NEGOCIATIONS SUR LE PROGRAMME NUCLEAIRE IRANIEN A GENEVE
La presse israélienne a rapporté, cette semaine, le déroulé de la session des négociations entre le E3+3 et l’Iran, à Genève, les journaux y consacrant leur « une » ainsi qu’un grand nombre d’articles factuels et de commentaires.
Les responsables israéliens se sont, pour la plupart, gardés de commenter la teneur des négociations ou les déclarations de l’une ou l’autre des parties. Mardi matin, avant le début de la session à Genève, le cabinet de sécurité israélien a toutefois publié une déclaration du cabinet de sécurité dans laquelle il est indiqué qu’Israël ne s’opposait pas à une solution
diplomatique ou à des capacités nucléaires civiles iraniennes, mais qu’il ne fallait pas alléger les sanctions avant d’avoir la certitude que le programme nucléaire militaire iranien soit totalement démantelé.
Lors d’une réunion de la commission parlementaire des Affaires étrangères et de la Défense, le ministre des Affaires stratégiques, Yuval Steinitz, a déclaré qu’Israël suivait la rencontre à Genève « avec espoir et inquiétude. De l’espoir, parce que nous n’avons pas encore fermé la porte à la solution diplomatique (…) De l’inquiétude, parce que nous craignons que Genève 2013 ne se transforme en Munich 1938. L’histoire a déjà connu un accord, encensé par le monde entier, avant de voir éclater une deuxième guerre mondiale, juste un an après. »
Ce scepticisme et cette méfiance vis-à-vis des intentions iraniennes caractérisaient également la majorité des articles factuels et des commentaires de presse. Pour les quotidiens israéliens, le fait que les négociations se soient déroulées en anglais, sous la direction charismatique du ministre iranien des Affaires étrangères Javad Zarif et de son adjoint Abbas Araqchi, n’est que la suite de l’offensive de charme iranienne, qui facilite également la tâche de l’Occident, pressé de conclure un accord.
Si certains commentateurs ont estimé que rien de concret ne sortirait de ces négociations car les Iraniens ne chercheraient qu’à gagner du temps, d’autres ont redouté que l’Occident ne soit encore plus motivé que l’Iran pour parvenir à un accord. Selon eux, l’Occident serait plus préoccupé par l’instabilité globale que par le nucléaire iranien, et désirait ardemment une normalisation des relations avec la République islamique.
COMME UN AIR DE DEJA VU /DR EMILY LANDAU – MAARIV
L’auteure est la directrice du Programme de Sécurité Régionale et de Contrôle des Armes de l’Institut d’Etudes de Sécurité Nationale Les discussions à Genève se sont terminées, avec comme on pouvait s’y attendre, des déclarations optimistes sur la progression des discussions et sur la prévision d’une prochaine rencontre afin d’examiner en détail les différentes propositions évoquées. A part un ton plus détendu et une approche particulièrement positive, aucun contenu significatif n’a été révélé cette fois, que nous n’avions déjà entendu précédemment. Gary Samore, un interlocuteur-clé dans l’administration d’Obama sur la question iranienne, considère qu’il n’y a pas eu de changement particulier dans la proposition iranienne comparée aux propositions précédentes, qui avaient été faites du temps d’Ahmadinejad. Une question essentielle se doit d’être au coeur des négociations avec l’Iran: nous savons pertinemment que l’Iran est disposé à faire des concessions mais la problématique majeure, actuellement, est de savoir si une décision sera prise concernant l’arrêt des activités nucléaires à des fins militaires. La meilleure façon d’appréhender ces négociations est à travers le prisme de l’art des négociations. Tant que nous n’obtenons aucune véritable indication concernant le changement de direction du programme nucléaire iranien et de la décision de l’Iran d’abandonner ses intentions de développer