La campagne électorale en Israël prend un tour problématique qui met en question quelques unes des valeurs les plus fondamentales du judaïsme. Il s’agit de ne pas tomber dans cette routine bagarreuse mais de comprendre les enjeux d’une consultation qui se déroule sous une extrême pression internationale, comme on vient de le voir encore avec le vote du parlement irlandais. Quelle est la stratégie qui se dessine sous nos yeux?
Elle se résume dans une formule: « Tout sauf Netanyahou, tous contre Netanyahou ». Au terme de cette stratégie violemment ad hominem, les appartenances idéologiques de surface sont balayées comme tapis de feuilles mortes. On le constate avec Tsipi Livni, jusqu’il y a peu Ministre de la justice d’un cabinet de centre droit et qui à présent, sans aucune vergogne, se rallie au parti Travailliste de Itsh’ak Herzog et déjà concocte avec lui, en cas de victoire électorale, une nouvelle mouture de la rotation (rotatsia) au poste de premier Ministre de l’Etat d’Israël, ce qui ne manquera pas de provoquer les risées de la communauté internationale.
Quant à Méir Lapid, s’il ne concourt pas ouvertement pour le poste suprême il déclare à qui veut l’entendre que son vœu le plus cher est bien de retrouver le poste de Ministre des Finances lequel est le seul qui permette, selon ses dires, de remodeler en profondeur la société israélienne selon ses vues personnelles. On pleurerait d’attendrissement face à une telle élévation de pensée et un si grand désintéressement.
Le tableau en cours est loin d’être achevé puisque d’une part les leaders du Shass n’excluent aucun scénario de coalition et qu’Avigdor Libermann n’a pas de mots assez durs pour mettre en cause à présent le leadership de Benjamin Netanyahou lors de la dernière guerre avec le Hamas.
Quant à Naphtali Bennett il consulte toujours son GPS pour savoir comment retirer les marrons du feu. Il est vrai que du moins en apparence le Likoud fait bloc derrière son leader mais l’on aurait tort de minimiser les rancoeurs et les rancunes qui se sont accumulées contre le Premier ministre actuel, notamment dans la guerre à Gaza, lorsqu’il laissait de côté nombre de ministres de sa propre formation pour consulter en priorité dans le Cabinet restreint de sécurité principalement et précisément Tsipi Livni et Méir Lapid.
Il n’est certes pas question ici de donner des leçons de morale à tous ces compétiteurs plus acharnés les uns que les autres. Il s’agit juste de relever l’écart entre ces comportements et les affirmations les plus essentielles de l’éthique juive comme par exemple: « Tous les membres du peuple d’Israël sont réciproquement garants les uns des autres ». Un peuple doté d’un système tellement explicite et contraignant de valeurs ne saurait se déjuger. La politique n’a jamais été un exercice de tendresse mais entre le moralisme et le brut rapport de forces il y a bien de la marge. L’on doit alors faire confiance à la maturité du corps électoral d’Israël pour le rappeler à tous les candidats et candidates qui sollicitent ses précieux suffrages.
Raphaël Draï, Radio J, 15 décembre 2014