L’histoire de la Solution Finale en France a connu une évolution parallèle à celle de la mémoire collective des Français. De 1944 à 1954  l’histoire savante est silencieuse à l’exception des ouvrages du Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC)  qui publie plusieurs livres sur la Solution Finale, le Commissariat Général à la Question Juive, le rôle des autorités françaises mais sans connaître un grand retentissement.

Selon Annette Wievorka, le retour des députés, en avril 1945, constitue une première prise de conscience éphémère de ce qu’est le sort dans les camps de concentration. Celui des juifs n’émerge pas dans sa spécificité. Les rares survivants d’Auschwitz font partie de la vaste famille des « déportés politiques ». Une chape de plomb semble tomber sur le pays heureux de se retrouver dans le camp des vainqueurs. Le chef de la France Libre n’hésite pas à construire la mémoire dans le sens d’une unité nationale.

  Les associations de déportés jouent cependant leur rôle. Il faut signaler la création de plusieurs lieux de la mémoire : « le tombeau du Martyr juif inconnu » en (1956), l’érection de petits mémoriaux dans les cimetières israélites et les synagogues.

 Dans les années cinquante et soixante le souvenir de Vichy est refoulé, aidé en cela par l’installation d’un mythe dominant celui du  résistancialisme. Ce terme insiste fortement sur le rôle moteur joué par la Résistance. Certains groupes politiques occupent entièrement le champ de la mémoire de cette période ; les gaullistes et les communistes.

  A partir de 1971, après la mort du Général de Gaulle, le miroir s’est brisé et les mythes ont volé en éclats. Henry Rousso parle d’un « retour du refoulé ». Le documentaire de Marcel Ophüls, Le Chagrin et la pitié  (1971)  en est la parfaite illustration.

 En 1973, Robert Paxton un historien anglo-saxon publie dans  La France de Vichy  une analyse très neuve sur la collaboration d’état dont il rappelle après les historiens Jackel, Yves Durand, Henri Michel et d’autres qu’elle est une initiative française et non allemande.

Le renouveau d’une mémoire juive et le procès Barbie ont entraîné le regain de très nombreuses études sur la participation de Vichy à la Solution Finale, celles de R. Paxton et de Marrus, Vichy et les Juifs 1981 de S. Klarsfeld, Vichy-Auschwitz 1983-1985. Il faut ici mettre en relief l’oeuvre monumentale Shoah  film réalisé par Claude Lanzmann. La résistance juive, elle aussi, devient un objet d’étude avec une véritable perspective historique. La question des camps d’internement français a déclenché une polémique  assez vive entre universitaires.

 shoah

            A partir de quand a-t-on connu la vérité des faits ? Selon l’écrivain français François Poirot Delpech, âgé alors de douze ans, il n’y a aucun doute pour lui, il ne reverrait plus son ami juif de classe arrêté durant l’année 1942.

 L’organisation du procès Papon a remis à l’ordre du jour cette question. Selon Henri Rousso, l’un des meilleurs spécialistes actuels de l’histoire du régime de Vichy, l’historiographie française manifeste un grand retard.

Il existerait un syndrome de Vichy qui plane sur la vie politique de la nation. Les révélations sur l’amitié qui liait l’ancien président Mitterrand à l’un des artisans français de la Solution Finale, René Bousquet, ont semé le trouble et l’émoi.

 La percée de l’extrême droite dans la vie politique française depuis 1984 nous oblige à garder notre vigilance contre toute forme de renaissance du négationnisme dans ce pays. La Loi Gayssot punit les délits négationnistes.

 Pourtant certaines mesures nous inclinent à l’optimisme, elles visent au développement de la mémoire du génocide en France. Le décret présidentiel du 2 février 1993 a institué une « journée commémorant les persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite gouvernement de l’Etat Français (1940-1944). »

Le  président Jacques Chirac a reconnu, en 1995, les responsabilités de l’Etat français dans la participation au génocide. Cette reconnaissance a entrainé la création de commissions pour l’évaluation et l’indemnisation des biens spoliés durant la shoah. L’Eglise de France, engagée dans un processus de reconnaissance spirituelle réciproque, a fait acte de repentance vis à vis des Juifs français pour le silence coupable qu’elle a observé durant la Seconde Guerre mondiale.
Les années 2000, marquées par une recrudescence des actes antisémites en France.

Combat contre l’oubli
Rejet de tout déni
Raconter avec minutie
Seront pour nous de vrais défis

Fait monstrueux, indicible
La shoah est indélébile
Que tous les mots versatiles
Manquent pour nommer le  péril

Tués pour ce qu’ils sont, les juifs
Acheminés vers leurs bourreaux
Tous dans des wagons à bestiaux
Jusqu’au bout, la  haine des juifs

Négation des droits de l’homme
Comment la civilisation
A perdu toute la  raison
Qui l’a rendue si difforme ?

Silence général de tous
Ni pape, ni Croix-Rouge
Ni Roosevelt, ni Tsar rouge
Pour révéler tous les dessous

Dans cette nuit infâme
Des hommes et des femmes
Ont sauvé leurs âmes
D’un monde en flammes 

Désobéir, lutter
Pour notre liberté
Est d’actualité
Et sans inanité                                                                                       

Joël GUEDJ

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