Selon le principe sur lequel repose l’hypnopédie, l’apprentissage de l’Homme ne cesserait pas complètement lors de son sommeil. Il serait donc possible de le solliciter en lui faisant écouter des disques pendant son sommeil, ce que plusieurs études scientifiques semblent réfuter. Des chercheurs de l’Institut Weizmann supposent quant à eux que l’Homme pourrait effectivement être conditionné dans son sommeil grâce à… son nez ! Etonnant mais vrai, ils ont ainsi montré qu’une exposition nocturne à des odeurs de cigarette mêlées d’oeuf ou de poisson pourri peut aider à arrêter de fumer.
Le meilleur des mondes
Chacun se souvient du fameux roman de Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, décrivant une société où les foetus se développent dans des flacons où ils sont conditionnés. Les traitements que subissent les embryons au cours de leur développement déterminent leurs futurs goûts, aptitudes et comportements. Un procédé qui fait beaucoup penser au conditionnement associatif, aussi appelé conditionnement pavlovien, qui consiste en l’entraînement inconscient du cerveau à associer des stimuli de l’environnement à des réactions de l’organisme.
Quand le nez veille
La Dr Anat Arzi, travaillant dans le laboratoire du Pr Noam Sobel à l’Institut Weizmann, s’intéresse au conditionnement pavlovien. Elle étudie les odeurs comme stimuli provenant de l’environnement et le rôle qu’elles pourraient jouer durant notre sommeil. Car les odeurs, à l’inverse d’autres stimuli, ne nous réveillent pas. De plus, après une exposition nocturne et inconsciente à des odeurs, on ne se rappelle pas les avoir senties le lendemain.
Le stade de sommeil durant lequel les stimuli pourraient jouer un rôle serait le stade 2, aussi appelé stade de sommeil léger. Le stade 2 occupe environ 50% du temps de sommeil total. Le sujet est assoupi mais il est encore très sensible aux stimuli extérieurs. Ainsi, lors du stade 2, environ 50% des bons dormeurs et 80% des mauvais dormeurs pensent ne pas dormir.
Dans quel but ?
Dans un article publié en novembre dans The Journal of Neuroscience, la Dr Arzi a mis en évidence l’influence d’un conditionnement nocturne olfactif sur la consommation de cigarettes. Le fait de fumer étant un phénomène quantifiable, l’impact des stimuli olfactifs a pu être mesuré.
Pour réaliser cette étude, 66 personnes désirant arrêter de fumer mais ne sachant pas comment procéder se sont portées volontaire. Après avoir indiqué leur fréquence de consommation de cigarettes, elles ont été séparées en plusieurs groupes. Celles du premier groupe passèrent une nuit dans une salle de laboratoire à l’écoute de leur sommeil. Lors de la phase 2, elles furent exposées de façon répétitive à une forte odeur de cigarette suivie d’une odeur nauséabonde. Bien qu’ils furent incapables de se souvenir de ses odeurs au réveil, les volontaires observèrent une diminution de leur consommation de cigarettes d’environ 30% la semaine suivant l’expérience.
Les membres du second groupe furent exposés aux mêmes odeurs pendant un temps similaire, mais dans un état d’éveil et non pendant le sommeil. Ceux du troisième groupe furent exposés à des odeurs de cigarette et des odeurs nauséabondes pendant leur sommeil, mais de façon aléatoire et non couplée. Contrairement aux membres du premier groupe, ceux des deux autres ne relevèrent aucune diminution de leur consommation de cigarette.
Ces résultats confirmèrent l’hypothèse du groupe du Pr Sobel : nous oublions la majorité de nos rêves, mais il existe un conditionnement association qui se fraye un chemin lors de notre sommeil.
La fin des patchs de nicotine ?
Une simple nuit de conditionnement olfactif réduirait ainsi de façon significative la consommation de cigarettes pendant plusieurs jours. Le conditionnement olfactif est un terrain prometteur pour les chercheurs travaillant sur les phénomènes d’addiction. La région du cerveau contrôlant l’addiction serait en effet très proche de la région d’olfaction et ces deux régions, en plus de rester éveillées pendant notre sommeil, semblent absorber des informations.
Cette découverte ne permet pas encore aux fumeurs de se débarrasser de leur addiction juste en dormant. Mais elle nous indique la possibilité d’un conditionnement pendant notre sommeil qui pourrait un jour nous mener à d’importants changements comportementaux. Huxley ne s’était peut-être pas trompé : nous pourrions un jour être sujets au conditionnement associatif durant notre sommeil, mais ce serait à de nouvelles fins : faire disparaître nos addictions au lieu de les créer.
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