censé être le plus protégé, celui de la famille ». Ils franchissent des paliers successifs, dans la volonté de choquer toujours plus, de dépasser les frontières de l’impensable.

face aux attentats les enfants ont besoin de se sentir proteges

Un dessin d’enfant lors des attentats du 13 novembre 2015 à Paris. / JOEL SAGET/AFP

Comment les protéger de ces événements ?

M.S. : Il faut en parler avec les enfants, même petits, car il est illusoire de penser que l’on peut les laisser complètement en dehors de tout cela. Ces événements vont nécessairement les imprégner, car ils vont en entendre parler, même par bribes. Mieux vaut donc leur expliquer avec des mots qu’ils peuvent comprendre, ce qui s’est passé.

Bien sûr il ne s’agit pas d’entrer dans les détails, il suffit de rester dans les grandes lignes. Même avec de très jeunes enfants, il est possible d’expliquer par exemple que c’est une guerre, mais une guerre ponctuelle, qui n’est menée que par un tout petit nombre de personnes alors que tout le reste des gens s’allient contre eux : les parents, l’État, les policiers, tout le monde en fait.

Surtout, il faut rassurer les enfants qui ont besoin de se sentir protégés. Puisqu’on a expliqué aux enfants qu’il y a un risque, il faut prendre les mesures de protection concrètes qui vont avec. Rien ne sert de faire croire que la vie sera la même qu’avant, qu’on ne changera rien à nos habitudes.

Les enfants y verraient une grande inconséquence qui ne peut que les angoisser. Il ne sert à rien d’être bravache mais au contraire d’expliquer que l’on va tous s’adapter à la situation, en faisant plus attention, en n’allant plus dans certains endroits peut-être, pendant un certain temps. Cette cohérence seule peut rassurer.

Que faire quand un enfant a peur ?

M.S. : Rien ne sert de dire « n’aie pas peur ». À l’inverse, il faut aider l’enfant à vivre avec ses émotions désagréables, la peur ou la tristesse, afin qu’ensuite elles soient correctement « classées » par la mémoire. Alors, l’enfant peut vivre bien avec. Par exemple, on peut dire à l’enfant que c’est bien d’écouter sa peur, qu’elle sert à faire ses choix. On peut aussi dire qu’il est tout à fait normal de vivre mal ce genre de moments et que soi-même on est touché.

Dans tous les cas, l’enfant a besoin d’un contexte particulièrement rassurant. C’est le moment de resserrer les liens, de vivre au plus près de nos valeurs humaines de solidarité, d’amour. C’est aussi le moment de faire passer le message qu’on ne répond pas à la violence par la violence, mais par l’humanité.

Recueillis par Emmanuelle Lucas
http://www.la-croix.com/

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