‘’La vie et la mort j’ai placé devant toi, la bénédiction et le malheur.
Et tu choisiras la vie, pour que tu vives toi et ta postérité’’
Deutéronome 30-19
Le but suprême du Créateur n’est-il pas finalement de permettre à sa créature d’accéder à la connaissance de son être, afin de lui rendre éventuellement possible… la Connaissance de Son Etre ? Or, ce Travail Divin ne peut se concevoir sans paroles.
Car sans paroles, sans mots, il n’y a pas … d’existence. Si je ne dispose pas d’un langage qui exprime ma pensée pour parler, expliquer, raconter le monde qui m’entoure et qui forme ma réalité, eh bien, ce monde n’existe pas, car la notion d’existence commence à exister, si je puis m’exprimer ainsi, lorsque je peux en parler.
La parole fait exister.
La parole transcende la nature, elle est sur/naturelle, et c’est cette transcendance sur l’ordre naturel des choses qui en fait un don divin.
Mais sommes-nous tout à fait conscients de ce formidable pouvoir ? Formidable certes, mais quelque peu terrifiant car capable de créer aussi bien le meilleur… que le pire.
Car la parole est TOUT ce qui constitue un médaber, un parlant comme est nommé l’humain dans La Langue du Sacré.
בן אדם, Ben Adam signifie en hébreu, tout simplement… Etre Humain. Dans la classification des différents règnes de la création : minéral, végétal, animal et humain, le règne qui nous concerne n’est pas appelé celui du Ben Adam comme on pourrait s’y attendre, mais celui du Médaber, littéralement du… parlant, de celui qui parle, de celui qui sait, et peut nommer les… choses. En hébreu, le jeu de ‘’mots’’ est d’autant plus savoureux que lemot chose est le même que le mot… mot, Davar, דבר.
Par la force des mots, la force des choses.
Cette faculté unique distinguant l’homme lui confère, dans le même temps, une responsabilité certaine envers le reste de la Création qui, elle, suit scrupuleusement l’ordre établi, les lois de la Nature qui constituent la réalité première d’autorégulation à travers les fonctions de vie : respirer, se nourrir, se mouvoir, s’abriter, se reproduire etc. Par contre, le parler n’est pas seulement un outil de communication utile pour échanger avec ses contemporains. Il permet d’analyser, de symboliser, de se raconter cette réalité. Car l’être humain se situe certes dans le corps physique, mais en plus, grâce à la distinction conférée par la parole, il accède à un niveau métaphysique, littéralement, au delà du physique, car il est pourvu ce qu’on appelle la fonction symbolique. Il peut poser une réflexion sur le physique, se représenter dans sa conscience le monde environnant, et cette fonction d’élaboration va irrémédiablement influer sur le cours des choses, quelquefois à son corps défendant, c’est le cas de le dire.
Lacan évoquait ‘’la nature de l’être parlant’’. Dans la langue de Lacan, l’humain équipé de cette fonction symbolique est un ‘’parleêtre’’, et si par malheur cette fonction est déficiente, il n’est plus qu’un ‘’parêtre’’ un ‘’s’emblant’’ !
L’homme est un parlant, mais il est d’abord ‘’parlé’’, c’est-à-dire qu’il s’inscrit dans un langage, dans une structure qui le précède. L’humanité, constituée de tous les parlants de la planète, s’est structurée, autour de paroles (plus ou moins) sacrées.
La Tradition qui nous touche s’appuie sur Dix Paroles créatrices de notre réalité.
Cependant, ‘’La Parole s’était engluée dans la matière qu’elle avait créée pour la manifester.’’ (Ibid.)
Une pensée peut être libre, vivante ou au contraire étriquée, confinée et étouffante.
Le mot Mitsraïm, Egypte en hébreu, vient d’une racine qui signifie rétréci,étroit, étranglé. L’humanité, si nous pouvons encore la nommer ainsi, est arrivée au même point de rupture auquel était arrivée la civilisation égyptienne.
Les pseudos libérations ont toujours irrémédiablement échoué dans la violence, le mensonge et l’arbitraire, car il y a bien longtemps que l’homme a perdu toute idée de ce que peut être l’Homme, car pour libérer l’homme, encore faudrait-il avoir une idée de l’Homme et de ce qu’est la liberté.
Le mythe du bonheur assuré par la satisfaction, si possible, immédiate de tous les désirs, érigé en dogme, en enseignant l’individualisme forcené, a contraint l’homme pulsionnel à faire le sacrifice de son être sur l’autel de ‘’l’avoir’’ à tout prix.
Ersatz de liberté, cette nouvelle forme subtile de l’Egypte, par cette supercherie, a créé une société de dupes qui s’est soumise de ‘’bonne foi’’ à la loi du ni dieu, ni maître.
Leurs Je ainsi confisqués, les hommes, rendus incapables de parler en leur propre nom, se sont retrouvés privés de leur statut de médaber.
Le Je étouffé, le Nous ne peut exister. Il ne reste plus de peuples au sens que nous lui connaissons, tout juste une masse indifférenciée, mondialisée. Le tour est joué, l’âme kidnappée, le meurtre psychique consommé.
Sur le mont Sinaï, les divines injonctions ont été transmises à Moïse, homme/sujet/libre, n’ayant jamais souffert de l’esclavage. Et c’est le Sujet par Excellence : Anokhi, le Super Je, qui s’adresse pour la première fois, avec un Tu, à des encore esclaves/objets, qui vont enfin expérimenter leur nouveau statut de libres/sujets.
Paradoxalement, c’est en acceptant l’assujettissement à un Etre supérieur, que libérés de notre illusion de toute puissance, nous accédons à notre être véritable…
‘’L’Egypte représente l’aliénation d’un monde qui ne peut se dépasser et reste prisonnier des forces mises en œuvre pour sa création.
La sortie d’Egypte n’est pas seulement vitale pour Israël, elle est également vitale pour le monde. ‘’
Le retour d’Israël, et l’espérance du monde – Abraham Livni
Yehouda Guenassia
Yehouda Guenassia est psychothérapeute certifié en Gestalt Thérapie Analytique, il est affilié à l’Association of Humanistic Psychology.
*Pessah: Bouche de Vie : Si l’on décompose le nom Pessah : Pé signifie Bouche et Sah dont la valeur numérique est de 68 nous renvoie au mot Haïm qui possède le même poids, la même valeur énergétique que Sah.
*(à l’inverse) Parho (Pharaon en hébreu) : Bouche de Malheur : Si l’on décompose le mot Parho : Pe signifie toujours Bouche et Ra signifie Malheur.