logo revue de presseSemaine du 1er au 5 juillet 2013

REGIONAL

LES EVENEMENTS EGYPTIENS TRAITES SOUS L’ANGLE ISRAELIEN
Dès le début des manifestations sur la place Tahrir, la presse israélienne a consacré une place centrale aux événements qui secouaient le voisin du sud de l’État hébreu. Etant donné l’histoire sanglante entre les deux pays, l’importance géopolitique de l’Égypte et les hostilités qui proviennent ces dernières années du Sinaï et de la bande de Gaza, la stabilité intérieure du pays du Nil et le caractère de son régime ont toujours constitué un objet d’intérêt pour Israël.
Au-delà des reportages factuels ou des images diffusées en boucle à la télévision, les médias locaux ont mis l’accent sur plusieurs points spécifiques à Israël : les incidences de ce coup d’État sur la stabilité régionale, notamment dans le Sinaï ; la coopération sécuritaire entre les deux pays ; et les effets éventuels sur le volet palestinien, en particulier sur le Hamas.

Ainsi, les commentateurs notent que, contrairement aux idées reçues, la qualité de la coordination entre les services de sécurité des deux pays s’est maintenue sous Morsi, voire s’est améliorée par rapport à l’ère Moubarak. Contraint par les accords de paix, par les ÉtatsUnis, par son armée et par le besoin de se focaliser sur la politique intérieure du pays, le
régime des Frères a donné main libre à l’armée égyptienne dans la gestion des relations militaires avec Israël, bien que sur un plan politique, les relations bilatérales se soient notablement dégradées.

Les spécialistes israéliens prévoient que cette tendance de resserrement de la coordination militaire se poursuivra. Un officiel israélien serait déjà parti au Caire le lendemain du coup d’État pour se concerter avec les services de renseignements égyptiens à propos de la nouvelle situation. En revanche, l’instabilité politique en Égypte et la mobilisation de son armée pour faire face aux problèmes intérieurs risquent de permettre la création d’un noman’s-land au Sinaï, davantage propice au trafic d’armes et à la perpétration d’attentats terroristes contre Israël.

Le Hamas, considéré comme la branche palestinienne des Frères, a essuyé un coup dur, essentiellement moral, suite au renversement de Morsi et aux arrestations des responsables des Frères. En rupture avec la Syrie depuis deux ans et en mauvais termes avec l’Iran en raison de son soutien à l’insurrection syrienne, l’organisation palestinienne a désormais
perdu une importante base de soutien politique.

D’autre part, puisqu’il n’est plus contraint par les Frères au respect de ses engagements pris à la fin de l’opération Pilier de Défense, le Hamas pourrait reprendre les tirs de roquettes contre Israël, et peut-être tenter de rétablir ses relations avec l’Iran.
A l’exception de l’ancien ministre travailliste Benyamin Ben Eliezer (ami personnel de Hosni Moubarak, qui s’est félicité de la fin du régime islamiste), il n’y a eu aucune réaction officielle israélienne commentant la chute du régime de Morsi. En effet, le Premier ministre Benyamin Netanyahou a ordonné à ses ministres de ne pas s’exprimer, et ce afin de ne pas donner l’apparence d’une ingérence israélienne, tout propos israélien pouvant être instrumentalisé par un camp contre l’autre.

La presse de vendredi rapporte que ce silence israélien est respecté suite à une demande explicite faite par les chefs de l’armée égyptienne. Après la destitution de Morsi, que va-t-il arriver, à votre avis, aux relations israélo-égyptiennes ?
44.7% – il n’y aura aucun changement
24.3% – les relations se dégraderont
9.8% – les relations s’amélioreront
21.2% – NSP

