«וְהָיָה חֶבֶל, לִשְׁאֵרִית בֵּית יְהוּדָה–עֲלֵיהֶם יִרְעוּן: בְּבָתֵּי אַשְׁקְלוֹן, בָּעֶרֶב יִרְבָּצוּן–כִּי יִפְקְדֵם יְהוָה אֱלֹהֵיהֶם, וְשָׁב שבותם (שְׁבִיתָם)».
«Ce district va échoir aux survivants de la maison de Juda, pour y faire paître (leur bétail) et, le soir venu, gîter dans les demeures d’Ashkelon, car l’Eternel, leur Dieu, se souviendra d’eux, et les ramènera de captivité» (Sophonie 2, 7).
La ville où j’habite en Israël, Ashkelon, avec toute la région du Sud, fait à l’heure actuelle l’objet de tirs de roquettes depuis Gaza. C’est donc tout naturellement que je vais commencer la découverte des villes et villages d’Israël par cette ville, ma ville, considérée comme l’une des plus antiques cités au monde mais aujourd’hui, dynamique, pleine de promesse et ouverte sur l’avenir.
Le sycomore d’Ashkelon, symbole d’une résurrection
En Israël, il n’est de vraie prophétie qui ne trouve point sa réalisation. Située sur l’axe reliant le nord de l’Egypte ancienne vers la Phénicie, l’Assyrie et la Mésopotamie (Via Maris), Ashkelon, considérée comme la plus antique cité au monde (*1), à plusieurs reprises saccagée et détruite, est aujourd’hui, selon l’ancienne mais si vivante parole du prophète Sophonie (2, 7) une ville en plein essor, caractérisée par son riche potentiel touristique et économique. En effet, station balnéaire au renom sans cesse croissant, cette perle du sud d’Israël peut s’enorgueillir de vastes espaces verdoyants, d’un climat favorable, les vents du désert atténuant la lourde humidité et surtout d’un littoral de sable fin s’étendant sur près de douze kilomètres de long avec au Nord la marina et son port de plaisance international. De plus, si la ville comptait à peine 60 000 habitants en 1989, il s’y est depuis produit une véritable explosion démographique grâce à une alyah francophone de Juifs originaires de France et de Tunisie qui choisissent Ashkelon en raison de son charme particulier et de sa beauté naturelle; mais surtout, grâce à l’alyah des communautés russe et éthiopienne et dans une moindre mesure celles du Yémen, d’Argentine et d’Iran, augmentant de plus du double la population – 122 000 habitants – en vingt ans. Toutes ces communautés concrétisant le vieux rêve de retour des exilés («Kibboutz Galouyot» (*2) se côtoient quotidiennement et vivent en bonne entente s’enrichissant dans le respect mutuel de leurs différences ethniques et sociales. La singularité d’Ashkelon réside également dans son orientation culturelle et éducative basée sur un judicieux système éducatif tolérant, d’une université compétitive, d’un somptueux palais de la Culture et d’un Centre de Congrès international. En outre, le respect de l’environnement, la qualité de vie et la pépinière de haute-technologie, «Silicon Valley» du Sud d’Israël constituent le fer de lance d’Ashkelon, faisant de cette ville plusieurs fois millénaire un pôle d’attraction incontournable. Si le site antique de Tel Ashkelon, entretenu désormais par l’Organisme national de Protection de la nature, reste désertique, la nouvelle ville témoigne de la profonde et farouche volonté du peuple juif, qui, mû par une vive créativité et un esprit d’initiative peu commun, a réussi à relever l’ultime défi de ressusciter de ses cendres une présence juive plusieurs fois anéantie. Il n’est point de progrès (Qidma (קִדְמָה) – hitqadmout (הִתְקַדְּמוּת) sans un retour aux racines du passé (Qedem (קֶדֶם) et une réflexion sur l’alliance de D.ieu («Qadmono shel Olam» (קַדְּמוֹנוֹ שֶׁל עוֹלָם) et la marche de l’histoire qui s’y rattache. L’un des symboles marquant le lien étroit entre le passé, le présent