Extrait de « Letter to an Anti-Zionist Friend », de Martin Luther King. [1]
Tiré de la Lettre de L.D.J (05/2005).
Tu déclares, mon ami, que tu ne hais pas les Juifs, que tu es seulement anti-sioniste. A cela je dis que la vérité sonne du sommet de la haute montagne, que ses échos résonnent dans les vallées vertes de la terre de Dieu : quand des gens critiquent le sionisme, ils pensent Juifs, et ceci est la vérité même de Dieu. L’antisémitisme, la haine envers le peuple juif, a été et reste une tache sur l’âme de l’humanité. Nous sommes pleinement d’accord sur ce point. Alors, sache aussi cela : antisionisme signifie de manière inhérente antisémite, et il en sera toujours ainsi.
Pourquoi en est-il ainsi ? Tu sais que le sionisme n’est rien moins que le rêve et l’idéal du peuple Juif de retourner vivre sur sa propre terre. Le peuple Juif, nous disent les Ecritures, vécut en union florissante sur la Terre sainte, sa patrie. Ils en furent expulsés par le tyran de Rome, les mêmes Romains qui assassinèrent si cruellement Notre Seigneur. Chassé de sa patrie, sa nation en cendres, le peuple Juif fut forcé d’errer sur le globe. Encore et encore, le peuple Juif souffrit aux mains de chaque tyran qui vint à régner sur lui. Le Peuple Noir sait, mon ami, ce que signifie souffrir les tourments de la tyrannie, sous un joug que l’on n’a pas choisi. Nos frères en Afrique ont supplié, plaidé, demandé, exigé la reconnaissance et la réalisation de leur droit naturel à vivre en paix sous leur propre souveraineté, dans leur propre pays. Pour quiconque chérit ce droit inaliénable de toute l’humanité, il devrait être si facile de comprendre, de soutenir le droit du peuple Juif à vivre sur l’antique terre d’Israël. Tous les hommes de bonne volonté se réjouiront de la réalisation de la promesse de Dieu, que son peuple retourne dans la joie sur la terre qui lui a été volée. C’est cela le sionisme, rien de plus, rien de moins.
Et qu’est l’anti-sionisme ? C’est le déni au peuple Juif d’un droit fondamental que nous réclamons à juste titre pour le peuple d’Afrique et accordons librement à toutes les nations de la terre. C’est de la discrimination envers les Juifs, mon ami, parce qu’ils sont Juifs. En un mot, c’est de l’antisémitisme. L’antisémite se réjouit de chaque occasion qui lui est donnée d’exprimer sa malveillance. L’époque a rendu impopulaire, à l’Ouest, de proclamer ouvertement sa haine des Juifs. Ceci étant le cas, l’antisémite doit à chaque fois inventer de nouvelles formes et de nouveaux forums pour son poison. Combien il doit se réjouir de la nouvelle mascarade ! Il ne hait pas les Juifs, il est seulement antisioniste. Mon ami, je ne t’accuse pas d’antisémitisme délibéré. Je sais que tu ressens, comme je le fais, un profond amour pour la vérité et la justice, et une révulsion envers le racisme, les préjugés, la discrimination. Mais je sais qu’on t’a trompé, comme d’autres l’ont été, en te faisant croire que tu pouvais être antisioniste tout en restant fidèle aux principes que nous partageons, toi et moi, du fond du coeur. Que mes paroles sonnent dans les profondeurs de ton âme : quand les gens critiquent le sionisme, ne te trompe pas, ils pensent les Juifs. »
Martin Luther King
[1] Saturday Review – XLVII (août 1967), p. 76 Rééd. In M.L.King Jr, This I believe : selections from the Writings of Dr. Martin Luther King Jr.