Rencontre avec le chanteur qui venait de mettre Forest National sens dessus dessous
BRUXELLES À quoi pense Patrick Bruel lorsqu’il sort de scène, après deux heures d’un concert intense, où la communion avec le public n’a fait aucun doute ? Eh bien, on va vous le dire : il se demande à quelle heure il va prendre son train le lendemain pour avoir le temps de voir ses enfants et d’aller à Roland-Garros l’après-midi. Le temps de se faire gentiment materner par son agent (“Patrick, on a dormi quatre heures ces trois derniers jours, tu ne penses pas que ce soir il faudrait se coucher tôt ? ”), le voilà qui s’installe dans un studio de radio caché dans les sous-sols de Forest National.
Il a pris le temps de se changer, de troquer son impeccable costume contre un jeans et un tee-shirt, il a aussi pris le temps de serrer d’innombrables mains, de prendre tout autant de photos. Et toujours avec le sourire. Mais quand la porte se referme, il souffle un grand coup et confie : “Ce qu’il y a de plus dur, c’est après les concerts. Trop de monde. En même temps, c’est normal, les gens viennent te voir, tu leur fais plaisir. Et puis, le concert en lui-même est tellement extraordinaire… Quel moment ! C’est pour des moments comme ça que je fais ce métier, pour des rendez-vous avec les gens. Bruxelles, on sait que ça va être la grande soirée de la tournée. Et c’est la grande soirée, pour l’instant. ”
Votre tournée a débuté mi-mai, vous revenez en décembre : ça risque de bouger, d’être différent ?
“Oui, il y aura peut-être des chansons placées différemment. Mais l’ossature est là, et elle est bien.”
Votre entrée en matière est très cash, très rock, notamment avec des chansons qu’on a l’habitude d’entendre en piano-voix…
“Non, pas Place des grands hommes ni J’m’attendais pas à toi. C’est vrai pour J’te l’dis quand même. J’ai aimé ce petit éclairage Beatles pour commencer. Il faut se renouveler et le public a l’air d’adorer ça.”
À certains moments, on vous sentait presque étonné – après tout ce temps – de la ferveur du public…
“Ben, y’a de quoi, quand même. Ça fait six ans que je n’ai pas fait une grosse tournée comme celle-là. Ce sont des retrouvailles… Je suis surtout étonné d’un truc très étonnant : c’est le retour des quinze-vingt ans. La salle est bourrée d’adolescentes, c’est juste incroyable et ça aussi donne la ferveur et la folie qui fait sauter tout le monde en l’air. Et on a, quand même, une qualité d’écoute.”
Le dernier album est sorti en novembre et le public connaît tout par cœur !
“Ça aussi, c’est étonnant. Je pense que ça n’était pas arrivé depuis l’album Juste avant.”
Ça tient à quoi ?
“Ça veut dire que les gens adorent l’album et adorent les chansons. C’est mon meilleur album, maintenant j’en suis sûr. D’habitude, on dit ça en promo au moment de la sortie et puis, sept ou huit mois plus tard, en tournée, on se rend compte qu’il y a une faiblesse totale dans les titres. Mais là, non !”
Vous en faites combien de titres, dans ce concert ?
“Je n’ai pas compté, mais il y en a très peu que je ne fais pas. Je vais les alterner, je pense. Mais elles ont toutes leur place. Même Alfred, qui est dans la version bonus de l’album.”
Vous embrouillez aussi votre public en disant que vous n’allez pas faire certains titres… que vous faites !
“C’est rigolo, non ? C’est mon petit moment de liberté, je m’offre le plaisir de déconner, tous les soirs.”
Vous improvisez beaucoup ?
“Non, mais je fais ce que je veux. Ce soir, j’ai fait Le métèque, de Moustaki. Mais la veille, c’était Votre fille a vingt ans.”
Sur Maux d’enfants, puisque La Fouine n’était pas avec vous sur scène, vous avez assuré la partie en rap…
“Et pourquoi pas ? C’est possible parce que je travaille, parce que je sais le faire, parce que j’ai grandi autant avec Musset, Chopin… et le rap. J’ai toujours été proche du hip-hop. Du moment que ça ne choque pas les gens, qu’ils sont contents, je le suis aussi. Mais je compte progresser sur le hip-hop, je vais le ramener plus à moi, à ma personnalité.”
On vous a senti très ému quand vous avez évoqué Guy Carcassonne, décédé il y a quelques jours à peine. C’était un peu un père, pour vous…
“La chose à laquelle je pense, quand je chante cette chanson-là, c’est à la finir sans pleurer. J’essaie de ne pas trop mettre d’images dessus, sinon je ne tiens pas. C’est un des plus gros chagrins de ma vie… Mais je suis sur scène parce que la vie continue et qu’il aurait voulu qu’on se marre. Lundi, il y aura son oraison funèbre, qu’il a écrite lui-même ! Il dira qu’on a intérêt à ne pas pleurer et à faire les cons. Ça fait partie des choses qui nous bousculent.”
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En concert à Forest National le 7 juin (sold out) et le 4 décembre. Réservations : 0900/00.456 et c-live.be
Interview > Isabelle Monnart
http://www.juif.org/go-news-186450.php