Cette semaine Mako, site israélien en hébreu, a publié un article dont le titre pose une question qui nous intéresse au premier titre. « Quel est notre problème avec les français ? »
Voici la traduction intégrale de l’introduction :
« Frimeurs, riches, bruyants, incontrôlables, fraudent le fisc, font monter les prix des logements : comme nous le faisons avec chaque vague d’alya, nous mettons des étiquettes aux français aussi.
Mais derrière cette image, il y a aussi des familles qui ne roulent pas sur l’or, des jeunes qui ont renoncé à une vie beaucoup plus confortable en France, des mères seules qui ont du mal à finir le mois, un cadre d’intégration insuffisant, et 20% d’immigrants qui se découragent et quittent Israël. Qu’est-ce que nous loupons avec les Français ? »
L’enquête de Mako, commence à Natanya, bastion français en Israël, et là, déjà les collégiens expriment tous les a priori connus à l’encontre des français. Parmi eux, une jeune fille arrivée de France il y a 8 ans, et qui elle, se considère comme israélienne, et dit en parlant des français qu’elle fréquente , dont certains gamins de sa classe : « ce sont des crâneurs, ils se croient au dessus de tous parce qu’ils ont de l’argent ».
2014 a été une année charnière pour l’alya de France qui a connu une augmentation considérable. On attend 10 000 français en Israël pour 2015. Et ces français quand ils arrivent ont un choc : ils ne sont pas vraiment accueillis à bras ouverts, tout le monde ne les aime pas.
ALORS QUE LEUR REPROCHE -T-ON A CES FRANÇAIS ?
D’abord d’avoir fait grimper les prix de l’immobilier, en excluant de facto les ménages israéliens qui accèdent de plus en plus difficilement à la propriété. Les promoteurs ont favorisé les programmes luxueux vendus à des gens qui ne les occupent souvent qu’à temps partiel, et ont négligé la construction « normale ».
Mais ce n’est pas tout. On leur reproche également un comportement de voyous. Fêtards, buveurs, se déplaçant en bandes bruyantes et en plus, radins sur les pourboires dans les bars et les restaurants où ils consomment pourtant sans compter, tout en pleurnichant sur le coût de la vie. Et pour couronner le tout « chauds », jusqu’à en friser le harcèlement pur et simple. Bref, infréquentables.
Mais le problème est mieux cerné par Dan, un jeune homme qui a fait son alya il y a trois ans : il ne faut pas confondre les français qui viennent en vacances et ceux qui font leur alya. Ce ne sont pas les mêmes, ils n’ont ni les mêmes centres d’intérêts, ni les mêmes comportements.
Ainsi parmi la vague d’immigrants attendue en juillet, on trouvera une famille : père serrurier, mère comptable et trois enfants. Ils viennent conscients des difficultés qui les attendent, mais n’en peuvent plus de savoir que porter la kippa dans la rue est un danger pour les enfants.
Charles Enderlin, confirme l’analyse de Dan : il faut distinguer les touristes des olim. Mais pour lui, l’alya française se distingue des Alyot précédentes sur un point important : les français ne sont pas prêts à se battre jusqu’au bout pour s’intégrer. Issus d’une société de confort, contrairement aux russes ou aux yéménites, ils subiront des déconvenues qui en renverra une bonne partie en France.
ILS ONT APPORTÉ EN ISRAËL UN ART DE VIVRE
Mais il faut savoir reconnaître les apports de chacun, et les apports des français en Israël ne sont pas négligeables. Ils ont apporté en Israël un art de vivre et un raffinement qui ont contribué à faire évoluer le pays qui se targue aujourd’hui d’avoir des restaurants prestigieux et reconnus mondialement. Alors si face à chaque vague d’immigration Israël a un problème, serait-ce un complexe d’infériorité face aux français aggravé par une amertume face à une alya qui n’a pas de pas de problèmes économiques comme les vagues précédentes ?
Le problème des logements plombe déjà la relation des israéliens à l’alya française. Si l’on y ajoute les exonérations fiscales qui sont accordées à des gens qui n’en ont pas vraiment besoin pour démarrer dans une nouvelle vie, cela donne tous les éléments pour un rejet encouragé par la dureté des conditions économiques et sociales actuelles. Mais est-ce vraiment justifié ?
Si des raisons fiscales sont prises en compte dans l’alya de France, ce ne sont certainement pas les exonérations données aux olim qui participent aux décisions. C’est plutôt la législation israélienne, exempte d’ISF, l’impôt sur la retraite et les droits de succession. Ainsi, un couple retraité verra son niveau de vie grimper en Israël où ses revenus ne sont taxables qu’à15%, quel que soit le montant.Cet avantage vient de se détruire avec l’écroulement de l’euro par rapport au dollar et au sheqel : l’euro ne vaut plus que 4,30 sheqels alors que l’an dernier il était au dessus de 5.
Quant aux logements, il semblerait que durant les 5 dernières années, les français susceptibles de faire leur alya ont acheté un appartement, et qu’une partie d’entre eux va venir s’installer, ce qui signifie moins de logements vacants.
Et surtout, les français qui arrivent maintenant sont des familles, avec des budgets limités, et ceux-là n’augmenteront plus la pression sur les prix immobiliers. Ils investissent donc d’autres lieux, Tel-Aviv étant hors de leur portée. Quel accueil recevra donc cette vague d’immigrants attendue dès le mois de juillet? Dan est optimiste. Il estime qu’il y a un changement dans l’approche israélienne. « Depuis la vague de terreur en France, quelque chose a changé. La colère contre nous s’est transformée en empathie ».
CE SONT DES MAROCAINS QUI VIVENT EN FRANCE DEPUIS 20 OU 30 ANS
Alors que faut-il en déduire ? Le problème avec les français serait donc bien un problème face à une alya qui n’est pas de nécessité, ni de survie, mais une alya choisie par une population qui n’est pas persécutée dans son pays ?
N’est-il pas paradoxal et même attristant de constater que les griefs énoncés par les israéliens à l’encontre des juifs français sont à peu de choses près les mêmes que ceux trop entendus au sujet des juifs séfarades, après leur arrivée en France, amplifiés si la réussite était au rendez-vous : « Ces gens bruyants qui étalent leur argent et se croient tout permis » ? Alors problème de classe, crispation face à une alya souvent séfarade, aisée et autonome ? On peut tout imaginer à la lecture des commentaires nombreux laissés par les lecteurs sur cet article, dont le meilleur est sans doute : « Ils ne sont pas français, ce sont des marocains qui vivent en France depuis 20-30 ans (sic !) et après te disent on est français… ».
La vague d’antisémitisme sans précédent que connaît la France recadre l’alya française, et la fait rentrer dans des schémas connus : des juifs traqués qui viennent trouver refuge en Israël, qui ont besoin d’Israël. Mais est-ce vraiment une solution à ce problème ?
Adapté par Line Tubiana et Lisa Mamou
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