SONDAGE ISRAËL HAYOM, 05/07/13 3
CE N’EST PAS LA DEMOCRATIE / BEN DROR YEMINI – MAARIV
Vous pouvez appeler ça comme vous voulez. Mais pas « démocratie ». Quand les masses se soulèvent et renversent un président élu, ce n’est pas de la démocratie. Quand l’armée, entre (à nouveau) dans le palais présidentiel pour en sortir le président, ce n’est pas de la démocratie. Quand un président élu est capturé et mis en état d’arrestation, ce n’est pas de
la démocratie. [….]
Avec tout le respect dû aux manifestants de la place Tahrir, ils ne sont qu’une foule. Ils ne constituent pas un groupe qui représente l’Égypte. Bien sûr, ils ont de l’influence […]. Mais font-ils ce que le peuple égyptien veut vraiment ? Une fois déjà, ce genre de raisonnement s’est révélé n’être qu’une illusion.
Alors redescendons de notre nuage. Les sondages en Égypte au cours des cinq dernières années indiquent une tendance claire : les Égyptiens deviennent de plus en plus fanatiques.
Il s’agit de l’islamisation, de la sharia, d’exécuter les hérétiques. Alors oui, c’est vrai, c’est très inconfortable d’évoquer ces sondages alors que la majorité des médias occidentaux se réjouissent des événements de la place Tahrir. Comme c’est formidable. On dirait une grande fête… Oui, à l’évidence, c’est ce  que les manifestants recherchent. Ils ont maintenant le vent en poupe. Mais il y a un problème : personne ne sait vraiment ce que veut la majorité des Égyptiens.
Après tout, on connait la chanson. Après tout, nous nous sommes réveillés des illusions de Facebook et la démocratie. Et la vérité sort des instituts de sondage. Le peuple égyptien mérite le redressement du pays, le développement, la sécurité sociale et la prospérité. Les Frères musulmans n’ont pas été au rendez-vous. Mais un an, ce n’est pas assez long pour
déjà tirer des conclusions. Encore moins pour renverser un régime. Parce qu’aucun pouvoir au monde n’aurait pu métamorphoser la situation en un instant. L’Égypte est au bord de la faillite. La loi de la rue ne pourra pas y changer grand-chose. Alors bien sûr, il y a ceux qui se réjouissent – avec raison – de la chute des Frères Musulmans. Mais cette fois, au vu des circonstances, il n’est pas certain du tout qu’il s’agisse d’une bonne nouvelle.

L’Égypte est le pays le plus grand et le plus peuplé du monde arabe. Il a perdu ses acquis et traverse à présent une période de troubles. Du point de vue israélien, nous devrions souhaiter à l’Égypte de se relever rapidement de cette crise. Nous souhaitons un voisin stable et prospère. Hier soir, l’Égypte s’est doté d’une espèce de gouvernement de
transition. Ce n’est pas exactement de la démocratie, mais nous devons lui souhaiter de réussir.

LE HAMAS A MISE SUR MORSI – ET A PERDU / ASSAF GIBOR – MAARIV
L’un des premiers à être lésé par la chute du régime des Frères musulmans égyptiens est le Hamas, que certains ont qualifié par le passé de « branche militaire des Frères ». Il y a deux ans, le Hamas a pris la décision stratégique de miser sur l’alliance avec Morsi et d’abandonner Bachar Al-Assad, qui se battait contre les insurgés syriens. Or, aujourd’hui,
Assad est toujours assis sur son siège à Damas, alors que Morsi a été mis en détention.

Mais il ne faut pas oublier qu’il y a eu également des frictions entre le Hamas et le gouvernement des Frères. Contraint à satisfaire les Américains pour que son pays continue à bénéficier de leur aide financière, Morsi a pris grand soin de ne pas se montrer trop amical envers le Hamas. A plus d’une reprise, le Hamas s’est plaint que c’était justement sous le régime des Frères que la contrebande de marchandises en direction de la bande de Gaza était la plus difficile, l’armée égyptienne luttant contre le trafic via les tunnels. Toutefois, le Premier ministre de Morsi, Hecham Qandil, s’est rendu à Gaza, et il y a eu une coopération entre les deux parties. 

L’armée égyptienne, sous la direction du général Al-Sissi, est considérée comme hostile au Hamas. Quand une délégation de l’organisation palestinienne conduite par Khaled Meshaal  rencontrait Morsi au Caire, Al-Sissi a choisi de ne pas rencontrer ses membres, qu’il avait à plusieurs reprises qualifié de « terroristes ». Ces derniers jours, l’armée égyptienne a déployé des renforts dans le Sinaï pour assurer que les militants du Hamas ne s’infiltrent pas en Égypte pour aider les Frères musulmans. Des tunnels qui n’avaient pas encore été détruits par l’armée ont été celés, et le poste-frontière de Rafa a été fermé. Une pénurie d’essence et des coupures d’électricité ont été enregistrées à Gaza.
Alors que les Frères musulmans ne sont plus au pouvoir en Égypte, l’accord conclu par leur biais entre Israël et le Hamas à la fin de l’opération Pilier de défense est remis en question. Si le Hamas n’a plus rien à perdre du côté de l’Égypte, il est possible qu’il reprenne les tirs de roquettes sur Israël.

