Le projet de loi du gouvernement est en passe d’être adopté. Le résumé en huit points :
Les cotisations augmenteront de 0,15 point pour les salariés et les entreprises dès 2014, puis de 0,05 point par an pendant trois ans. Soit de 0,3 point d’ici 2017.
• Gel de six mois des pensions
L’année prochaine, les pensions seront revalorisées le 1er octobre au lieu du 1er avril.
• Fiscalisation des majorations
Les majorations de pension de 10% bénéficiant aux retraités ayant eu trois enfants ou plus seront désormais soumises à l’impôt.
• Création d’un «compte pénibilité»
Les salariés subissant des conditions de travail pénibles (nuit, charges lourdes, températures extrêmes, etc.) pourront accumuler jusqu’à 100 points sur un compte personnel dédié, à raison d’un point par trimestre, et partir jusqu’à deux ans plus tôt à la retraite.
• Rachats de trimestres au titre des années d’études
Un jeune diplômé recevra une prime de 1000 euros pour racheter des trimestres de cotisation.
• Prise en compte des stages
Un étudiant pourra verser 12,50 euros par mois pendant deux ans pour valider des trimestres au titre de ses périodes de stage.
• Mesures pour les petits temps partiels
Il ne faudra plus désormais que 150 heures travaillées, contre 200 heures auparavant, pour valider un trimestre de droits à la retraite.
• Étatisation des caisses de retraite des libéraux
L’État chapeautera désormais la Caisse nationale d’assurance-vieillesse des professions libérales, notamment grâce à un changement du mode de désignation de son directeur.
Retraite : quand partirez-vous, combien toucherez-vous?
Malgrés les précédentes réformes (1993, 2003 et 2010), les régimes des retraites n’ont pas retrouvé leur équilibre financier. En l’absence de nouvelles règles, le déficit de l’ensemble de ces régimes pourrait atteindre 20,9 Mds€ en 2020 (7,6 Mds€ pour les régimes de base, hors fonction publique). Une nouvelle réforme s’imposait donc pour remédier à cette situation. Celle-ci prévoit des financements à court terme et vise l’équilibre à long terme, grâce à un allongement progressif de la durée d’assurance. Voici les principales mesures de ce projet de loi, en cours de discussion au Parlement, et leur impact sur votre future retraite.
Quand pourrez-vous partir ?
Le nombre de trimestres permettant de partir à taux plein sera porté à 172 pour les générations nées en 1973 et après.
Certaines périodes non travaillées seront mieux prises en compte.
La réforme ne touche pas à l’âge légal de départ à la retraite ni au calendrier de relèvement de l’âge de la retraite établi par le précédent gouvernement : l’âge minimum légal de la retraite, aujourd’hui fixé à 61 ans et 2 mois pour les assurés nés en 1953, va continuer à augmenter, à raison de 5 mois supplémentaires par génération, pour atteindre 62 ans pour les actifs nés à partir de 1955. En revanche, le projet de loi modifie les règles de fixation de la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein : cette durée sera désormais inscrite dans la loi au lieu d’être déterminée chaque année, génération par génération, par un décret intervenant avant la fin de l’année du 56e anniversaire de la génération concernée. Actuellement fixée à 166 trimestres pour ceux nés en 1956 et, probablement, pour ceux nés en 1957 (un décret doit être publié avant la fin de l’année pour confirmer ce chiffre), la durée d’assurance requise va ainsi continuer à augmenter au rythme d’un trimestre supplémentaire toutes les trois générations, à partir de celle née en 1958. Elle atteindra 43 ans – soit 172 trimestres – pour les assurés nés en 1973 et après.
En privilégiant l’augmentation de la durée d’assurance plutôt que le report de l’âge minimum légal de la retraite, la réforme permet à ceux qui ont commencé à travailler jeunes de continuer à partir tôt : dès 62 ans, voire avant cet âge s’ils peuvent bénéficier du dispositif carrière longue. Quant à ceux qui n’auront pas assez de trimestres, deux solutions s’offrent à eux : partir dès l’âge minimum, mais avec une pension plus faible (en contrepartie, elle leur sera versée plus longtemps), ou continuer à travailler jusqu’à l’obtention du nombre de trimestres requis. Ceux à qui il manque trop de trimestres devront travailler jusqu’à l’âge du taux plein applicable à leur génération : 65 ans progressivement portés à 67 ans pour les assurés nés à partir de 1955. Ainsi, un cadre âgé aujourd’hui de 40 ans qui a commencé à travailler à 23 ans, après 5 années d’études supérieures, devra travailler jusqu’à 66 ans s’il veut percevoir sa retraite en entier, sauf à racheter des trimestres.