les capacités nucléaires à des fins militaires, l’ensemble des propositions devraient être considérées comme des étapes tactiques de la part des iraniens dans les négociations avec la communauté internationale. Par conséquent, on peut supposer que l’objectif principal de l’Iran dans ces négociations est tout simplement la levée des lourdes sanctions qui pèsent actuellement sur le pays. L’Iran espère obtenir, grâce à un minimum de concessions de son programme nucléaire, un assouplissement maximum des sanctions économiques et financières. L’Iran a probablement réalisé que tactiquement, il est plus efficace de montrer un visage souriant qu’un visage menaçant. Et que dire de la position d’Israël ? Dans le cadre de la stratégie iranienne, si Israël est perçu comme étant le seul à s’opposer avec vigueur au déroulement de ces négociations, il sera facile de balayer ses arguments et de le présenter comme l’unique pays dont les positions ne correspondent pas à celles du reste du monde. Dans ce contexte, il convient de mentionner que les positions d’Israël, telles que présentées par Netanyahu, à New York, il y a quelques semaines, correspondent totalement aux positions des Etats-Unis, y compris concernant la question de l’enrichissement de l’uranium sur le territoire iranien. La frustration d’Israël est compréhensible : il ne peut s’asseoir à la table des négociations avec l’Iran, mais sera celui qui subira certainement le plus de conséquences négatives si jamais un mauvais accord avec l’Iran était conclu. Cela dit, il vaut mieux qu’Israël ne se démarque pas trop des positions de la communauté internationale car il serait encore plus facile pour l’Iran de le pointer du doigt comme un pays aux positions isolées. Israël ferait mieux de relayer ses arguments aux pays faisant partie des négociations par des moyens plus discrets.
DATE DE CLOTURE DES NEGOCIATIONS / DAN MARGALIT – ISRAEL HAYOM
La première partie des négociations entre l’Occident et l’Iran est terminée. Les analystes se précipitent sur les rapports mais il est difficile d’interpréter leur portée. Chaque commentaire est influencé par les inquiétudes propres à chacun. Peut-être que les Iraniens sont anxieux au sujet de leur économie et cherchent un équilibre entre leurs ambitions nucléaires et les exigences occidentales. Mais il est aussi probable que les Iraniens aient une seule idée en tête : gagner du temps. Il n’y a pas de négociations ordinaires. Le temps en lui-même est essentiel. Chaque jour qui passe contribue à aggraver la situation et à affaiblir la position de négociateur de l’Occident. D’abord, il devient plus compliqué d’avoir affaire à l’Iran et d’exiger qu’il cesse de développer sa capacité nucléaire à des fins militaires. Ensuite, laisser s’écouler du temps ébranle la posture des Etats-Unis face aux régimes arabes modérés. Parce qu’ils n’attendent rien d’autres, de la part d’Israël ou de l’Occident, que d’arrêter les ayatollahs.
Comme un des commentateurs l’a formulé à ce sujet, les modérés Sunnites adhèrent au « Bibi-isme », le langage sans équivoque du Premier Ministre Netanyahu. L’Egypte, l’Arabie Saoudite, la Jordanie et les Etats du Golfe comprennent tous, que la menace iranienne, va au-delà d’Israël seul. L’hypothèse du monde entier est qu’Israël constitue une puissance nucléaire. Si l’Iran obtient des armes nucléaires, il préférera dans un premier temps provoquer ses pays voisins et puis seulement ensuite s’en prendre à Israël. Au vu de cette problématique, personne ne comprend la décision d’Obama de limiter l’aide militaire à l’Egypte. Les diplomates de nombreux pays ont assuré qu’il serait plus judicieux pour les Etats-Unis d’annoncer qu’ils poursuivent leur aide même s’ils la réduisent dans les faits, plutôt que d’annoncer une réduction sans la mettre en oeuvre.
