Aujourd’hui les règles de conflits françaises soumettent les immeubles (appartement, villa) à la loi de situation et les meubles (comptes bancaires, œuvres d’art…) à la loi du dernier domicile du défunt. A partir du 17 août 2015 avec l’entrée en application du règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 sur les successions, la loi applicable à la succession sera celle de la dernière résidence habituelle du défunt et cela pour l’ensemble des biens (art.21 §1). Ce critère déterminera la loi applicable à l’ensemble des opérations successorales. Du fait du caractère universel du règlement, la loi applicable peut être celle d’un Etat partie au règlement (un des 25 Etats de l’Union européenne) ou d’un Etat tiers. Ex : si Monsieur Martin, de nationalité française, décède à Moscou où il avait sa résidence habituelle, la loi russe s’appliquera à l’ensemble de sa succession.
Pour autant si la loi d’un Etat tiers s’applique, il y aura lieu de faire jouer le renvoi si nécessaire, c’est-à-dire prendre en compte les règles de conflits étrangères. Ex : Dès l’application du règlement, si Monsieur Simon, de nationalité française, décède à Barcelone où il résidait depuis de nombreuses années avec sa famille, sa succession sera par principe soumise à la loi espagnole, loi de sa résidence habituelle (L’Espagne étant un Etat membre). En revanche si Monsieur Simon décède à Marrakech où il vivait depuis sa retraite, sa succession sera soumise au droit français, puisqu’on fera jouer le renvoi à la loi nationale du défunt prévu par le droit international privé marocain (le Maroc étant un Etat tiers).
Existe-t-il une exception ?
Oui, si le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un Etat autre que celui de la dernière résidence habituelle, il sera fait exceptionnellement application de la loi de cet autre Etat (art 21 §2). Ex : un ressortissant Français qui, vit habituellement en France avec sa famille où sont localisés tous ses intérêts patrimoniaux. Détaché par son employeur auprès d’une filiale suisse pour une durée de six mois, il décède à Berne quelques jours avant le terme de sa mission et de son retour en France. Le notaire français chargé de liquider et partager la succession pourrait considérer que la loi française est applicable à la succession car elle présente des liens manifestement plus étroits avec le défunt que la loi suisse.
Peut-on désigner une autre loi ?
Désormais, Une personne peut choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’État dont elle possède la nationalité. La loi choisie peut être celle d’un Etat membre (partie au règlement) ou celle d’un Etat tiers, le règlement ayant un caractère universel. En cas de pluri-nationalités, l’article 22 §1 alinéa 2 met sur le même plan les différentes nationalités. Une personne peut choisir la loi de tout État dont il possède la nationalité, celle-ci étant appréciée soit au moment du choix, soit au moment du décès. Ex : Une personne ayant la nationalité française, suisse et libanaise, aura le choix entre trois lois pour régir sa succession.
Un formalisme particulier doit-il être respecté ?
Le choix de la loi applicable doit être formulé de manière expresse ou résulter des termes d’une disposition à cause de mort dont la définition donnée à l’article 3 (§ 1, d) englobe le testament, le testament conjonctif ou le pacte successoral.
Faut-il attendre le 17 août 2015 ?
Un choix exprès de la loi applicable peut intervenir dès à présent et il aura toute son efficacité si le décès intervient le 17 août 2015 ou après cette date (art. 83 § 2). En effet, l’article 83 énonce que le règlement doit s’appliquer aux successions ouvertes à compter du 17 août 2015 et prévoit, à certaines conditions, l’efficacité des dispositions à cause de mort rédigées antérieurement.
Après le décès, les héritiers pourront-ils prendre attache auprès d’un notaire français ?
Oui, il n’existe aucune norme applicable ou convention internationale en la matière. L’entrée en application du règlement n°650/2012 sur les successions ne modifiera pas la situation. Au vu des exigences posées par l’art. 3 al 2 du règlement le notaire français n’est pas une juridiction. Il n’est donc pas concerné par les règles de compétences qui sont posées par le règlement (sauf pour l’établissement du Certificat successoral européen). Exemple : Monsieur Durand, de nationalité française, décède en ayant sa résidence habituelle en Italie. La grande majorité de son patrimoine est située en France. Si ses héritiers mandatent un notaire français pour régler la succession, ce dernier sera compétent.
Ces nouvelles règles auront-elles des incidences sur le plan fiscal ?
Non, le règlement « ne s’applique pas aux matières fiscales, douanières et administratives (art.1). » Ces dernières resteront réglées par les conventions internationales ou à défaut par l’article 750 ter du CGI. Concrètement, un bien pourra être dévolu selon la loi d’un Etat (Etat de la dernière résidence du défunt) mais imposable dans un autre Etat. Néanmoins, il ne faut pas oublier que la planification successorale nécessite la prise en compte à la fois des règles civiles et fiscales. Comme en droit interne, la fiscalité pourrait remettre en cause certains souhaits ou montages proposés.
Définitions Règle de conflit de lois : il s’agit d’une règle qui permet de désigner la loi applicable au fond à un litige ou à une situation juridique.
Renvoi : il s’agit d’un mécanisme de droit international privé qui consiste à mettre en œuvre la règle de conflit de l’ordre juridique désignée par celle du for.
Source : guide juridique des Français vivant à l’étranger
http://www.notaires.fr/sites/default/files/Successions%20internationales%20et%20r%C3%A9sidence%20%C3%A0%20l%27%C3%A9tranger.pdf