Vous pourrez valider des trimestres plus facilement
Actuellement, pour valider un trimestre, il faut avoir cotisé sur la base d’un salaire ou d’un revenu professionnel correspondant à 200 fois le Smic horaire en vigueur au 1er janvier. Soit sur la base de 1 886 € pour valider un trimestre en 2013 et de 7 544 € pour en valider 4. Les cotisations étant calculées dans la limite du plafond mensuel de la Sécurité sociale (3 086 € par mois en 2013), un salarié qui perçoit une rémunération mensuelle brute supérieure ou égale à ce plafond peut valider une année entière – 4 trimestres – en un peu moins de 2 mois et demi d’activité (7 544/3 086 = 2,44). Mais, à l’opposé, les actifs percevant un faible salaire ou à temps très partiel ne parviennent pas toujours à valider 4 trimestres, alors qu’ils ont travaillé toute l’année. Pour remédier à cette situation, la réforme prévoit d’abaisser par décret le seuil de « 200 heures de Smic » à 150 heures, et de permettre un report des cotisations d’une année sur l’autre, lorsqu’un assuré ne sera pas parvenu à valider 4 trimestres, 2 années consécutives. Cette nouvelle règle devrait permettre aux assurés rémunérés au Smic qui travaillent l’équivalent d’un « quart temps » de valider 4 trimestres par an. En contrepartie, les cotisations ne seraient retenues que dans la limite d’un revenu mensuel inférieur à 1,5 Smic (2 145 € par mois pour 2013). Attention : cette nouvelle règle ne jouera que pour le décompte de votre durée d’assurance. Elle n’aura aucune incidence sur le calcul de votre salaire annuel moyen, c’est-à-dire sur la moyenne des salaires perçus au cours des 25 meilleures années de votre carrière. Vos salaires (ou revenus) continueront à être retenus dans la limite du plafond de la Sécurité sociale. Il s’agit uniquement de contrebalancer la règle qui facilite l’acquisition de trimestres pour les petits salaires : en l’absence de plafonnement à 1,5 Smic, un assuré rémunéré au plafond parviendrait à valider une année entière en un peu moins de 2 mois de travail (ce qui serait plus favorable qu’aujourd’hui). Avec le plafonnement, il lui faudra un peu moins de 3 mois de travail pour valider une année.
Vos périodes de maternité ou de chômage seront mieux prises en compte
à compter du 1er janvier 2015, chaque période continue de 50 jours de stage de formation professionnelle, rémunérée ou non, donnera droit à un trimestre, dans les mêmes conditions que les périodes de chômage indemnisé. Par ailleurs, les règles de validation des trimestres de maternité seront modifiées à compter du 1er janvier 2014 : chaque période de 90 jours de congé maternité permettra de valider un trimestre, alors qu’actuellement, seul le trimestre civil de l’accouchement est retenu. Mais, en pratique, ces trimestres dits assimilés ne vous seront attribués que si les cotisations que vous avez versées le reste de l’année ne vous ont pas déjà permis de valider 4 trimestres. Ce mode de décompte ne changera donc rien pour les mères qui accouchent de leurs premier et deuxième enfants ; mais il permettra de valider un ou 2 trimestres de plus à partir du troisième enfant, en cas de grossesse multiple ou pathologique liée à l’exposition au Distilbène, sous réserve que votre salaire ne vous ait pas déjà permis de valider 4 trimestres.
