L’ambitieux projet de couvrir Israël de voitures électriques vient de s’écrouler. À qui la faute ?
L’humanité ne sera pas libérée de la dépendance envers le pétrole grâce à Better Place. Cette entreprise israélienne de rechargement de voitures électriques, par des batteries amovibles, a été mise en faillite dimanche dernier. Depuis, les médias israéliens racontent comment le rêve de son inventeur, Shai Agassi, le surdoué du high-tech, s’est transformé en cauchemar financier. Tout avait bien commencé avec le parrainage du président Shimon Pérès. Vinrent ensuite les investissements de la première fortune d’Israël, la famille Ofer, à la tête d’Israel Corp, le plus grand consortium du pays, puis l’alliance avec le constructeur français Renault. Mais après la mise en place en Israël de 1 804 bornes de rechargement en électricité et de 38 stations de changement de batteries, les dettes se sont accumulées – 812 millions de dollars sur cinq ans, dont 454 millions pour la seule année 2012 -, conduisant au limogeage d’Agassi de son poste de P-DG.
Les tentatives de ces dernières semaines pour trouver de nouveaux actionnaires se sont soldées par un échec et ce fut l’annonce de la banqueroute. Tout est raconté jour après jour par le menu, avec, comme dernier développement en date, la procédure de liquidation entamée sur décision de la justice israélienne. Les juges ont privilégié deux axes : le licenciement de la plupart des 320 employés « pour permettre une diminution draconienne des dépenses » et la poursuite, du moins pendant quelque temps, des services à la clientèle. Une mesure destinée à calmer le millier d’acheteurs israéliens de Fluence ZE, la voiture électrique. Ce mardi, lors des débats au tribunal de district de Tel-Aviv, il n’y avait pas seulement le nouveau P-DG de Better Place et ses avocats, mais les représentants des employés et des multiples créanciers, dont Renault qui réclamerait 65 millions d’euros (lire notre article). Également dans la salle, des clients anxieux de ne pas savoir à quelle sauce ils allaient être mangés, entre perte financière sèche et voiture inutilisable par manque de points de rechargement et de stations de remplacement des batteries amovibles.Carlos Ghosn pointé du doigt
En attendant les conclusions des deux liquidateurs nommés par la cour, la question est sur toutes les lèvres : à qui la faute ? Sous le titre « Qui a tué Better Place », Mamon, le supplément économique duYediot Aharonot, désigne les principaux responsables. À commencer par Shai Agassi, « qui n’a pas su transformer son invention en succès public tout en accumulant les décisions erronées dans la gestion de la compagnie ». Également pointé du doigt, Carlos Ghosn, P-DG de Renault, accusé de « retards dans la livraison des véhicules électriques » et de n’avoir pas tenu « ses engagements techniques : à savoir une autonomie de batterie de 160 à 180 km, alors qu’elle ne permettait d’effectuer, sans rechargement, qu’un trajet de 120 km ». Autre accusé : le gouvernement israélien. Au-delà d’effets d’annonce, il n’a apporté aucun soutien financier, ne serait-ce qu’en matière d’allègement fiscal pour les acheteurs de voitures et la société elle-même.
Dans un post sur Facebook, et signé (précaution ?) par sa compagne, Shai Agassi affirme qu’en cinq ans d’existence Better Place a payé en impôts de toutes sortes la coquette somme de 750 millions de shekels (158 millions d’euros). Enfin, il y a les Israéliens eux-mêmes qui n’ont été intéressés ni par le projet écolo ni par cette technologie du futur. À ce sujet, la presse israélienne fait dans l’anecdote. Il y a quelques mois, Bar Rafaeli, le super top model israélien, dont la beauté et un esprit volontiers frondeur font régulièrement les gros titres de la presse people, a eu envie de s’aligner sur d’autres célébrités locales qui s’étaient offert la Fluence ZE. Mais quand la « gloire nationale » s’est aperçue qu’il s’agissait d’une technologie complexe, elle s’est rabattue sur un gros 4×4, nocif pour l’environnement.
De DANIÈLE KRIEGEL pour lePoint.fr