Retour sur la notion de Start-up – Comment réussir le montage juridique de sa start-up entre la France et Israël: 2eme partie.
Nous faisons suite à notre première partie publiée il y a quelques semaines afin d’aborder concrètement certains points délicats lors de la création d’une Start up.
Le démarrage d’une Start-up, comme précisé dans notre précédant article, est très souvent le fait de jeunes entrepreneurs occupés uniquement à développer leur « Idée lumineuse » et à essayer d’éviter toute dépense inutile. Pourtant, si à l’origine de la création de la Start-up cette « idée » est bien évidemment indispensable, il ne peut s’agir que d’un point de départ qui pourra mener à la création d’un projet à succès. Des précautions sont à prendre, tant juridiques que financières.
I-Phase 1: Pré-lancement: Les premiers contrats à mettre en place.
A-Engagement de confidentialité (le fameux « NDA », Non Disclosure Agreement) afin de protéger la confidentialité des informations qui sont et seront échangées entre les partenaires potentiels.
En effet, tout contact pris par notre entrepreneur avec des partenaires potentiels devra obligatoirement passer par la demande de signature d’un document très usuel qui est le NDA ou accord de confidentialité en Français. A partir du moment où l’entrepreneur doit donner des informations sur son projet à un partenaire qui n’est encore que potentiel, il se doit de protéger ces informations: nature du projet, type de collaboration demandée ou service demandé…
Il convient de préciser les points importants de ce document dit « standard ».
a-Tout d’abord, il faut définir exactement l’objet de la collaboration (« purpose » of the contract) pour lequel l’échange d’information va avoir lieu, et ce, de manière ni trop restrictive ni trop générale. Il s’agit de préciser quelles informations seront échangées dans le cadre de la relation entrepreneur – partenaire en question et non forcément toutes les informations relatives à l’objet et fonctionnement même de la Start-up. Pour négocier avec le créateur du site web par exemple, les informations échangées ne concerneront que l’aspect général relatif à la présentation du site web, sa composition, présentation marketing et la description de l’objet général de l’activité de la Start-up, sans entrer dans le domaine technique. Les informations échangées diffèrent du tout au tout s’il s’agit de signer un NDA avec le développeur informatique en charge du produit innovant objet de la Start-up.
Cependant, il faut aussi faire cas de son ou ses partenaires, qui vont exiger une protection réciproque de leurs propres informations jugées confidentielles.
Les compromis sont alors un passage obligé: il faudra définir ce qu’est une « information », préciser notamment le mode de divulgation: informatique, oral, dessin, script, idée… et le moment à partir duquel elle devient « confidentielle ».
b-Il en va de même pour ce qui est de la durée de la protection des informations confidentielles. (A ne pas confondre avec la durée de validité de l’accord qui, en général, a une validité limitée, renouvelable par voie d’amendement). En effet, l’entrepreneur peut avoir décidé de faire appel à un autre partenaire après échec des négociations avec le premier partenaire. Il lui faut s’assurer que les informations transmises vont rester « confidentielles » et donc non transmissibles à des tiers pendant un temps déterminé à l’avance. En outre, l’entrepreneur doit pouvoir se libérer après ce temps de confidentialité pour ne pas être gêné par l’exploitation éventuelle des informations qu’il a lui-même reçues…
c-Un autre point important également pour les personnes morales : il est judicieux de prendre certaines garanties concernant l‘identité des deux (ou plus) parties engagées dans l’accord (l’intuitu personae peut être important): l’organisation structurelle en cause doit être comprise pour pouvoir autoriser la transmission des informations à des filiales concernées par le projet, à certains employés ou à des personnes liées de manière indépendante au projet en cause.
d-Enfin il faut mettre en place une protection juridique efficace et rapide en cas de non-respect de la confidentialité (pouvant amener à une violation de secrets d’affaire ou savoir-faire) : en général il faudra prévoir le recours de type référé en France, en Anglais on parle de « injunctive relief ».
e- La compétence juridictionnelle est à analyser en fonction de la situation géographique des parties, des intérêts en cause, des coûts et de la simplicité de la procédure devant le tribunal ou Cour d’arbitrage choisi.
f- La date d’entrée en vigueur du NDA est aussi importante à préciser. En pratique, ce n’est pas toujours la date de signature du contrat qui marque l’entrée en vigueur mais plutôt la date des premiers échanges d’information qui, bien souvent, est antérieure elle-même à la signature afin de protéger les informations des premiers rendez-vous.
B-Lettre d’engagement ou MOU (Memorandum of Understanding) : c’est un précontrat dont la teneur des engagements et le détail de ces derniers sont déterminants. Il faut décrire les obligations et droits de chaque partie tout en évitant de trop détailler cet engagement qui, s’il n’est pas respecté, doit conduire au paiement de dommages et intérêts et ce, uniquement afin d’éviter une exécution forcée si l’accord est requalifié de contrat pur et simple.
C-Contrat de licence : dans le domaine de la haute technologie où la R&D est très forte, ce type de contrat est primordial. C’est par définition l’accord qui va permettre à une entreprise (le concédant ou « licensor ») de concéder à une autre entreprise (licencie ou « licensee ») le droit d’utiliser, d’exploiter pendant une durée déterminée, sur un territoire limité et sous certaines conditions, la propriété intellectuelle (création, objet, idée, logo…) appartenant au concédant.
