Si les nationaux-religieux savaient ce qui se passe vraiment dans ‘Habayit Hayéhoudi’, ils ne voteraient pas pour ce parti. Mais on a réussi à les endormir, on a réussi à les tromper. C’est vraiment triste de voir comment ce public de qualité, et qui nous est cher, est privé d’une représentation adéquate à la Knesset. Cela l’amène à se disperser dans toutes sortes de partis, ou à se tourner vers un parti qui certes se définit comme national-religieux, mais dont en réalité certains individus se sont rendus maîtres, et y font comme chez eux.
Le public national-religieux est nombreux, entre 700 000 et 1 000 000 de personnes, ce qui représente entre 13% et 18% de la nation. Il mérite donc un parti qui lui corresponde, sans discrimination entre les colorations nationales-religieuses. En effet, 28% se définissent comme nationaux-harédis, 45% comme nationaux-religieux, et 27% comme nationaux-religieux-libéraux. Mais le nom reflète les qualités communes : le national-religieux aime la religion et la nation, il s’identifie profondément avec la religion et la nation, et il ne renoncera en aucune manière, ni à la religion ni à la nation.
C’est pourquoi aucun national-religieux ne sera d’accord pour que l’état officialise des mariages entre un juif et une non-juive, ou une juive et un non-juif, ou un homme avec un homme, une femme avec une femme ; et à plus forte raison pour que ces deux hommes puissent acquérir un enfant – ce qu’on intitule ‘Hok Hapoundakaot’ (la loi sur les ‘grossesses d’accueil’ par mère porteuse).
De même, aucun national-religieux n’acceptera qu’il suffise de le vouloir pour être autorisé à porter le nom de ‘juif’ ; qu’on puisse se convertir sans accepter les mitsvot, et que des centaines de milliers d’immigrants se convertissent sans autre base que celle d’être appelé ‘juif’.
Il est évident qu’un juif national-religieux n’acceptera pas une situation où il est interdit de construire la moindre maison dans les districts de Jérusalem.
Un juif national-religieux a énormément de respect pour la Rabbanout Harachit, et il n’éprouve aucune fierté quand on rabaisse son autorité.
Il ne voit pas tellement comment un homme qui n’est pas national-religieux, parce qu’il n’est pas religieux, pourrait le représenter à la Knesset.
Et bien sûr il ne sera pas d’accord pour que celui qui conteste toutes ces choses poliment et discrètement reçoive en retour des menaces.
Il y a dans le parti une commission responsable des questions relevant de la religion et de l’état. Cette commission est arrivée à toutes sortes de conclusions, mais le président du parti ne s’intéresse pas à ses travaux, et pour faire passer les projets de loi il ne suit que son propre avis.
Il doit être clair que le public national-religieux a ses lignes rouges. Elles ne sont pas tout-à-fait identiques pour ses différents groupes, mais il est évident que tous ont leurs lignes rouges. Alors que le ‘Habayit Hayéhoudi’ n’en a pas, c’est un mollusque, sa seule ligne rouge est le ‘siège’ : siéger au gouvernement pour « l’influencer de l’intérieur ».
Nous ne disons pas que la religion et la nation n’intéressent pas ‘Habayit Hayéhoudi’, mais c’est seulement jusqu’à une certaine limite, comme dans l’exemple que donne le Rav Yossef Dov Soloveitchik dans ‘Hamech Drachot’, au nom de son aïeul le ‘Bayit Halévy’, à propos de pièces de monnaie. Il y a une halakha qui dit que si un homme a confié à son ami des pièces d’or, mais lui dit qu’elles sont en argent, si le second ne les a pas bien gardées et qu’elles ont disparu, il ne paye que la valeur des pièces en argent, car s’il avait su qu’elles étaient en or il les aurait mieux gardées. Pour ‘Habayit Hayéhoudi’, la question de la religion et de la nation n’est pas autre chose que le sujet de belles paroles, à l’instar des pièces d’argent, ou de bronze, ou de plastique… mais pas un motif appelant au don de soi.
Pour le public national-religieux, même pour celui qui se définit comme ‘libéral’, c’est de l’or. Et même si monsieur Tel ou Tel n’est pas au comble de la perfection sur le plan personnel, car il n’y a pas d’homme juste sur terre qui fasse le bien sans jamais fauter, il est évident qu’il veut un état sur lequel on appelle le Nom de l’Éternel.
Est-ce que le public national-religieux s’identifie avec la position du président, qui est ouvert aux discussions sur toutes les questions touchant à la religion et à l’état dans leur ensemble, et prêt à élaborer un nouveau ? – alors qu’il a laissé dans un flou artistique ce à quoi il a prévu de renoncer…
Est-ce que le public national-religieux s’identifie aux déclarations sur l’acquiescement à mener des négociations avec les Palestiniens, et à leur faire des concessions ? – et là aussi on a laissé dans des brumes insaisissables ce à quoi on est prêt à renoncer…
Peut-être alors le temps est-il venu de rendre leur parti aux nationaux-religieux ?
Rav Shlomo Aviner