Avoir travaillé avant 20 ans ou exercé un métier pénible permettra de partir plus tôt
Dans le cadre du dispositif de la retraite anticipée pour longue carrière, les assurés qui ont commencé à travailler avant 20 ans peuvent partir en retraite dès 60 ans, s’ils justifient d’une durée de cotisation au moins égale à la durée d’assurance requise pour le taux plein (pour un départ avant 60 ans, ils doivent, en revanche, justifier, selon l’âge de départ, d’une durée supérieure de 4 ou 8 trimestres à celle requise pour le taux plein). Pour apprécier si cette condition de durée de cotisations est remplie, certains trimestres, bien que non cotisés (service national, chômage…), sont d’ores et déjà retenus, mais dans certaines limites. à compter du 1er janvier 2014, pourront également être retenus en tant que trimestres cotisés, 2 trimestres supplémentaires de chômage, 2 trimestres d’invalidité ainsi que l’ensemble des trimestres de maternité, toujours dans la limite d’un trimestre par enfant (jusqu’à présent, les trimestres de maternité étaient pris en compte dans la limite de 6, à condition que l’assurée n’ait pas de trimestres assimilés au titre de la maladie). Cette mesure doit permettre aux assurés qui ont commencé à travailler jeunes mais qui ont connu, par la suite, des incidents de carrière, de pouvoir quand même partir dès 60 ans. Par ailleurs, les salariés qui exercent des métiers pénibles (travail de nuit ou répétitif, manutention de charges lourdes, exposition au bruit…) disposeront d’un compte personnel de prévention de la pénibilité sur lequel ils pourront accumuler un à 2 points par trimestre d’exposition à un facteur de pénibilité, dans la limite de 100 points au total. « Ces points seront convertis en trimestres de formation, de temps partiel ou de durée d’assurance retraite à raison d’un trimestre pour 10 points. Les 20 premiers points seront obligatoirement consacrés à la formation. Les salariés pourront utiliser les 80 points restants pour avancer la date de leur départ en retraite de 2 ans », explique Pascale Gauthier, associée chez Novely retraite.
Opter pour la retraite progressive améliorera votre pension
Le gouvernement prévoit d’assouplir le dispositif de la retraite progressive. Ce régime permet aux salariés ayant atteint l’âge minimum de la retraite de commencer à percevoir une partie de leurs retraites de base et complémentaires tout en travaillant à temps partiel. Ce dispositif existe également dans le régime social des indépendants avec quelques aménagements pour tenir compte de la spécificité de leur statut, mais pas dans celui des professions libérales. Son intérêt est de vous permettre d’améliorer votre future retraite : lorsque vous cesserez définitivement de travailler, on recalculera le montant de votre pension pour tenir compte des droits que vous avez acquis pendant cette période à temps partiel. Pour en bénéficier, il faut avoir atteint l’âge minimum de la retraite, justifier d’une durée d’assurance d’au moins 150 trimestres et produire, à l’appui de sa demande, un contrat de travail à temps partiel d’une durée égale à 80 % d’un temps plein au plus.
Le projet abaisse la condition d’âge de 2 ans, sans que celle-ci ne puisse être inférieure à 60 ans : les assurés nés avant1954 pourront donc, dès l’année prochaine, partir en retraite progressive, tandis que ceux nés à partir de 1954 devront attendre d’avoir 60 ans pour en profiter. Un décret devrait modifier favorablement les autres conditions d’entrée dans ce dispositif : la durée d’assurance exigée pourrait également être abaissée et le barème simplifié, « afin que la somme composée de la fraction de retraite versée et de la quotité travaillée soit systématiquement proche de 100 % de l’ancien salaire », précise le projet de loi (voir l’interview de Philippe Caré, spécialiste des problèmes de retaite, p. 35).
Combien toucherez-vous ?
Les salariés entrés tard sur le marché du travail risquent de subir une baisse de leur pension.
Les conditions de cumul emploi-retraite seront plus sévères.
Le projet de loi ne touche pas au mode de calcul de votre retraite. Mais en allongeant la durée d’assurance requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein, il compromet vos chances d’obtenir une retraite pleine si vous êtes entré tardivement sur le marché du travail ou avez connu des accidents de parcours. À terme, pour les assurés nés en 1973 et après, il faudra avoir commencé à travailler au plus tard à 19 ans pour pouvoir bénéficier de sa retraite à taux plein dès 62 ans ! Dès lors, si vous décidez de partir avant de pouvoir y prétendre, votre pension sera minorée par application d’une décote. « Quatre trimestres manquants représentent 10 % en moins sur la retraite de base, et un peu moins dans les régimes complémentaires. Pour une personne qui a cotisé pendant ses 25 meilleures années à hauteur du plafond et qui peut percevoir la retraite maximale de la Sécurité sociale, cela représente un manque à gagner de 1 520 € net par an, soit 38 000 € au total sur la base d’une espérance de vie résiduelle de 25 ans. Mais, cette personne va travailler un an de moins et percevoir sa retraite pendant plus longtemps », explique Philippe Caré.
