Quoi qu’il en laisse montrer, la victoire de Benjamin Netanyahou constitue une nouvelle et cuisante défaite pour Barack Obama. Comme la vie eût été plus simple pour lui avec un pouvoir bicéphale sous les traits de Isaac Hezog et de Tsipi Livini qui n’auraient pas attendu six mois pour se disputer le pouvoir, l’administration américaine sachant alors en jouer pour faire prévaloir les vues que l’on sait au Proche orient et dans le conflit israélo-palestinien.
Il est vrai que le défi lancé à l’actuel président américain par le Premier ministre israélien devant le Congrès des Etats-Unis était pratiquement sans précédent. Benjamin Netanyahou n’a en effet rien fait d’autre que de donner sur place une leçon de stratégie mondiale, diplomatique et nucléaire, à l’homme qui passe pourtant pour le plus puissant de la planète. Mais cette image là n’est qu’une image. Le temps n’est plus où, comme en 1956 lors de l’expédition de Suez, il suffisait au Président Eisenhower de froncer le sourcil pour que les armées anglaise, française et israélienne stoppent net leur offensive contre le régime de Nasser.
Aujourd’hui Barack Obama n’impressionne plus personne et ce n’est pas en s’en prenant à Benjamin Netanyahou qu’il donnera le change sur ce plan. Sous ses deux mandats, le premier commencé en fanfare à l’Université du Caire, le pouvoir des Etats-Unis aura été érodé comme jamais. Il ne suffit pas d’évoquer la calamiteuse gestion des « printemps arabes » où il faut reconnaître que l’ancien secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, n’y fut pas pour rien non plus. En réalité le spectacle de la déflation du pouvoir des Etats-Unis en matière de politique extérieure a commencé vraiment avec la guerre civile syrienne, initialement et aveuglément imputée elle aussi au fallacieux cycle printanier que l’on vient d’évoquer.
Barack Obama avait tout simplement oublié l’importance capitale des intérêts russes dans ce pays. Dès lors la Russie soutinturbi et orbi le régime de Assad y compris au Conseil de Sécurité où les discours moralisateurs des uns et des autres se heurtaient à un mur d’acier. Dès cet instant, les adversaires et les ennemis des Etats Unis comprirent que Barack Obama était surtout « un tigre de papier », pour prendre une image chère à la phraséologie maoïste. Cette image se conforta dans le monde arabe, bien sûr, sans quoi le général El Sissi n’aurait pas pris le relais de Moubarak, après la brève présidence de l’islamiste Morsi. Elle se confirma surtout avec Vladimir Poutine lorsque celui-ci commença par annexer purement et simplement la Crimée en représailles contre les tentatives, là encore malvoyantes, de découplage, économique, stratégique et démographique, de la Russie et de l’Ukraine.
C’est également ce « trou noir » que les miliciens de « Daech » ont appris à exploiter, rendant coup pour coup aux forces de la Coalition comme on vient hélas de le voir avec le dernier attentat de Tunis, à quelques encablures des côtes françaises. C’est pourquoi le tour que prennent les négociations entre l’administration d’Obama et le pouvoir iranien ne laissent pas de susciter de profondes inquiétudes qui transparaissent même au Quai d’Orsay. Il est donc temps que les Etats-Unis reconsidèrent complètement les données fondamentales de leur politique extérieure et ils savent que leur alliance avec l’Etat d’Israël ne sera jamais un vain mot. Les élections à la XXème Knesset ont démontré si besoin en était la vitalité de la démocratie israélienne et la maturité du peuple qui ne cesse de la construire.
Les prochaines élections présidentielles américaines auront lieu en 2016 à présent. Une année et demi, ce n’est pas rien. Il serait infiniment dommageable qu’elle se déroule dans l’animosité et la perpétuelle neutralisation réciproque entre les responsables suprêmes de ces deux nations. Les dangers qui menacent la planète sont trop graves pour les réduire à des questions de caractérologie personnelle. Comme tant et tant de pays, Israël a besoin de sécurité intérieure autant qu’extérieure. Aucun Etat ne peut se substituer à lui pour en juger. Toutefois, une élection aussi cruciale soit elle n’est pas une fin en soi. Elle sert à désigner l’équipe d’hommes et de femmes qui prendront en charge les soucis présents de tout un peuple mais aussi son avenir. On espère que les choix qui présideront à la formation du prochain gouvernement israélien obéissent ainsi aux deux inéluctables principes d’abnégation et de désintéressement.
Un gouvernement doit s’inscrire dans la durée et ne pas être considéré comme un objet jetable. Sans doute n’est-il pas de vie politique sans pouvoir mais le pouvoir vaut pour accomplir ce qui vaut mieux que lui.
Raphaël Draï