Les principales clauses de ce contrat concernent notamment l’objet de la licence et les restrictions d’exploitation, la contrepartie financière et sa résiliation. L’intervention d’un conseiller juridique est indispensable afin de cerner l’objet de la licence en cause et, entre autre, de vérifier les propres droits du concédant.
Il est à noter que pour les contrats de licence de logiciel par exemple, il sera nécessaire de prévoir une clause permettant à l’auteur de corriger les erreurs et de pouvoir limiter les actes d’adaptation et de reproduction nécessaires à l’utilisation du logiciel, conformément à sa destination. En droit français, il s’agit également de préciser que même dans le cas de commande de logiciel spécifique, le fournisseur reste titulaire des droits de propriété intellectuelle sur le logiciel spécifique créé. La cession au profit du client doit faire l’objet d’une clause expresse et non équivoque (préciser quels droits sont cédés).
D-Contrat de partenariat : un seul point sera ici soulevé car, comme précisé pour le contrat de licence, les clauses usuelles seront à revoir et à négocier avec l’aide d’un Conseiller juridique en fonction de la situation concernée. Dans le cas particulier de la Start-up, il faut insister sur la clause de paiement. En effet, l’entrepreneur doit prévoir un paiement échelonné en fonction de l’avancement du projet, ou par exemple, la mise en place d’un prototype. Il faut éviter toute somme forfaitaire de départ pour « lancer » le projet ou promesse de part sociale, comme par exemple, une « part équivalant à 10% de la valeur du projet » ou « XX XXX $ à la signature de l’accord ». En effet, il peut arriver que le développeur ne parvienne pas à réaliser ce pour quoi il a été engagé ou qu’il mette fin à sa collaboration ce qui aurait pour conséquence que notre entrepreneur se retrouve sans prototype… avec un associé non désirable… et une perte d’argent conséquente. Ainsi il faudra prendre soin de définir chaque étape de règlement correspondant à une étape du développement (« milestone »).
II-Phase 1-Aspects financiers
L’entrepreneur a pour principal souci de financer son projet afin de le mener à bien: pour cela les bons plans sont souvent « le bouche à oreille’’ et les copains d’abord, le networking et pour les gros projets, le passage par un Business Angel bien coté.
Il ne s’agit pas ici de donner des conseils financiers; lorsque le projet est conséquent, il est évident que la rédaction d’un Business Plan et le rendez-vous avec un expert-comptable est indispensable.
D’un point de vue juridique, il s’agit de mettre en garde sur les garanties à mettre en place afin de sécuriser le projet : les investisseurs ne sont pas des entreprises philanthropiques, bien au contraire. Chaque centime investi doit être réfléchi afin qu’il soit d’un bon rapport. Notre entrepreneur se doit d’être prudent et de raisonner à long terme. Si un travail de fonds a permis d’évaluer la valeur potentielle de la future société ou les ventes futures, la négociation d’un pourcentage de ces dernières permettra de rassurer l’investisseur. Le « share purchasing agreement » devra être négocié et signé par toutes les parties.
Un autre moyen permettrait de rassurer les deux parties: en effet, il est courant que soit mis en place un plan de stock-options*permettant de proposer à l’investisseur d’acquérir certaines parts futures de la société. Il convient de rappeler que par définition, « le business angel » est un véritable associé-entrepreneur dont l’accompagnement est à forte valeur ajoutée, le business angel pouvant apporter sa compétence, son énergie et son expertise. Le business Angel devient donc un associé, avec tout ce que cela implique comme conséquences et précautions.
Il existe un moyen d’éviter cet « associé » même pour une Start-up en manque de fonds: c’est ce que l’on a coutume d’appeler désormais l’investissement participatif.
Selon Wikipédia, « Le financement participatif consiste à fédérer un grand nombre d’investisseurs autour d’un projet, d’une cause ou d’une entreprise »…Aujourd’hui, des plateformes de financement participatif spécialisées dans l’investissement dans les TPE et PME permettent au plus grand nombre de devenir investisseur dans des PME en investissant dans les premières phases de développement, sans réaliser d’accompagnement comme le font les Business Angels ».
Tout dépendra du type de projet envisagé bien entendu.
III- Phase 2: la création d’une entité juridique adaptée
En France, la SARL et la SAS ou SASU sont des types de société permettant une certaine souplesse de gestion. A plus grande échelle, le G.I.E ou Groupement d’Intérêt Economique est très utilisé pour les mêmes raisons.
En Israël, le système est plus simple : le choix se fait entre la hevra pratite par opposition à la hevra tsibourite, lorsque les parts sont des actions en bourse.
Cette étude fera l’objet d’une nouvelle publication en troisième partie.
Me Arielle Amsellem Lasry
Toutes les informations données dans cet article ne constituent en aucune manière une consultation juridique adaptée à des besoins particuliers
*[Par définition, un stock option est une forme de rémunération versée par une entreprise généralement cotée en bourse. Il s’agit d’une option d’achat (call) dont l’actif sous-jacent est l’action de l’entreprise concernée. Ainsi, ce système permet à des dirigeants et à des salariés d’une entreprise d’acheter des actions de celle-ci à une date et un prix fixés à l’avance].