Par Christophe Lamfalussy, envoyé spécial dans le Golan

L’État hébreu boucle la construction d’une barrière le long de la frontière avec la Syrie. Israël craint des incursions des jihadistes qui se battent actuellement contre le régime syrien. Et prend ses dispositions.

Barrière electrique

Israël est en train de fermer hermétiquement la frontière de 90 km qui le sépare de la Syrie, sur le plateau du Golan, avec une barrière électrique high tech qui sera prête dans les « prochaines semaines », indique une source militaire.

Ici, au point de passage de Kouneitra, la barrière s’élève déjà des deux côtés et elle s’adosse à l’ancienne, qui était rouillée et facile à franchir. Désormais, quiconque voudra entrer en Israël par le plateau du Golan devra grimper sur des barbelés tranchants comme des rasoirs et sera plus que probablement repéré par le système sophistiqué mis en place par l’armée israélienne comprenant des senseurs, des détecteurs de mouvements et des caméras infrarouges.

La « barrière » du Golan est l’un des derniers chantiers visant à protéger Israël de toute attaque venant de pays voisins – le Liban, l’Egypte et la Syrie – ainsi que de la bande de Gaza ou de certaines zones de Cisjordanie. Le Premier ministre Benjamin Netanyahou l’a comparée, lors d’une visite en Chine, à la Grande muraille, et très peu en Israël remettent en cause son existence tant les Israéliens vivent dans un climat d’insécurité.

À l’écart du conflit syrien

Ce jour de visite, le poste-frontière de Kouneitra, sur le plateau du Golan, est pourtant l’un des plus calmes au monde. Très peu de véhicules le franchissent. Les casques bleus passent avec leurs blindés, sans gilets pare-balles, pour rejoindre la zone démilitarisée du côté syrien.

Le 6 juin, pourtant, des éléments de l’Armée syrienne libre ont tenté de prendre le contrôle du poste syrien, à cent mètres du poste israélien. Une bataille rangée a suivi. Une roquette est tombée sur le camp des Nations unies. L’armée de Bachar al Assad en a repris le contrôle dans la journée. Sur un poste d’observation en hauteur, des habitants du Golan ont filmé les combats. « Nous avons vu que le drapeau syrien a été remplacé par le drapeau des rebelles. Pour ces derniers, Kouneitra était un symbole », relève brièvement un responsable militaire israélien.

L’officier en sait bien plus sur la rébellion syrienne, mais tient à montrer, par la rareté de ses commentaires, qu’Israël veut rester à l’écart du conflit qui déchire le pays voisin. Car Israël craint que le Golan occupé, pris à la Syrie lors de la guerre des Six Jours en 1967, ne devienne le point de départ d’incursions de la part des jihadistes qui tentent de renverser le régime de Bachar al Assad.

« Al Qaeda, les Palestiniens, le Hezbollah… ils sont déjà tous là, l’armée nous l’a dit », explique une représentante du Conseil du Golan. Pour Israël, l’incertitude de la guerre civile syrienne est pire que les quelque quarante années de relative stabilité que le pays a connues avec le régime de Damas. « Notre politique est de ne pas interférer en Syrie, d’aucune façon », souligne Joshua Ben Anat, brigadier général, ancien chef de la force de réserve israélienne et aujourd’hui consultant militaire. « Assad, quelles que soient ses faiblesses, est à la tête d’un État. S’il tombe, notre avenir est plein d’incertitudes. Il est plus simple de gérer un conflit avec Assad, qui a une rationalité, qu’avec de multiples groupes. »

Israël estime que la vraie bataille qui se joue dans le Printemps arabe est le transfert « temporaire » du pouvoir entre des États panarabes, comme la Syrie et l’Irak, vers les États du Golfe, comme l’Arabie Saoudite et le Qatar. « C’est une bataille pour le contrôle du sunnisme, entre le wahhabisme et les Frères musulmans », estime un diplomate israélien à Jérusalem.

En construisant sa barrière électrique au Golan, Israël prend en quelque sorte les devants en cas de chute du leader baasiste syrien. Et de fait, avec la barrière électrique, le seul danger actuel, sur le plateau du Golan, ce sont les roquettes qui tombent en territoire israélien. Elles proviennent en général des rebelles qui s’affrontent à trois divisions d’infanterie de l’armée syrienne. La dernière est tombée le 20 juin, en soirée, non loin du kibboutz El-Rom, sans faire de victimes ni de dégâts.

http://crif.org/fr

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