Comment actualiser notre réflexion sur la Shoah ?

Alors que l’antisémitisme, en France depuis  les années  2000 est virulent et si sous estimé longtemps par les  autorités, les médias et certains milieux sociopolitiques peu soucieux d’une information équilibrée ?
Dès le 22 août 1944, Lucien Werth, rescapé des camps, lance cet avertissement :  «Et déjà on sent venir l’oubli. La guerre va se coller à d’autres guerres dans le passé. La guerre n’est plus rien que deux dates que les enfants réciteront. Il ne reste plus rien de la guerre que ce qu’il faut pour le certificat d’études ou le  bachot. Oubliera-t-on l’incroyable dans l’atroce ? Oui, comme le reste. Comment faire pour qu’on n’oublie pas ?»
Le combat contre l’oubli et le rejet de toute forme de négation sont indissociables l’un de l’autre. Par sa monstruosité, la Shoah qui signifie en hébreu catastrophe, constitue un fait unique dans l’histoire et tient une place centrale dans l’histoire du vingtième siècle.
On estime que le rythme quotidien des massacres dépasse le chiffre de 5000 victimes juives soit davantage que les pertes causées par les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles à New-York. L’intensité du massacre perpétré contre les enfants nous interpelle : un quart du total, soit 1 500 000 d’entre eux ont péri. En quatre mois, de mars à juillet 1944, la communauté juive hongroise est détruite. Comme si la «  solution finale de la question juive » avait reçu la priorité des priorités dans le déroulement du conflit.
Les juifs sont massacrés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils ont fait ; les victimes sont  acheminées vers leurs bourreaux. Jusqu’à la fin de la guerre, malgré les lourdes contraintes militaires et les perspectives d’une défaite annoncée, les convois de déportés partent vers les centres de mise à mort.
Le principal moyen utilisé pour exterminer les juifs, la chambre à gaz, donne le sentiment aux différents exécutants d’accomplir un crime anonyme.
La Shoah interpelle, d’abord la conscience des Européens puisqu’elle constitue la négation absolue des droits de l’homme. Elle apporte au monde cette « sinistre nouvelle», selon l’expression de Primo Levi ; la société moderne contient un potentiel de violence inouïe, un degré infini de barbarie. Le génocide révèle la société de masse face à elle-même, il interpelle l’histoire allemande mais aussi les histoires de l’ensemble des nations européennes.
« A Auschwitz est mort non seulement l’homme mais l’idée de l’homme car c’est son propre cœur que l’homme brûlait à Auschwitz. »  a écrit Elie Wiesel. Comment des états européens, nations phares de la culture occidentale, ont-ils pu organiser la liquidation physique de millions d’êtres humains ?
Comment expliquer le silence général devant une telle monstruosité, sans interventions pour l’arrêter ou tout au moins pour la freiner ?
La Shoah est aussi un objet de mémoire pour les juifs. Elle est perçue comme un élément de l’identité juive moderne, une réalité incontournable autour de laquelle s’ouvrent les questions fondamentales. Pour certains, elle démontre le danger mortel que représente pour les juifs la vie en diaspora. Pour d’autres le souvenir du génocide nourrit l’attachement à Israël et renforce leur identité de juifs vivant en diaspora. Etre juif, aujourd’hui n’est-ce pas la meilleure réponse à donner à ceux qui voulaient leur extermination totale ?
Pendant cette nuit noire qui a recouvert toute l’Europe, des lueurs ont éclairé le ciel en suscitant de nombreux espoirs. La lutte pour la survie biologique, le combat moral face à l’entreprise de déshumanisation, les forces de résistances sont autant de leçons que nous devons méditer.
Si les exécuteurs de la Shoah ont projeté sur leurs victimes leur bestialité dont ils ont laissé leur empreinte sur les bras des rescapés, ils n’ont pas réussi à briser en eux toute espérance. Tout système totalitaire, dans sa logique interne, s’autodétruit : la condition humaine en sort victorieuse.
Une forte  lumière éclaire aussi cette époque. Elle est diffusée par tous les hommes et les femmes qui ont risqué leur vie pour sauver d’autres êtres humains.  Ainsi l’Allée des Justes à Yad Vashem porte en elle tous les espoirs de notre humanité.
L’hommage rendu par le président Jacques Chirac, le jeudi 18 janvier 2007 au Panthéon à la mémoire des Justes français qui ont sauvé des Juifs, a suscité une forte émotion dans le pays : il a évoqué « la lumière » que représentent ces Justes.
« A un moment où montent l’individualisme et la tentation des antagonismes, ce que devons voir, dans le miroir que nous tend le visage de chaque être  humain, ce n’est pas sa différence mais ce qu’il y a d’universel en lui », a souligné M. Chirac, ajoutant qu’ « à ceux qui s’interrogent sur ce que c’est d’être Français, à ceux qui s’interrogent sur les valeurs universelles de la France, vous, les Justes, avez apporté la plus magnifique des réponses, au moment le plus noir de notre Histoire .»
Il a terminé par ces mots : «  Plus que jamais, nous devons écouter votre message : le combat pour la tolérance et la fraternité, contre l’antisémitisme, les discriminations, le racisme, tous les racismes, est un combat toujours recommencé. »
Nul n’a le droit d’ignorer les faits, ni de tenter de les oublier, ni de les nier : sinon les fondements de nos libertés s’écroulent.
Il importe de garder à la Shoah sa pleine signification : seule la reconnaissance de cette spécificité peut permettre à tous les hommes de prendre conscience de leurs devoirs : la lutte pour les droits de l’homme, le respect des différences, la nécessité de vivre dans la diversité. La Shoah nous enseigne qu’une des sources essentielles de tout totalitarisme réside dans le refus de l’autre.
Rappeler inlassablement  les faits avec plus de minutie et de précisions possibles, tâcher de tirer des leçons pour prendre conscience des signes annonciateurs d’une nouvelle tragédie. Dans le même temps il faut refuser de tout mélanger et de tout banaliser.
C’est dans nos textes sacrés qu’on peut trouver  aussi une note optimiste face aux tragédies.
Ainsi dans la paracha extraite du deuxième Livre de la Torah il est écrit « un nouveau Pharaon s’est levé et il ne connaissait pas Yossef ». Nos sages nous enseignent que l’origine des persécutions antisémites remonterait à cette époque. Je voudrais ici vous donner ce petit commentaire autour de la formule « il ne connaissait pas Yossef » : en fait il est étonnant que Yossef, Vice-roi  d’Egypte soit méconnu du nouveau dirigeant de l’Egypte. Il faut savoir que Yossef incarne le peuple juif qui s’implique totalement dans le monde environnant pour le bonifier, pour introduire la morale dans les relations sociales-combien d’innovations et d’inventions sont dues à des chercheurs juifs- tout en gardant totalement sa connexion avec ses racines, son univers spirituel : malgré tous les attentats et les persécutions
reste debout  et lui-même. C’est ça que le pharaon- qui se prenait pour un dieu vivant-  n’a pas connu ou reconnu en Yossef, la nature juive : cette foi inébranlable en un monde meilleur et à la protection du Maître de l’Univers.
Les nazislamistes ne connaissent pas la vraie nature des juifs qui resteront, malgré toutes les violences, attachés à leur engagement sans peur et qui ne failliront pas à leur nature.

Joël GUEDJ pour Ashdodcafecom

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