Sous ces circonstances, les régimes modérés moyen-orientaux regardent en direction d’Israël et s’intéressent autant que possible à tout article consacré aux entraînements longue-portée de l’armée de l’air Israélienne, et à toutes les déclarations de Netanyahu affirmant qu’Israël ne laissera pas l’Iran se procurer des armes nucléaires. Même s’ils ne sont pas les partenaires idéaux pour les Etats-Unis (ou Israël), ils restent les moins dangereux. Pendant ce temps, les jours passent et les centrales nucléaires continuent de tourner. Les négociations ont été repoussées et reprendront d’ici trois semaines. Mais, c’est le même scénario qui risque à nouveau de se reproduire. A partir de là, Israël doit faire plus que répéter simplement sa mise en garde afin que l’Occident ne cède pas aux tactiques iraniennes. Israël doit aussi exiger une date butoir de fin de négociations, autrement elles n’aboutiront qu’en de simples discussions.
ISRAËL NE VEUT PAS HATER LES NEGOCIATIONS AVEC L’IRAN / AMOS HAREL – HAARETZ
A qui profite le temps ? C’est l’une des questions-clés des pourparlers qui se sont déroulés mardi à Genève entre les six puissances mondiales et l’Iran à propos du programme nucléaire iranien. L’Occident souhaite conclure rapidement un accord avec Téhéran. Cela s’était déjà largement ressenti lors de l’Assemblée générale des Nations Unies le mois dernier et encore plus maintenant que les négociations sur le nucléaire ont repris. Si l’Occident ne parvient pas à trouver un arrangement avec l’Iran, les centrales nucléaires risquent de continuer à tourner à plein régime et l’Iran sera potentiellement encore plus près d’atteindre une pleine capacité nucléaire. La réaction des israéliens à cet argument a quelque chose de surprenant. Bien que les dirigeants israéliens continuent de mettre l’Occident en garde en soulignant que le temps est compté, ils sont toutefois opposés à ce qu’une pression internationale ne soit exercée afin de signer un accord dans les plus brefs délais. Malgré l’inquiétude concernant les progrès nucléaires de l’Iran, Israël estime qu’il est préférable de prendre plus de temps et de bien mener les négociations afin de s’assurer que l’Occident – et par conséquent Israël – ne sorte pas lésé de ces négociations.
Pour les israéliens, seul Téhéran sera bénéficiaire de cet empressement. L’Iran se trouve actuellement dans une situation inconfortable, compte tenu des lourdes sanctions qui pèsent sur le pays. Le nouveau président iranien, Hassan Rohani, a remporté l’élection pour une seule raison : le peuple iranien désire voir les sanctions atténuées et leur situation économique s’améliorer. La pression sur le pays ne pourra continuer que par le biais de sanctions. C’est ce qui permettra à l’Occident d’obtenir de l’Iran de nouvelles concessions. Le désir des Etats-Unis et de l’Europe d’hâter les négociations pour parvenir à un accord rapide rassure les Iraniens, qui se retrouvent, par la même occasion, dans une position de force. Dans une certaine mesure, cela pourrait, peut-être même, les encourager à durcir leur position lors des négociations. Cependant, Netanyahu n’aura pas d’autres choix que d’accepter l’accord conclu. Ce mardi, Netanyahu et le ministre de la Défense, Moshé Yaalon ont à nouveau averti qu’il fallait se méfier de la politique de charme de Rohani. Ils ont réitéré leur demande à l’Occident du maintien des sanctions jusqu’à ce qu’un véritable accord soit conclu.
NOUVELLE TRAHISON TURQUE
La presse israélienne a repris en une ce vendredi les informations révélées dans le Washington Post. D’après le Washington Post, la Turquie aurait communiqué à Téhéran des informations sur un réseau d’espionnage qui travaillerait en Iran en faveur d’Israël. Des responsables politiques israéliens ont indiqué à certains journalistes que cela ne serait pas surprenant de la part des Turcs au vu de la dégradation des relations entre Israël et la Turquie ces dernières années. Une source sécuritaire israélienne non-citée a même appelé à une réévaluation israélo-américaine de la Turquie, qui serait de plus en plus affiliéeà l’Iran. Le ministre des affaires étrangères turc, Ahmet Davutoglu a déclaré pour sa part, ce matin, qu’il s’agissait d’une propagande anti-turque visant à noircir le nom de la Turquie dans le monde.