La sonde spatiale Chang’e-3 s’est posée aujourd’hui sur la Lune, la Chine devenant la troisième nation mondiale à réussir un alunissage en douceur après les Etats-Unis et l’URSS, a rapporté la télévision publique CCTV.
Après avoir actionné ses rétrofusées pour ralentir, Chang’e-3 a touché le sol dans un territoire nommé la Baie des arcs-en-ciel, où il doit débarquer un véhicule d’exploration téléguidé, le « Lapin de jade ».
La Chine devient ce samedi, après les États-Unis et l’URSS, la troisième nation à réussir un alunissage en douceur. Depuis la réussite de la mission soviétique Luna 24, en août 1976, personne n’avait tenté cet exploit. Les derniers engins à avoir touché la Lune l’ont fait en s’y écrasant (de manière volontaire). La sonde Chang’e 3, avec à son bord le petit rover Lapin de jade, lancée avec succès le 1er décembre par une fusée Longue Marche 3B, entre donc dans l’histoire. Mise en orbite lunaire le 6 décembre, la sonde est depuis descendue comme prévu à 100 km d’altitude. Puis après avoir actionné ses rétrofusées pour ralentir, Chang’e 3 a touché le sol dans un territoire nommé la Baie des arcs-en-ciel, où il doit désormais débarquer Lapin de jade.
La manœuvre d’alunissage a consister «à désorbiter la sonde pour lui faire perdre de l’altitude tout en la faisant passer d’une position horizontale à une station verticale », nous a expliqué Bernard Foing, directeur du groupe international d’exploration lunaire (ILEWG). De petites rétrofusées ont ensuite permis de ralentir progressivement la sonde tout en la stabilisant.
Selon Bernard Foing, l’objectif était d’atteindre une vitesse nulle à 100 mètres du sol, après une procédure de vérification et d’évitement éventuel au cas où la sonde détecterait un gros rocher à ses pieds, puis d’opérer une descente lente contrôlée avant de couper les moteurs à 4 m du sol. L’alunisseur devait alors tomber sur ses quatre pattes, prévues pour amortir le choc. Sur la Lune, où la gravité est six fois moindre, le choc est moins violent qu’on ne l’imagine, équivalent à une chute de 80 cm sur Terre. «Chang’e 3 dispose de capteurs pour détecter le sol à une dizaine de mètres afin de s’assurer que la fusée ne sera pas éteinte trop tôt ou trop tard », rappelait le scientifique de l’Agence spatiale européenne (ESA).
La procédure d’alunissage était automatisée. Le risque de se poser sur un rocher ou une pente très forte était minime sur le site d’alunissage retenu. Pendant les douze minutes de la descente de Chang’e 3, tout aléa pouvait être fatal. Au moindre résidu de rotation, toute poussée pouvait faire partir l’atterrisseur en vrille. Une anomalie de la boucle de contrôle de la rétrofusée qui ne répond pas et la sonde s’écrasait au sol. «Depuis le décollage jusqu’à la mise en orbite lunaire, tout s’est déroulé à la perfection. Les Chinois ont acquis un solide savoir-faire spatial», explique Bernard Foing.
Une première photo dès dimanche?
Sur le rover, un radar peut sonder la Lune jusqu’à 100 m de profondeur. Il dispose aussi de caméras scientifiques de haute résolution pour prendre des photos de son panorama et des gros plans d’éventuels échantillons lunaires. Il dispose par ailleurs de caméras moins précises pour la navigation et de deux instruments scientifiques d’analyse placés sur un bras robotisé : un spectromètre à rayons X pour déterminer la composition élémentaire des roches, et un spectromètre infrarouge pour identifier les minéraux en surface.
Un chauffage nucléaire pour le rover
L’atterrisseur fera lui aussi un peu de science. Équipé d’un télescope de 15 cm pour étudier des galaxies et des étoiles dans les UV moyens, il dispose aussi d’une caméra à rayons UV extrêmes capable d’observer la plasmasphère, ce gaz ionisé extrêmement ténu façonné par le champ magnétique qui entoure notre planète. Cette caméra pourra notamment regarder la formation des aurores magnétiques simultanément aux pôles Nord et Sud de la Terre.
L’objectif de la Chine est de faire fonctionner tous ces instruments pendant quelques mois. L’atterrisseur est équipé d’une pile nucléaire pour générer de l’électricité et se chauffer pendant les nuits lunaires, extrêmement froides, qui durent 14 jours terrestres. Le rover, équipé de panneaux solaires pour son alimentation électrique, «dormira » pendant ce temps. Un petit chauffage atomique doit lui permettre de protéger ses équipements pendant son sommeil. «S’il se réveille de sa première nuit, qui démarrera dix jours après l’alunissage, alors il devrait pouvoir tenir sans problème au moins 3 cycles lunaires », souligne Bernard Foing. Il n’en faudrait pas tant pour que la mission soit une réussite : parvenir à faire quelques tours de roues après un alunissage réussi serait déjà une belle victoire pour la Chine.
L’ESA apporte son aide à la Chine
Depuis les travaux préparatoires menés en 1996 sur Smart-1, la première mission européenne lunaire, l’Agence spatiale européenne (ESA) nourrit des relations privilégiées avec la Chine. «En 2006, nous leur avons donné les informations pour qu’ils puissent recevoir les données envoyées par la sonde Smart-1 avec leur radiotélescope », se souvient le responsable scientifique du projet, Bernard Foing. Cela a permis aux ingénieurs chinois de préparer leur première mission lunaire, Chang’e 1, lancée en 2007.
L’ESA apporte aujourd’hui son soutien dans l’acquisition des données envoyées par Chang’e 3 grâce à son réseau mondial de stations, qui permettent un suivi en continu des objets lunaires. Les antennes en Espagne et en Australie seront ainsi mises à contribution pour le désorbitage et l’alunissage. «Nous réceptionnerons aussi les données scientifiques envoyées par l’atterrisseur et le rover en cas de succès », ajoute le scientifique français, qui se félicite de cette «étroite collaboration ».
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