La Saga des juifs de France depuis 1945(1)
Confrontée à une vague d’antisémitisme sans précédent depuis les années 2000, les juifs français constituent désormais le premier groupe national à réaliser son alya (montée) vers Israël. Comment s’explique la détérioration brutale du sort de la communauté juive en France ?
Pour répondre à cette question lancinante, l’historien Joël Guedj relate, en plusieurs épisodes, les événements marqueurs de ce processus historique et géopolitique. Formant la première communauté juive en Europe, le judaïsme français a connu ces dernières décennies de profonds changements démographiques, géographiques et culturels.
De 1945 à 2013, on constate que le nombre de juifs français a plus que doublé grâce à l’entrée de nombreux flux extra-européens. Dès 1945, l’immigration juive reprend : pendant la première décennie après la guerre, arrivent des rescapés des camps de concentration et des personnes dites « déplacées » qui fuient l’Europe orientale et centrale où leurs communautés ont été détruites et où les communistes ont pris le pouvoir. Entre 1955 et 1965, on assiste à l’arrivée massive des juifs d’Afrique du Nord à la suite de la décolonisation de la Tunisie, du Maroc et de l’Algérie. De plus, après la création de l’Etat d’Israël (1948) et après l’expédition israélo franco-britannique de Suez (1956) arrivent de nombreux juifs d’Égypte. L’immigration juive se poursuit encore, mais à un rythme moins accéléré, jusqu’en 1974-75.
Depuis, elle est freinée par les mesures législatives s’efforçant de limiter toute immigration étrangère en France ainsi que par les départs vers Israël (alya). Cela a des conséquences sur le développement de la communauté juive française, qui se maintient au niveau d’environ 550.000 personnes. Grâce aux naturalisations et à l’acquisition de la nationalité par le droit du sol, au moins 95% des juifs de France sont aujourd’hui des citoyens français.
Ces flux massifs importants ont entraîné la création et la renaissance de nombreuses communautés sur une grande partie du territoire français. Les immigrants juifs ont eu tendance à se regrouper en s’installant dans quelques grandes agglomérations : la région parisienne tout d’abord, Marseille, Lyon, Strasbourg, Nice, Toulouse. Ceci est d’autant plus vrai que les exigences de la cacherout pour les juifs pratiquants imposent l’existence de magasins cachères dont l’exploitation n’est possible que là où existent de grandes communautés. Les séfarades choisissent de s’établir là où il y a du travail pour vivre, une communauté juive pour leur permettre de pratiquer la religion et du soleil pour leur rappeler leur Afrique du Nord natale. On les voit s’établir surtout à Marseille, Nice et Toulouse, bien sûr en région parisienne, notamment dans la nouvelle ville de Sarcelles et aussi à Strasbourg. Avec la vague d’entrée des juifs d’Afrique du Nord en France, dans les années soixante, c’est l’élément séfarade qui l’emporte maintenant.
L’identité des juifs français s’est forgée autour de ces principaux fondements : les attaches religieuses et culturelles, le choc de la Shoah, la passion pour la défense de la légitimité et l’honneur de la cause israélienne, la lutte contre l’antisémitisme et l’antisionisme.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale quelles sont les réactions des juifs face à la Shoah ? (A suivre..)
Joël Guedj pour AshdodCafe.com