Les polypensionnés vont y perdre
En outre, le projet de loi comporte certaines mesures qui pourraient avoir un impact négatif sur le montant de votre future retraite. La première concerne le mode de calcul de la retraite des polypensionnés, c’est-à-dire de ceux qui ont cotisé à plusieurs régimes de retraite dits « alignés » : régimes des salariés, des salariés agricoles et des indépendants (RSI). Leur retraite fera désormais l’objet d’un calcul unique. Ainsi, pour la détermination de leur salaire ou revenu moyen, on fera la somme des revenus perçus dans chaque régime, retenus dans la limite du plafond annuel de la Sécurité sociale, tandis que les trimestres validés dans chaque régime seront totalisés, mais dans la limite de 4 par an. « Cela ne devrait pas trop pénaliser ceux qui ont cotisé successivement à plusieurs régimes alignés. En revanche, il est impossible qu’un assuré ayant cotisé simultanément auprès de deux régimes s’en sorte gagnant », souligne Marc Darnault, associé dirigeant d’Optimaretraite.
Une reprise d’activité après la retraite sera moins intéressante
Autre mesure pénalisante : l’obligation de liquider simultanément toutes ses pensions. Aujourd’hui, si vous êtes salarié et exercez en parallèle une activité indépendante, vous devez uniquement cesser votre activité salariée pour percevoir vos pensions de retraite du régime général et vos complémentaires. Il faudra désormais cesser toutes ses activités professionnelles pour faire liquider ses pensions. Cela ne vous empêchera pas de reprendre une activité dans le cadre du cumul emploi retraite. Mais alors que la reprise d’une activité dans un autre régime que celui qui vous verse vos pensions permet aujourd’hui de vous constituer des droits supplémentaires dans votre nouveau régime d’affiliation, le projet prévoit que vos cotisations seront versées à fonds perdus (sauf pour les militaires). « En outre, si vous ne remplissez pas les conditions d’âge et/ou de durée d’assurance pour bénéficier du taux plein, vous entrerez dans le cadre du cumul emploi/retraite plafonné. Si le projet est adopté en l’état, le total de vos retraites et revenus d’activité sera plafonné (voir le n° 1083 du Particulier, p. 50), probablement comme aujourd’hui, à votre dernier revenu d’activité. Or, pour apprécier si vous atteignez ou non ce plafond, on tiendra compte de tous vos revenus professionnels, y compris ceux soumis à cotisations dans un autre régime », explique Nathalie Badaire, expert retraite chez NB Consulting. Cette mesure ne devrait s’appliquer qu’à ceux qui feront liquider leur pension à partir de 2015. Les assurés qui cumulent emploi et retraite ne seraient pas pénalisés.
Qui va financer la réforme ?
Les pensions de retraite ne seront revalorisées que le 1er octobre de chaque année, alors qu’elles le sont aujourd’hui au 1er avril.
Les majorations de pension seront fiscalisées.
Pour assurer l’équilibre des régimes à l’horizon 2020, le projet de loi prévoit également une hausse des cotisations vieillesse qui pèsera sur tous les actifs et deux autres mesures qui concernent les retraités.
Les actifs devront cotiser plus
Dans tous les régimes de base, les cotisations vont augmenter « dans la même proportion et de façon mesurée ». Pour les salariés – seul régime pour lequel le gouvernement a, pour l’instant, explicité la mesure qui fera l’objet d’un décret – cela se traduira par une augmentation de la cotisation vieillesse. Actuellement fixée à 1,7 % (1,6 % à la charge de l’employeur et 0,1 % à la charge des salariés), celle-ci est assise sur la totalité du salaire et ne génère aucun droit à retraite pour les salariés. Son augmentation serait répartie sur 4 ans : + 0,15 point, en 2014, pour les salariés et les employeurs, 0,05 points pour les 3 années suivantes (voir p. 33).
Les retraités seront mis à contribution
Actuellement, les pensions sont revalorisées au 1er avril de chaque année, en fonction de l’inflation prévisionnelle. Le projet prévoit de reporter à octobre la date de revalorisation des pensions versées par l’ensemble des régimes de base, à l’exception de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (APSA) et de l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI). « Pour un cadre qui perçoit une retraite de base de 1 200 €, ce décalage de 6 mois représenterait, pour une revalorisation de 1,3 % comme l’année dernière, un peu moins de 100 € par an de manque à gagner », précise Pascale Gauthier.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de rendre imposables les majorations de pensions accordées aux retraités qui ont eu ou élevé trois enfants et plus. Cela s’appliquerait dès l’imposition des revenus de 2013, et concernerait les majorations versées par les régimes de base, les régimes complémentaires et ceux de la fonction publique.
Nathalie Cheysson-Kaplan
Leparticulier.fr