argent-billet_paysage360François Hollande a choisi de préserver le symbole de la taxe à 75% sur les plus riches en ponctionnant directement les entreprises mais beaucoup de contribuables potentiels risquent d’y échapper, selon les spécialistes de la fiscalité.

La première mouture de la taxe à 75%, rejetée par le Conseil constitutionnel en décembre, puis jugée confiscatoire par le Conseil d’Etat, incluait tous les revenus d’activité et pas uniquement les salaires, ce qui laissait dans son champ d’application les sportifs, artistes ou professions libérales.

Mais dans son intervention sur France 2, le président, qui avait fait de cette taxe un des marqueurs de sa campagne électorale victorieuse, a semblé épargner ces derniers.

« L’assemblée générale des actionnaires sera consultée sur les rémunérations et, lorsqu’elles dépassent un million d’euros, l’entreprise aura une contribution à payer qui, toutes impositions confondues, atteindra 75% », a-t-il expliqué.

En l’absence de précisions par le gouvernement, les interprétations de la parole présidentielle vont bon train et, pour l’avocat fiscaliste Philippe Drouillot du cabinet Lexcase, beaucoup de contribuables échapperont à la taxe.

« Quand vous êtes artiste, sportif ou indépendant, quand vous n’êtes pas dirigeant d’une entreprise ou salarié, mais que vous avez une activité qui est portée par vous, a priori, vous échapperez à cette taxe de 75%, » indique l’avocat.

« Aujourd’hui, ça restreint beaucoup le champ d’application de la mesure », estime-t-il.

Pour Laurence Parisot, cette nouvelle disposition est discriminatoire et constitue un « marqueur anti-entreprises ».

« Que va-t-il se passer pour les plus fortunés des Français qui ne travaillent pas dans des entreprises, qui sont artistes, professions libérales? », a demandé vendredi la patronne sortante du Medef au micro de France Info.

La question de la taxation des artistes a été mise en exergue par la décision de l’acteur Gérard Depardieu de quitter la France pour la Belgique, où le fisc est plus clément pour les grosses fortunes.

« LA PHILOSOPHIE RESTE LA MÊME »

Dans les milieux sportifs, des voix se sont aussi élevées contre la taxe à 75% pour les footballeurs, jugeant que les clubs français seraient soumis à un désavantage compétitif pour recruter des stars comme l’attaquant du Paris Saint-Germain Zlatan Ibrahimovic et ses 14 millions d’euros net par an.

Dans l’attente de précisions sur la nouvelle taxe, l’entourage du président assure que « la philosophie reste la même » et qu’artistes et sportifs devraient être concernés.

On ajoute aussi qu’après l’avis du Conseil d’Etat, François Hollande aurait pu faire un autre choix, en limitant la taxation à 66,6% au lieu de 75% s’il avait persisté à cibler directement les contribuables plutôt que les entreprises.

En tenant compte des arguments du Conseil constitutionnel, le président aurait sans doute dû aussi relever le seuil de l’imposition à deux millions, afin de tenir compte des couples dont les revenus mis en commun sont supérieurs à un million d’euros sans atteindre cette somme individuellement.

Or, l’objectif du président est de décourager les entreprises d’accorder des rémunérations jugées indécentes en période de crise durement ressentie.

« L’idée est de faire cesser ce type de comportement. Là, les entreprises peuvent toujours le faire mais elles auront un mécanisme hautement dissuasif en face d’elles », juge un conseiller de François Hollande.

« TRÈS FACILE À CONTOURNER »

Les estimations faites sur le premier projet de taxe envisageaient jusqu’à quelques milliers de contribuables concernés mais, en excluant les revenus d’activités autres que les salaires, son rendement pourrait être moindre que les 200 millions annuels précédemment envisagés.

Pour l’économiste Thomas Piketty, le nombre de personnes concernées « sera très faible en France » et la mesure « très facile à contourner ».

« Sans doute il y a des formes de rémunérations, de stock options, qui ne seront pas soumises », indique l’universitaire de gauche qui s’est fait depuis de nombreuses années l’avocat d’une « révolution fiscale » caressée un temps par François Hollande avant d’être abandonnée pour l’instant.

Cette taxe ne devant être en vigueur que pour deux années, certains s’interrogent aussi sur la capacité qu’auront les entreprises à suspendre ou décaler les rémunérations durant les deux prochaines années fiscales.

D’autres questions se posent aussi, comme celle de savoir si les filiales étrangères des groupes français seront touchées.

En effet, le spectre de cette taxe pourrait encourager un mouvement déjà en cours, à savoir la délocalisation des postes de direction hors de France, notamment pour les banques pour lesquelles Londres est à trois heures de train de Paris.

« Ce n’est pas en taxant les hauts revenus, ce qui fera fuir les managers et les états-majors des grandes entreprises, que nous rendrons la France plus compétitive », a réagi l’association d’entrepreneurs Croissance Plus dans un communiqué.

Avec service France, édité par Yves Clarisse

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