C’est l’histoire d’un homme qui, lors d’une visite médicale sur son lieu de travail, s’aperçoit qu’il a pris quelques kilos. Et qu’il est fatigué. Ni une ni deux, ce quadra décide de se lancer dans une cure détox. Un exemple parmi d’autres qui montre à quel point l’engouement pour cette méthode de purification de l’organisme est devenu général. Décryptage du phénomène.

Sur le papier, passer ses journées à siroter du jus de céleri et d’épinard, additionnés de kiwi, de menthe et de citron vert, en alternance avec des soupes sucrées-salées, n’a rien de réjouissant. Et pourtant, l’adage selon lequel il faut souffrir pour être belle – et même beau, en l’occurrence – semble sur le point de devenir une véritable règle de vie. Voire un art de vivre. La raison tient en un mot : détox. « Cette notion de la détox est à la fois très ancienne et très moderne, rappelle la sémiologue Mariette Darrigrand. Ancienne car elle renvoie à l’idée religieuse du carême et du « manger maigre », qui, même s’il est moins pratiqué qu’au Moyen Âge, reste une tradition. Ce concept s’est métissé au fil du temps avec d’autres religions, asiatiques notamment, et a intégré du même coup l’idée de la purification du corps. C’est ainsi que le rituel est entré dans nos mœurs. La modernité de la notion de détox tient, elle, dans le fait que le mot, venu de Californie – territoire de bien-être et de branchitude absolue en la matière, ndlr – a une connotation plus intello, plus spirituelle et a plus d’allure que celui de « régime », technique dont on sait, en prime, qu’elle fonctionne rarement. » Sans compter l’esprit quasi militaire, avec sa cohorte de privations et de calcul de calories en tous genres, l’idée d’échec dans sa quête de perfection personnelle que ce mot induit…

Car, si ces cinq lettres magiques ont, à la base, vocation à purifier l’organisme, elles se confondent de plus en plus avec celles qui composent, donc, le mot régime… Et c’est là le problème. De plus en plus floue, la frontière entre ces deux modes d’alimentation joue sur les envies d’une population « surchargée » de sucres, de graisses, de poids, etc, mais aussi, par ricochet, en proie à des carences en vitamines, en oligo-éléments. Bref d’une population « intoxiquée » et en manque de santé.

Et voilà comment l’on crée un phénomène de mode, ni plus ni moins. Comment on fait passer la détox d’un « geste sympathique et un peu folklorique avec ses week-ends tisanes à la campagne », à un programme structuré avec menus livrés à domicile ou recettes multicolores à reproduire tranquillement dans sa cuisine. Et comment l’on parle, en mixant subtilement le tout aux canons de beauté, aux femmes de tous âges et de tous horizons (et pas seulement les trentenaires-urbaines-archi-débordées), aux sportifs et aux hommes, réputés rétifs à ce genre de pratique.

Une prise de conscience environnementale

« Il est normal d’éprouver de temps à autre le besoin de se détoxifier, explique le Dr Paule Nathan, endocrinologue et nutritionniste. Aujourd’hui, les programmes détox répondent tant au besoin de se recentrer sur sa santé que sur son esprit. Alors oui, pourquoi ne pas en faire ? Mais sans excès. » Un impératif renforcé aujourd’hui par le sentiment d’insécurité lié, actuellement, à l’alimentation, la crispation autour des scandales de la vache folle, des OGM, de la malbouffe en général et leurs conséquences toxiques sur la santé. « Dès lors, la détox prend un sens plus profond et plus grave, confirme la sémiologue Mariette Darrigrand : elle devient le corps de la vie. Là aussi, appuyer désormais sur la notion de santé permet d’élargir le public concerné. »

Il y a une vraie analogie avec la terre. On se met en repos, comme un champ

Dans la même veine, la purification de l’organisme correspondrait, selon la sémiologue, à une prise de conscience environnementale. « Plus les populations s’urbanisent, plus elles s’éloignent de la nature et donc, plus elles ont besoin d’y revenir et de s’y ressourcer. Il y a une vraie analogie avec la terre : entamer une cure détox est une manière de se mettre en repos, entre deux saisons, comme un champ. Par ce biais, l’être humain se reconnecte aux grands cycles de la nature, l’un et l’autre se purgeant de toutes leurs toxines. » Sans parler d’un certain aspect métaphysique qui peut poindre : nettoyer son organisme pouvant, finalement, signifier le besoin judéo-chrétien de se laver de ses erreurs et ses pêchés… Une sorte d’indulgence médiévale mais version jus de fenouil, quoi.

Une rédemption diététique et cosmétique

Pavé de ces bonnes intentions, le chemin vers la purification n’est toutefois pas si simple. « Il n’est pas question d’en faire trop, en entamant un jeûne trop long par exemple, prévient le Dr Nathan. Les risques de fatigue existent vraiment, ainsi que celui de l’apparition de stress nutritionnel et de carences. » Sans parler de symptômes plus éphémères, mais très handicapants au quotidien, de migraines, vertiges ou crampes musculaires. « Je suis pourtant une habituée des monodiètes et des jeûnes sur courte durée mais là, j’ai dû arrêter ma détox au bout de quelques jours, fatiguée, nauséuse et prise de maux de têtes incessants », confie Sophie.

Logique, les spécialistes vous le diront : idéalement, une cure se programme sur un week-end, au calme, et pas au milieu d’une semaine chargée en réunion. Tout simplement car, contrairement au régime cadencé et chronométré, la détox induit une logique de retour à soi, de détente, d’exigence de prendre du temps… Dietox, Kitchendiet ou Detox Delight ont bien compris le système et proposent des programmes d’un à six jours à base de jus, soupes et, parfois, de plats préparés, afin de, justement, faciliter encore le process et le rendre plus accessible. Pas très détox ? Si, justement ! Après trois jours à se nourrir de façon liquide, l’idéal est de réintroduire progressivement les protéines (viande blanche et poisson en priorité) tout en continuant les tisanes.

La diète permet de renouveler le teint

Quid du jeûne ? Les avis sont nombreux, rarement unanimes et, comme pour la détox, le mot clé est modération. Ainsi, il peut être opportun pour le système digestif et les organes de s’astreindre à un jeûne de 16 ou 24 heures chaque semaine. Puis, une fois cette base acquise, de réorganiser son alimentation entre aliments acidifiants (viandes grasses, céréales, produits sucrés…) et alcalisants (fruits et légumes).

Bonne pour le corps, bonne pour l’esprit, la détox possède aussi des vertus cosmétiques. Si les premiers jours de diète peuvent faire ressortir les toxines par le biais de boutons disgracieux, ils permettent ensuite de renouveler le teint. « De plus en plus de marques misent d’ailleurs sur ce mot-clé pour leurs programmes de soins, constate encore la sémiologue. Au-delà d’un simple nettoyage de peau, il convient désormais de la détoxifier, elle aussi, au travers d’un hyper nettoyage abrasif, qui enlève les cellules mortes de façon quasi para-chirurgicale. » Fonctionnant donc pour l’intérieur et l’extérieur, le corps comme le visage, la détox –‏ modérée et maîtrisée –‏ ferait-elle figure de nouvelle religion du bien être ?

http://madame.lefigaro.fr/

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