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Mais où est donc passée l’ambiance chaleureuse de nos repas de famille ? Entre le petit frère obnubilé par sa console portable, la grande soeur occupée par Facebook sur son smartphone et le père scotché devant le match de football, il semble de plus en plus difficile d’avoir une vraie discussion familiale. Existerait-il donc un lien entre la complexité de l’environnement et le nombre, la richesse des interactions sociales ? Une récente étude israélienne corrobore cette hypothèse. Elle montre que des souris élevées dans un environnement complexe et stimulant présentent des interactions sociales moins riches que celles élevées dans un environnement appauvri.
Crédits : Alon Chen et Elad Schneidman
Un protocole expérimental innovant
L’expérience a été réalisée par les groupes de recherche du professeur Alon Chen et du docteur Elad Schneidman du département de Neurobiologie de l’Institut Weizmann. Les résultats ont été publiés dans le journal eLife. Des groupes de quatre souris ont été placés dans une vaste cage contenant une dizaine de points d’intérêts : nid douillet pour dormir, nourriture, aires de jeux, etc. Les déplacements des souris ont été filmés pendant quatre nuits consécutives, sous lumière ultra-violet pour ne pas déranger l’activité nocturne des rongeurs, puis ont été traqués de manière automatique. Un tel protocole expérimental permet de localiser à chaque instant tous les individus et de déterminer ainsi la nature de leurs rapports sociaux en se basant sur leurs positions relatives.
Afin de déterminer l’influence d’un environnement complexe sur les relations sociales, les chercheurs ont comparé des groupes de souris provenant de deux méthodes d’élevage différentes. Dans la première configuration, les rongeurs ont grandi dans un environnement de laboratoire classique : une cage exiguë, présentant peu de distractions. Les souris issues du deuxième type d’élevage ont été plus chanceuses : elles ont pu évoluer dans un environnement spacieux présentant de nombreux jouets.
Une quantité de données écrasante
Une fois les expériences effectuées, un problème majeur demeure : l’analyse de l’énorme quantité de données récoltées. Avec quatre souris visitant dix régions d’intérêt, le nombre de situations possibles atteint les 10.000 ! En considérant les préférences et les phobies individuelles, il est possible de réduire ce nombre pour se ramener à 4.000 configurations possibles. Sur ces 4.000 situations, moins de la moitié se sont produites pendant l’expérience. Comment expliquer cela ? En prenant en compte l’influence des rapports sociaux sur la localisation des souris.
Pour déterminer l’influence des interactions sociales sur la localisation, les chercheurs ont utilisé le principe d’entropie maximale. Ce principe, issu de la théorie de l’information, consiste globalement à sélectionner le modèle le plus parcimonieux, qui va permettre un encodage de l’information optimal. Ici, ce principe a permis d’analyser l’importance des relations sociales à quatre différents niveaux : le premier niveau correspond à une action indépendante de la souris, le deuxième niveau à des relations binaires et ainsi de suite.
Des résultats surprenants
Dans la majorité des systèmes biologiques, comme par exemple dans le cas des réseaux de protéines ou de neurones, le comportement global du système résulte principalement d’interactions binaires. De manière intuitive, il semblerait que ce soit également le cas du réseau social des souris, de nombreux comportements (approche, combat, fuite, etc.) impliquant généralement deux rongeurs. Cependant, cette étude révèle un rôle prépondérant des relations ternaires : elles expliquent à elles seules plus d’un tiers du comportement de groupe. Cette recherche révèle donc une structure sociale bien plus complexe que présumée.
Cette étude a également montré l’impact de la complexité environnementale sur les relations sociales. En effet, les souris élevées dans un environnement complexe présentaient globalement moins d’interactions sociales, avec une proportion d’interactions ternaires moindre. Il semblerait donc qu’une stimulation accrue par l’environnement engendrerait plus d’individualisme, diminuant la dépendance de l’individu vis-à-vis du groupe social. En outre, la présence de jouets et autres distractions engendre des rapports de dominances, d’agression… qui sont des interactions sociales de type binaire.
La fin des smartphones ?
Quelle conclusion devons-nous tirer de cette étude ? Si un environnement stimulant diminue la qualité et la quantité de nos rapports sociaux, devons-nous pour autant bannir lessmartphones ? Il est fort heureusement peu probable que ces travaux de recherche déboucheront sur une interdiction de vente des appareils électroniques … C’est à vous, chers lecteurs, de décider des changements que vous voulez effectuer dans votre quotidien après les résultats de cette étude !