et l’avenir est le sycomore- «Shiqma» (שִׁקְּמָה) – dont la traduction en hébreu signifie «rétablissement», «restauration» (שִׁקּוּם). La ville, fière de ses arbres séculaires et consciente de leur valeur écologique mais aussi historique, s’efforce de les conserver comme emblème de sa résurrection des sables (*3). Ironie de l’histoire: ces sycomores – ceux-là même qui «contemplèrent» la souffrance d’Israël – scrutent à présent la renaissance de ce petit peuple tenace, survivant des grandes civilisations antiques, véritables puissances internationales, qui ayant connu leur heure de gloire, mues par l’ambition d’agrandir leur espace vital économique tout en négligeant leurs problèmes éthiques et moraux, ont toutes sombré dans le silence des siècles. Le Premier ministre d’Israël, Ben Gourion, disait: «il n’y a pas plus important qu’un vieil eucalyptus, qu’un vieux sycomore ou qu’une forêt de chênes. Ils sont les racines de l’homme… Un arbre centenaire est irremplaçable… (Le déraciner) ne serait pas seulement du vandalisme mais surtout un ébranlement du futur. Il se trouvera toujours quelques «bonnes» raisons susceptibles de conduire à la déprédation (de ces arbres) dû à une ligne électrique ou un rond-point…» (*4).
Les Juifs à Ashkelon
Dès le début de l’ère courante, la communauté juive d’Ashqelon établie depuis déjà quelques générations, forte de 2500 Juifs, est totalement exterminée par l’armée conquérante de Titus, ainsi que l’atteste Flavius Josèphe (+37 à +100), historien juif rallié à la cause romaine, et ce, avant même que n’explose la première guerre judéo-romaine (66-73). Cependant, il semble que cette communauté juive ait pu se reconstituer dès le début de l’époque byzantine, (4e siècle). Puis au septième siècle, les Musulmans conquièrent la cité et font de cette dernière la première ville fortifiée d’Israël à partir de l’Égypte, en la ceinturant de fortifications. Au cours de la Première Croisade (1099), Godefroy de Bouillon, chevalier franc appelé à devenir le premier souverain chrétien de Jérusalem, entreprend le premier siège d’Ashkelon (12 août 1099) qui tombe aux mains des Croisés après la cuisante défaite de l’armée d’Al-Afdhal, vizir fatimide d’Egypte. Cependant, en l’an 1187, consécutivement à l’intégration d’Ashkelon au royaume de Jérusalem par Baudouin III, les Croisés se soumettent à Saladin dont l’ambition de faire capituler les Francs l’amène à unir le monde musulman (Egypte et Syrie) en appelant au «Djihad» (guerre sainte). En 1191, les troupes de Richard Cœur de Lion s’emparent d’Ashkelon qui, une nouvelle fois frappée par Saladin, retourne à ses ruines, jusqu’au jour où Richard McCornwell, frère du roi d’Angleterre, décide de s’en emparer et de la reconstruire (1241). En 1270, le sultan mamelouk Baybars dévaste définitivement Ashkelon qui retourne aux sables.
Le 15 mai 1948, lors de la guerre d’Indépendance, les troupes égyptiennes envahissent le jeune Etat d’Israël et reçoivent l’ordre de marcher sur Tel-Aviv. Elles atteignent Majdal (24 mai 1948), village datant de l’époque ottomane (1516-1918). De durs combats opposent, alors, les forces de l’armée israélienne, Tsahal, à celles d’Égypte à l’issue desquels Majdal est libérée lors de l’opération Yoav. La population arabe, dans sa grande majorité, décide de prendre la fuite. En 1951, Majdal, devenue Migdal-Ashkelon, passe de l’état de village agricole à celui de ville et élit son premier maire Eliezer Milrod, qui, en collaboration avec la Histadrout d’Afrique du Sud, construit le premier quartier Afridar (Africa-darom-Afrique du sud). En 1953, la ville est finalement nommée Ashkelon.
