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Il y a plus de 2700 années, les Assyriens exilaient les dix tribus du royaume d’Israël. Dans la neuvième année du règne du Roi Osée, le roi d’Assyrie, Salmanazar V, s’empara de la Samarie, emportant les habitants en Assyrie, les ‘plaçant’ dans Chalach et sur le Habor, fleuve de Gozan, les exilant en Mésopotamie supérieure et à Mèdes, aujourd’hui la Syrie et l’Irak modernes. Dans ces funestes années 722-721 avant notre ère, les dix tribus qui formaient le royaume du nord d’Israël disparurent. Les dix tribus d’Israël n’ont jamais été revues depuis. Selon les interprétations les plus courantes, elles s‘assimilèrent aux populations où elles durent d’installer.

Par Jean Meyer.

L’identité juive africaine fait souvent remonter ses origines aux Tribus Perdues d’Israël et des textes faisaient de brèves allusions à une possible survivance de ces tribus. Leur destin fut pourtant évoqué longuement dans des textes extrabibliques. L’éventualité d’une réunion ultime entre les Israélites descendants du Royaume de Juda et les dix tribus se trouva rapidement associée à des perspectives messianiques; au moment de la rédemption ou quand celle-ci approcherait, les tribus “perdues” reprendraient leur place. Cette dimension messianique ne doit pas être négligée, notam­ment si l’on veut comprendre certaines des motivations de groupes juifs qui ont pris à cœur la question des tribus perdues au cours des dernières décennies.

Mais où se trouvent ces tribus ? Les thèses les plus variées ont vu le jour au cours des siècles, et il n’y a guère de continent où l’on n’ait pensé retrouver leurs traces, et où des groupes n’aient cru en être les descendants : récemment encore, nous avons entendu dans une université australienne une communication d’une ethnologue sur un groupe tribal qu’elle étudie en Nouvelle-Guinée, qui s’est découvert une ascendance juive et intègre celle-ci dans sa mythologie. De l’Amérique latine au Japon, du Cachemire à la Grande-Bretagne, l’héritage de ces tribus à la fois perdues et omniprésentes, refait surface au fil des siècles. L’exemple britannique est ici intéressant, puisqu’il montre la force du mythe dans des environnements qui ne sont pas seulement ceux de sociétés colonisées : les théories du British Israelism avaient un succès réel dans certains milieux de l’élite anglaise au XIXème siècle (et s’harmonisaient bien avec le sentiment d’être un peuple élu pour diriger le monde : “l’Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais”; les groupes susbsistant, tels que la British Israel World Federation, n’en sont plus aujourd’hui qu’un pâle reflet.Il n’est donc pas étonnant que la thèse d’une présence de descendants des dix tribus en Afrique ait aussi été évoquée, pas seulement par des auteurs africains. D’autant plus que l’Ethiopie et les liens évoqués par la Bible entre le roi Salomon et la reine de Saba pouvaient inciter des spéculations sur les tribus perdues à pointer dans cette direction. Des synagogues ont été et continuent d’être créées en Afrique de l’Ouest, de l’Est et en Afrique du Sud.

Les Lembas

Les Lembas demeurent dans des maisons construites en pierres sèches sans ciment et  vivent au nord de Johannesburg ainsi qu’au Zimbabwe. Rien ne les distingue des multiples tribus des parages, sauf ceci : ils sont Juifs.Ils sont paysans, artisans et forgerons, travaillent le cuivre et l’or. Ils observent des règles de pureté analogues à celles du Judaïsme et une hygiène alimentaire stricte, ne mangeant ni porc, ni animal “impur”, ni poisson sans nageoires ni écailles. Les Lembas pratiquent la circoncision et respectent les interdits alimentaires habituels du Judaïsme. Depuis peu, ces Juifs africains trouvent inspiration  et soutien auprès des Juifs européens.  Ils procèdent à un abattage rituel et vident l’animal de son sang.  Ils prohibent aussi formellement le porc (et les phacochères), ne mélangent pas le lait et la viande, vénèrent un livre sacré (qui a disparu au cours de leurs pérégrinations), et leurs rituels accordent une place prédominante à un tambour sacré, considéré par les spécialistes comme un substitut à l’Arche d’Alliance. Ils circoncisent donc leurs fils à 8 jours et enterrent leurs morts allongés la tête vers le Nord! Ils évitent les mariages hors du clan, ont un repos hebdomadaire et ils fêtent la nouvelle lune. Ils honorent un D.ieu unique appelé “Mwali”. Ils forment 12 clans dont les noms sont d’origine sémitique, tels que “sadiki” ou “hamisi”. Le clan “Bouba”, du nom de leur ancêtre qui serait parti de Judée il y a 2500 ans, est le plus important. Le mot “lemba” serait en rapport avec la  pureté et avec le commerce. Tudor Parfitt, le protagoniste du documentaire “Tribus perdues d’Israël”, a fait plusieurs voyages à travers l’Afrique australe pour étudier les traditions insolites des Lemba. Ce groupe serait donc, selon lui d’ascendance juive et observe de nombreuses traditions sémitiques telles que les restrictions alimentaires et les pratiques d’abattage, les règles de pureté rituelle et les règles strictes contre les mariages mixtes. Ils possaident aussi des noms de clans à consonances sémitiques et Parfitt a passé de nombreux mois dans la région à la rencontre des chefs tribaux et religieux en observant certains de leurs rituels les plus sacrés. Il en est venu à la conclusion que l’origine de la plupart des traditions Lemba était en effet sémite.

