Sur toute l’année 2014, 5.000 Juifs de France pourraient faire leur alya, un record depuis la création de l’État d’Israël en 1948. Ils seront 1.000 à 1.500 cet été, dont plusieurs dizaines ont pris place mercredi dans la grande synagogue de la rue des Tournelles, sous des balcons pavoisés de drapeaux israéliens.
Ils veulent pouvoir « assumer leur identité tranquillement » ou simplement « changer de vie ». Avant de faire cet été leur « alya », leur « montée » vers Israël, des dizaines d’émigrants juifs ont participé mercredi soir à Paris à une « cérémonie de départ » empreinte d’émotion.
On les appelle les « olim » et ils sont de plus en plus nombreux en France à porter le nom de ceux qui partent s’installer en Terre sainte: 2.254 exactement entre janvier et mai, contre 580 sur la même période de 2013, selon l’Agence juive pour Israël, qui organise cette migration.
Sur toute l’année 2014, 5.000 Juifs de France pourraient faire leur alya, un record depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948. Ils seront 1.000 à 1.500 cet été, dont plusieurs dizaines ont pris place mercredi dans la grande synagogue de la rue des Tournelles, sous des balcons pavoisés de drapeaux israéliens. Beaucoup de familles, hommes et femmes mélangés sur les bancs, certains très religieux d’autres moins, accompagnés d’enfants jouant avec des ballons gonflés à l’hélium aux couleurs d’Israël.
Certains « olim » refusent le contact avec la presse, d’autres acceptent volontiers de parler de leur projet d’émigration, sans cacher que l’inquiétude d’un antisémitisme croissant en Europe n’y est pas indifférent.
« Je ne voudrais pas me sentir étranger dans un pays, la France, que j’aime par dessus tout, et rester dans l’incertitude de l’avenir, que je souhaite plus serein pour mes enfants », explique à l’AFP Mickaël. « Je veux pouvoir assumer mon identité tranquillement », ajoute ce Parisien qui se dit juif « traditionaliste » mais non « orthodoxe ».
– ‘On vous attend à la maison!’ –
Colette, elle, va faire l’alya avec son époux et son fils. « Notre grosse crainte, c’est la barrière de la langue: on ne parle pas un mot d’hébreu. Et on va quand même dans un pays dont le mode de vie est différent du nôtre », confie-t-elle. C’est son mari, « catholique non pratiquant », qui est à l’origine de leur démarche. « La France n’est plus le pays pour lequel je me suis engagé dans l’armée il y a 35 ans », explique Jean-Michel, particulièrement heurté par certains slogans entendus il y a quelques mois lors de la manifestation « Jour de colère ». « Cela m’a fait penser à l’Allemagne de 1933. »
Sarah, elle, part à l’aventure avec son mari et ses trois adolescents avant tout pour « changer de vie », même si elle se dit aussi en quête de liberté. « Ici, le problème, c’est qu’on ne peut plus mettre la kippa » dans la rue, « on ne se sent pas libre », lâche-t-elle.
La plupart des « olim » n’ont pas l’air inquiets pour leurs projets professionnels en Israël, pourtant pas toujours très définis. « Je n’ai jamais vu un pays qui vous accueille comme ça », dit Jonathan, confiant. Son ami d’enfance Eddy souligne cependant que « plein de gens sont partis mais sont revenus. Il faut avoir conscience que le pays ne nous attend pas, on prend le train en marche ».
L’Agence juive ne ménage en tout cas pas ses efforts pour favoriser l’alya depuis la France, dont Israël fait désormais une priorité. La ministre israélienne de l’Immigration et de l’Intégration, Sofa Landver, était présente à la synagogue des Tournelles, où elle a lancé aux « olim »: « On vous attend à la maison! »
Le nouveau grand rabbin de France, Haïm Korsia, était là aussi. Entre les chants, les moments de bénédiction et d’effusion festive, il a rappelé sous les candélabres la dimension d' »élévation spirituelle » de l’alya, son « lien avec la terre d’Israël ». Avant de lancer aux émigrants: « Restez fidèles à la France en étant de bons Israéliens! »
Publié dans le Point le 3 juillet 2014