Qui a dit qu’Apple ne créait plus la surprise ? Fin août, alors que la Toile n’en finissait pas de spéculer sur les nouvelles fonctionnalités de l’iPhone 5S Goldfinger, lancé le 10 septembre, la marque à la pomme surprenait tout le monde avec un communiqué laconique indiquant qu’elle testait un nouveau service de reprise des mobiles dans plusieurs de ses boutiques américaines. Avec ce programme baptisé «iPhone Reuse and Recycling», chaque client peut ainsi apporter son ancien iPhone pour l’échanger contre un bon d’achat sur un modèle actuel. Une remise non négligeable allant de 100 à plus de 200 euros, selon le modèle. Certaines conditions sont néanmoins requises : le mobile doit être en parfait état et le client sous contrat avec un opérateur. Certes, le système de reprise est pratiqué depuis des lustres par les concessionnaires automobiles, et presque tous les distributeurs d’électronique grand public (Fnac, Darty, Phone House…) s’y sont mis ces dernières années. Apple, qui se contentait jusqu’ici, même en France, d’offir un discret service de reprise externalisé, a donc fait brutalement irruption dans le jeu.
Répondre à Samsung. L’opération reprise doit en effet aider Apple à maintenir ses positions sur le marché juteux des smartphones : au cours du premier semestre 2013, Samsung en a vendu pratiquement deux fois plus que l’américain (70,7 millions d’appareils contre 37,4 millions), faisant passer la marque à la pomme sous les 14% de part de marché mondial. Les têtes pensantes de la firme de Cupertino espèrent que ce nouveau service fera revenir les clients dans ses boutiques. Avec 400 Apple Store dans le monde, dont 250 aux Etats-Unis et une quinzaine en France, Apple ne contrôle en direct que 20% environ de ses ventes de smartphones. Très insuffisant, selon le big boss Tim Cook. Car dans les innombrables circuits de distribution, les produits Apple souffrent de la comparaison avec des concurrents beaucoup plus agressifs sur les prix, à commencer par… Samsung. Ce qu’Apple fera des appareils rachetés ? Plusieurs experts du secteur confirment que la marque a l’intention de les remettre à neuf pour les revendre avec un rabais sur le marché américain – comme il le fait déjà, notamment pour les produits défectueux qui lui sont retournés.
Marché colossal. Des iPhone d’occasion certifiés Apple, voilà un autre argument fort pour faire revenir le client. Preuve de l’importance qu’il accorde à cette opération, le fabricant a soigneusement préparé le terrain en boutique, n’hésitant pas, comme le raconte un observateur américain, à «verser une prime aux vendeurs pour les deux heures de formation imposées». Au passage, c’est aussi une manière de prendre pied sur le colossal marché de la revente, estimé à plus de 10 milliards d’euros rien qu’aux Etats-Unis.
Déstockage et recyclage. L’opération de reprise a aussi pour objectif de pousser les clients à se rééquiper. «Depuis des années, souligne un expert, les débats sont très animés chez Apple sur les moyens d’aider le client à financer des produits haut de gamme : ils ont peut-être trouvé la solution.» A court terme, ce nouveau service devrait donc permettre d’écouler encore plus rapidement les stocks d’iPhone. A plus longue échéance, il pourrait être le moyen pour Apple de préparer ses clients à franchir un cap technologique. «La nouvelle génération d’appareils qui s’annonce, notamment l’iWatch, risque de fonctionner avec de nouvelles technologies plus puissantes et donc plus onéreuses», prévoit Paul Amsellem, de l’agence marketing Mobile Network Group. Selon lui, Apple prépare l’avenir en mettant en place ce système de financement, qui donnera à ses clients les moyens d’acquérir plus facilement des innovations à des prix élevés.
«Dans ce programme, il y a surtout un circuit de recyclage, qui prévoit de récupérer l’aluminium, le mercure, les batteries, les puces… explique un professionnel. C’est bon pour l’image et, d’un point de vue économique, bien plus efficace que la revente.» Tous ces composants pourraient, en effet, trouver une seconde vie dans le fameux 5C, l’iPhone low cost lui aussi dévoilé par Tim Cook le 10 septembre. Et donc compenser au moins en partie la marge sacrifiée. Autant de raisons de penser que le programme de reprise ne restera pas longtemps confiné aux Etats-Unis.