Histoire

Les Lembas sont noirs, parlent un dialecte bantou. Mais, dans leur mythologie, ils descendent d’une tribu juive réfugiée au Yémen vers 2500 avant notre ère, dans la ville de Sena (Saana), puis chassée vers l’Afrique il y a un millier d’années, qui a par la suite, lentement dérivée vers le sud du continent. Ils pratiquent le monothéisme, culte fondamental des Lembas. Ils prêtent également une grande attention aux interdits alimentaires et pratiquent la Casheroute, mais adaptée aux circonstances locales. Les Lembas se disent séparés tandis qu’à leurs yeux tous les autres peuples ne sont que des “vhazendzhi”, en quelque sorte des Nations.

Israël et Les Lembas

Les Lembas entretiennent en effet une foi en la religion juive et à l’Etat d’Israël moderne, enrichie d’une vitalité et d’une originalité propres. Pour les Lembas, les questions israélienne et juive restent inséparables. Au-delà des engagements politiques, des convictions spirituelles ou religieuses des uns et des autres, au sein de Lembas, Israël  porte l’idéal et les valeurs de l’identité juive.

Le FJN

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Cette floraison de Judaïsmes appelle des explications. Guershon Nduwa, président de la FJN, s’interroge sur la façon d’intégrer au fil des siècles l’existence d’Africains noirs dans la vision du monde occidentale, et comment celle-ci a en partie aussi exercé une influence sur les émergences de groupes de “Juifs noirs”.

“Il faut sans doute faire la part des choses entre la couleur de la peau et l’appartenance à une généalogie en ce qui concerne le Judaïsme sur le continent africain notamment en ce qui concerne les Lembas”. Guershon nous relate qu’il existe aujourd’hui des groupes juifs actifs dans la recherche des dix tribus, et qui soutiennent parfois activement les démarches de groupes – sous toutes les latitudes – Juifs ou trouvant la voie du Judaïsme : on peut citer l’association Koulanou. Ces démarches sont souvent en lien avec un sionisme religieux, qui inscrit le retour des “tribus perdues” dans un messianisme lié à la création de l’Etat d’Israël. Cependant, pour comprendre le phénomène des Juifs noirs, il faut élargir la perspective au-delà de la question spécifique des tribus perdues et explorer la mythographie de l’Afrique ainsi que les représentations des Africains chez les autres peuples (notamment occidentaux). Non sans souligner des liens entre les deux dans l’inconscient occidental: après tout, tant Juifs que Noirs n’incarnaient-ils par une altérité, associée de surplus à la connotation négative de la noirceur? Il se trouva, jusqu’au XIXe siècle, plus d’un voyageur pour souligner un teint “noir” des Juifs qu’ils rencontraient, voire pour esquisser des rapprochements entre la physionomie des Juifs et celle des Africains.

L’autre angle d’approche historique de la question des Noirs juifs ou judaïsant est celui de l’intégration de l’héritage juif par la diaspora africaine aux XIXe et XXe siècles. Au départ, il s’agit d’un retournement de l’histoire, dans lequel l’Afrique devient la source des civilisations (bâtissant sur l’image de l’Egypte antique), et ces grandes civilisations originelles étaient – affirment ces interprétations – le fait de Noirs: une série d’auteurs continuent de développer ces thèses. Certains ont fait un pas de plus, en affirmant que ces Noirs étaient les descendants d’Hébreux : cet autre renversement s’opère dans un contexte qui tente de surmonter l’état d’infériorité dans lequel sont placées les populations noires tout en retrouvant une histoire et un mythe des origines; ce contexte est celui qui voit naître des groupes de Juifs noirs et de Mu­sulmans noirs en Amé­rique du Nord. C’est la promesse d’un ave­nir glorieux pour la race noire, après le passage par l’oppression, à l’image des Hé­breux en Egypte, la ré­demption suivra l’exil.

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Mise en place d’une Yéshiva

Avec la collaboration de l’organisation juive américaine Koulanou qui soutient les communautés juives isolées et émergentes du monde, Guershon Nduwa, appuyé par les présidents de communautés, Mordreick Maeresera et Rabson Wuriga du Zimbabwe ont installé une Yéshiva à Harare pour permettre à de centaines de milliers de Lembas de pratiquer leur Judaïsme de façon actuelle. Guershon Nduwa y enseigne la lecture en hébreu, les prières hébraï­ques et les compétences de la synagogue, les fêtes juives et des événements de cycle de vie, Étude de la Torah, Chabbat, les lois alimentaires juives et des sujets connexes.

La philosophie de la FJN est ainsi de mettre en valeur le message identitaire et universel de la culture juive africaine, en Afrique et dans la Diaspora. Du Maroc au Nord du continent, jusqu’au Zimbabwe au Sud, il y a des communautés juives qui depuis des siècles, ont survécu et transmis leurs richesses culturelles au travers des générations. La FJN cherche à réunir et mettre en rapport toutes ces communautés, et aussi de leur donner une plate forme globale pour communiquer leur présence et leurs histoires au monde entier.

1/ Le Monde.fr, article du 10 mai 2010
2/ Tribune de Genève, Simon Koch, 17 décembre 2012

http://israelmagazine.co.il/communaute/yeshiva-chez-lembas-zimbabwe/

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