Tous les pays ont leurs clubs de foot, et leurs hooligans assez démonstratifs, par leur violence et leurs propos souvent racistes : Israël aussi.
Mais Arcadi Gaydamak en a vu d’autres. Le propriétaire du club de football Beitar Jerusalem et ancien candidat à la mairie de Jérusalem, a prévu de faire venir dans son club deux joueurs musulmans de Tchétchénie, venus du club Grozny Terek.
Gaydamak a été pour cela insulté par les supporters radicaux lors du match Beitar Jérusalem contre Bnei Yehuda Tel Aviv au Stade Teddy à Jérusalem samedi dernier, qu ont tenu une pancarte sur laquelle était écrit : « Le Beitar sera pur pour toujours ».
Pour autant, Gaydamak n’a pas l’intention de reculer. Zaur Sadayev, 23 ans, et Gabriel Kadiev, 19 ans, devraient donc prochainement rejoindre la célèbre équipe de Jérusalem. Le milliardaire russo-israélien a l’intention de mettre fin aux excès racistes d’une partie des supporters.
Dans une interview pour le quotidien israélien Yediot Aharonot, à la question de savoir si les joueurs musulmans de Tchtchénie intègreront le Beitar il répond : « Absolument. Les deux joueurs de Tchétchénie viennent au Beitar. En ce qui me concerne, il n’y a pas de différence entre un joueur juif et un joueur musulman. »
En plus d’être un homme d’affaires célèbre, Gaydamak a aussi de l’expérience en politique. Loin de nier les tensions qui existent entre musulmans et juifs ou Arabes et Juifs, il affirme néanmoins « Nous devons regarder les choses de façon professionnelle, nous devons les traiter gentiment et de façon équitable. Il y a toujours eu de bonnes relations entre les musulmans et les Juifs en Russie et dans le Caucase. »
Et d’ajouter : « En ce qui me concerne, ce qu’apportent les joueurs en Israël est la meilleure réponse au comportement des supporters. […] Notre équipe a besoin de renforts.
Et malgré les protestations des supporters qui n’apprécient pas cette démarche, comte tenu du fait que les joueurs israéliens et juifs ne sont pas acceptés dans les équipes arabo-musulmanes, Gaydamak insiste et évoque le rôle unificateur et fraternel de Jérusalem : « Je tiens à rappeler à tous que Jérusalem est la capitale symbolique de la fraternité entre tous les peuples, il n’y a donc aucune raison pour que les juifs et les musulmans ne vivent pas en paix, en particulier dans une équipe de football. »
« Je peux dire que la meilleure réponse à tous ceux qui protestent est d’amener les joueurs ici. Ces supporters sont probablement en train de créer un conflit, mais nous allons lutter contre ce phénomène. Jusqu’à présent il n’y avait pas de musulmans au Beitar, mais il y a certainement de la place pour eux. »
Entre-temps, l’entraîneur du Beitar Elie Cohen a lâché un lapsus peu apprécié par tous en indiquant qu’il y avait une différence entre les musulmans européens et ceux du Moyen-Orient. « Je ne comprends pas les fans ne veulent pas voir un joueur musulman au Beitar, » a-t-il dit. « Il y a un milliard de musulmans dans le monde et nous devons apprendre à vivre avec eux. Il y a une différence entre un musulman européen et un Arabe musulman, et les fans ici ont un problème avec les Arabes qui vivent au Moyen-Orient. » Avant d’ajouter : « Je ne savais même pas que les joueurs étaient musulmans. Je comprends le problème mais j’espère qu’avec l’aide du conseil d’administration, nous ferons ce qui doit être fait. »
Quand le football devient politique. Pour certains fans, le conflit d’Israël avec les Arabes au Moyen-Orient justifient leur position et pour de certains supporters, il est hors de question qu’un joueur musulman porte le maillot du Betar Jérusalem. Le Yediot Aharonot rapporte le propos d’un supporter extrême : « Il faudra passer sur mon cadavre. Nous ne l’accepterons pas. Chaque seconde où ils seront sur le terrain, nous allons les rendre fous jusqu’à ce qu’ils demandent à partir. »
Dans le passé des joueurs musulmans ont déjà porté l’uniforme du Beitar : Viktor Pacha d’Albanie et le défenseur nigérian Ibrahim Nadala qui a finalement quitté l’équipe après avoir été harcelé verbalement par les supporters.
Gaydamak réussira-t-il à changer les choses cette fois-ci ?
Misha Uzan – JForum / Correspondant spécial