(Panoramique d’Ashkelon: Wikipédia)
La difficulté de vivre sous une «pluie» de missiles Grad et Fager, et de roquettes Kassam, alors qu’Israël entreprend une opération militaire de grande envergure, («Plomb Durci» (déc. 2008-janvier 2009) et «Pilier de Défense» (Novembre 2012) n’entame en rien le courage et l’optimisme des habitants, confiants, plus que jamais, en la promesse divine sans appel:
«כִּי אֶת־כָּל־הָאָרֶץ אֲשֶׁר־אַתָּה רֹאֶה לְךָ אֶתְּנֶנָּה וּלְזַרְעֲךָ עַד־עֹולָם׃ … קוּם הִתְהַלֵּךְ בָּאָרֶץ לְאָרְכָּהּ וּלְרָחְבָּהּ כִּי לְךָ אֶתְּנֶנָּה׃» (בראשית י”ג, ט”ו-י”ז).
«Car je te donnerai, et à ta postérité pour jamais, tout le pays que tu vois… Lève-toi donc, [et] te promène dans le pays, en sa longueur et en sa largeur; car je te le donnerai.» (Gen. 13, 15-17)
(הָאָרֶץ, אֲשֶׁר עָבַרְנוּ בָהּ לָתוּר אֹתָהּ–טוֹבָה הָאָרֶץ, מְאֹד מְאֹד» (במדבר יד, ז-ח »
«Le pays que nous avons parcouru pour l’explorer, ce pays est excellent» (Nombres 14, 7-8).
(*1) Des fouilles archéologiques témoignent qu’à l’époque néolithique (- 10 000 ans) un centre urbain y avait été érigé. La plus vieille porte de ville du monde, en forme d’arc (-2000) vient d’être rénovée et est accessible aux visiteurs du parc national.
Les lettres de Tell-Amarna, correspondance diplomatique rédigée en akkadien cunéiforme (-1369 -1353) font mention du premier maire d’Ashkelon, dénommé Yidia.
Merenptah, successeur de Ramsès II (-1250) fit graver à sa gloire la Stèle de la Victoire (ou Stèle d’Israël) et celle de Karnak où est mentionné le nom d’Ashkelon: «Ashqelon est emmenée… Israël est détruite».
Ashkelon est une des cinq cités philistines (- 12e siècle) apparaissant dans la source biblique: «…Les cinq principautés philistines de Gaza, d’Ashdod, d’Ashkelon, de Gath et d’Eqron» (Jos. 13, 3). Toutes ces villes, y compris Ashkelon, sont dénommées dans l’élégie de David pleurant la mort de Saül et de Jonathan « les filles de impurs» (Samuel II 1, 20).
Le directeur du Musée sémitique de Harvard, le professeur Lawrence Stager qui, à partir de 1985, mena l’expédition Léon Levy, mit à jour sur une profondeur de 15 mètres les stratifications successives des différentes civilisations qui occupèrent Ashkelon: cananéenne, philistine, phénicienne, iranienne, hellénistique, romaine, byzantine, islamique et traces de l’occupation des Croisades.
(*2) «En ce temps, je vous ramènerai, en ce temps je vous rassemblerai, car je veux faire éclater votre renommée et votre gloire parmi toutes les nations de la terre, en ramenant vos captifs, sous vos propres yeux, dit l’Eternel» (Soph. 3, 20).
(*3) Le prophète Amos de Tekoa (Monts de Judée) a pour métier d’être inciseur de figues produites par les Sycomores:
» וַיַּעַן עָמוֹס, וַיֹּאמֶר אֶל-אֲמַצְיָה, לֹא-נָבִיא אָנֹכִי, וְלֹא בֶן-נָבִיא אָנֹכִי: כִּי-בוֹקֵר אָנֹכִי, וּבוֹלֵס שִׁקְמִים «
«Je (Amos) ne suis, dit-il, ni prophète ni fils de prophète, je suis un simple pâtre et un pinceur de sycomores» (Amos 7, 14).
(*4) Extrait du discours prononcé à la Knesset le 17 décembre 1962 au sujet de la proposition de la loi sur la protection des parcs et réserves naturelles.
Haim Ouizemann