CE N’EST PAS FINI / ALEX FISHMAN – YEDIOTH AHRONOTH
Les Frères musulmans se sont-ils rendus ? La réponse est non, pas encore. S’ils estiment, d’ici les prochaines heures, qu’ils peuvent reprendre le pouvoir par la force, alors ils combattront. L’affront de l’armée à leur égard est trop brutal. Le mouvement s’est construit dans les années 80 et s’est effondré en trois jours. Dans ce contexte, difficile de les imaginer reprendre leur train-train quotidien comme si de rien n’était. D’un autre côté, s’ils pensent que la violence risque de les affaiblir pour l’avenir, alors ils contrôleront leurs partisans. Jusqu’à maintenant, ils ont refusé de faire partie du gouvernement de transition.
Al-Sissi est parvenu à les isoler et à instaurer une large coalition, incluant même des islamistes n’étant pas affiliés aux Frères Musulmans. L’armée a fait du très bon travail, se concentrant sur trois axes. Sur le plan politique, ils ont adressé un ultimatum et présenté une feuille de route pour accompagner le régime transitoire jusqu’aux prochaines élections.
Du point de vue des relations publiques, le ministre de la Défense a rassemblé autour de lui les acteurs-clés de la société égyptienne (ils se tenaient derrière lui à la conférence de presse dans laquelle il a annoncé le départ de Morsi). D’une perspective opérationnelle, l’armée a réussi à déployer ses troupes sans violence, à isoler Morsi, à effrayer les responsables des Frères musulmans et à collecter leurs armes.
Ces actions militaires ont fait effet, et détiennent un réel pouvoir de dissuasion. Mais, en ce qui concerne les Frères Musulmans, qui sont persuadés que le pouvoir leur échoit parce qu’une force supérieure les en a doté, ce n’est pas la logique qui détermine les réactions, et les risques de violence n’ont pas disparu.

LE PEUPLE EGYPTIEN S’EST SOULEVE ET A RENVERSE MORSI … OU BIEN S’AGISSAIT-IL DE L’ARMEE? / LISA GOLDMAN – +972
Peut-on faire confiance à l’armée ? Les débordements et les mesures répressives pourraient constituer un « chiffon rouge » pour ceux qui craignent l’instauration d’une dictature militaire en Egypte, mais les Egyptiens les plus libéraux sont pourtant relativement optimistes. Beaucoup ont ressenti – et ressentent encore – que Morsi s’était transformé en
un autocrate démocratiquement élu qu’il fallait éjecter du pouvoir. Et s’il fallait en arriver au point de faire appel à l’armée pour que cela soit fait, et bien, que cela soit.
Ils espèrent maintenant que les élections conduiront un candidat non-islamiste au pouvoir. Mais pour que cela ait lieu, l’opposition doit s’organiser – former des parties, investir des candidats et mettre en place des structures politiques. Or jusqu’à présent, ils n’y sont pas parvenus. C’est la raison pour laquelle les Frères musulmans, qui bénéficient de 85 ans
d’expérience en organisation politique, avaient atteint un score si élevé aux élections. La plupart des analystes redoutent désormais la formation d’une crise. L’Egypte est profondément polarisée. Les Frères Musulmans, qui ont été réprimés et persécutés pendant des années, ont des griefs légitimes : leur parti a été démocratiquement élu, et ils ont été privés de leur mandat d’une manière totalement anti-démocratique. Dans un discours qu’il a prononcé avant d’être renversé, Morsi avait déclaré qu’il donnerait son sang pour l’Egypte.
Espérons qu’il s’agissait seulement d’une métaphore.

Entre temps, subsiste une autre question : comment se fait-il que tant d’analystes égyptiens si précis et si expérimentés se soient autant trompés en évaluant la popularité des Frères Musulmans ? Seul un faible pourcentage parmi les millions de personnes descendues manifester dans les rues ces derniers jours appartenaient à l’élite égyptienne. La plupart
d’entre eux étaient au contraire « le peuple » que Morsi prétendait représenter – la majorité des Egyptiens, conservateurs et religieux. Son électorat de base. Peut-être qu’ils seraient restés loyaux envers Morsi s’ils avaient prospéré sous son mandat. Mais lorsqu’un pays ploie sous le fardeau d’une crise financière majeure, qu’il n’y a pas d’essence pour la voiture et pas d’argent pour acheter à manger, les allégeances politiques changent plutôt rapidement.8
Caricature de Shlomo Cohen dans Israël Hayom

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