LE MONDE | 19.06.2013 à 14h37 Par Nathalie Brafman

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Master, grade de master, grade mastère, master ou mastère spécialisé, master en spécialités mais aussi master européen… Difficile de s’y retrouver dans cette jungle. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche est bien décidé à mettre un terme à ce flou organisé. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mène actuellement une enquête académie par académie pour recenser les écoles qui délivrent ces faux masters. Et l’article 42 de la loi sur l’enseignement supérieur et la
recherche, qui doit être votée en juillet, prévoit de sanctionner les écoles privées qui utilisent le terme « master » sans en avoir le droit, avec à la clé une amende de 30 000 euros pour les contrevenants. Le terme « master » sera en effet ajouté à la liste des certificats déjà protégés aux côtés du baccalauréat, de la licence et du doctorat.

De nombreuses écoles privées, aux frais de scolarité élevés, sèment la confusion en utilisant ces dénominations. Et pour les étudiants, leur famille, mais aussi les employeurs, il devient de plus en plus difficile d’identifier la réalité des diplômes, et des titres. « Le label master est suffisamment attractif pour les parents et les étudiants pour que certaines S écoles de commerce n’échappent pas à la tentation d’entretenir une certaine confusion dans l’appellation des diplômes. Or, parfois, ce sont de simples certificats délivrés au nom de l’établissement », notait en février la Cour des comptes dans un rapport intitulé « Les écoles supérieures de commerce et de gestion ».

« INVESTISSEMENTS COLOSSAUX »
En France, le diplôme national de master ne peut être délivré que par un établissement public à caractère scientifique, culturel, c’est-à-dire les universités. Certaines écoles ont le droit de délivrer le « grade de master », à condition qu’elles soient habilitées par un organisme officiel : la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG)
pour les écoles de commerce, ou encore la Commission des titres d’ingénieur (CTI) pour les écoles d’ingénieurs. Enfin, les établissements réunis au sein de la Conférence des grandes écoles (CGE) peuvent délivrer un mastère spécialisé (à bac + 6). « Pour donner cette habilitation, nous prenons en compte certains critères : les programmes, la qualité de la
recherche, l’insertion des diplômés, la politique à l’international… », précise Pierre Aliphat, délégué général de la CGE.
Pour Frank Bournois, président de la CEFDG, il faut aussi que le corps professoral ait un contrat de travail d’au moins quatre jours par semaine dans l’école, que la moitié ait un doctorat et qu’il produise de la recherche
publiée dans des revues reconnues par la communauté scientifique. « Nous accréditons quarante programmes d’écoles pour une durée de deux à six ans. Pour ces écoles, l’exigence pour obtenir le grade de master représente
des investissements colossaux. »
Or, aujourd’hui, il existe une pléthore d’établissements dont l’enseignement n’est peut-être pas mauvais, mais qui font croire que… Pour se convaincre de l’ampleur du phénomène, il suffit de faire un petit exercice très simple :
taper le nom d’une ville plus école de commerce. Résultat : à Annecy, nous avons trouvé l’IPAC, qui propose un cycle M, sous-entendu pour les noninitiés « master », alors qu’il n’en est rien.

JOUER SUR L’AMBIGÜITÉ
Jusqu’à présent, la direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle (DGESIP) n’a jamais recensé toutes les écoles dans l’illégalité. « Ce sont souvent les parents qui, avant de payer les frais d’inscription, nous demandent si le diplôme est reconnu. On leur conseille de vérifier dans le Bulletin officiel, indique-t-on à la DGESIP.
Régulièrement, le ministère tance les contrevenants. Avec la loi, nous aurons une arme pour enclencher un processus, nous allons demander aux recteurs d’envoyer un courrier à ces établissements afin qu’ils seconforment à la loi. » Dans son rapport, la Cour des comptes avait souligné qu' »à ce jour aucune procédure n’a été engagée ». Elle avait même appelé le
ministère à « mettre plus d’ordre et de clarté dans les diplômes d’enseignement supérieur en gestion ».

Certaines écoles sont rentrées dans le rang après intervention du rectorat à l’instar du groupe Ecoles arts et culture (EAC) ou encore l’école de management IFAG. D’autres continuent à jouer sur l’ambiguïté, malgré les rappels à l’ordre du ministère. C’est le cas par exemple de l’Institut supérieur du management public et politique (Ismapp), qui délivre un
grade licence et un grade mastère, des diplômes non reconnus par l’Etat. Une centaine d’écoles, qui n’ont obtenu aucune accréditation, ont adopté une autre stratégie : elles ont rejoint un organisme situé en Suisse, la Fédération européenne des écoles (FEDE) et délivrent des Masters FEDE, c’est-à-dire européens.
« Nous avons été contactés par le rectorat, et nous n’utilisons jamais le terme de « master », car nous n’en avons pas le droit mais celui de Master FEDE, explique Emmanuel Henry, responsable pédagogique de FormAction Institut qui propose un Master européen en management des ressources humaines. Par ailleurs, je préviens mes étudiants que nous ne
délivrons ni un diplôme d’Etat ni un diplôme universitaire. »
Une autre astuce est de revendiquer son inscription au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), un organisme d’Etat. Ainsi, Idelca Business School garantit que ces mastères sont certifiés par l’Etat. Ils valident en effet un niveau d’études à bac + 5, mais qui ne confère pas le grade de master. « Dans ce cas, cette inscription relève du ministère de l’emploi et non du ministère de l’enseignement supérieur », précise M. Bournois. Un seul conseil prévaut : lire le libellé de son bac + 5 en détail.

Nathalie Brafman

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