Semaine du 25 au 30 novembre 2012
Le vote de l’ONU qui a octroyé dans la nuit de jeudi à vendredi un statut d’Etat observateur non-membre à l’Autorité palestinienne a suscité de nombreux commentaires dans la presse tout au long de la semaine (les résultats étant plus ou moins connus d’avance). La coïncidence de la date choisie par le président de l’AP n’échappe pas aux médias. En effet, le 29 novembre 1947, la même institution internationale votait un plan de partition de la Palestine mandataire prévoyant l’établissement d’un Etat juif et d’un Etat arabe.
Les résultats n’ont surpris personne. Par une majorité écrasante de 138 contre 9 et 41 abstentions, la résolution a été adoptée. En Occident, seuls les États-Unis, le Canada et la République tchèque ont voté avec Israël, contre l’adoption de la demande palestinienne. La plupart des pays européens dont la France ont voté pour. L’Allemagne et la Grande-Bretagne se sont abstenues.
L’’abstention allemande et le soutien italien à la résolution ont beaucoup déçu la diplomatie israélienne, qui comptait sur leurs promesses faites au début de la semaine. Les responsables allemands ont expliqué à leurs homologues israéliens le sens de leur abstention, indiquant que ce ne sont pas seulement les Palestiniens qui prennent des mesures unilatérales mais également Israël, en construisant sans cesse dans les colonies contrairement à ses engagements internationaux.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a ouvert son discours précédent le vote par des propos virulents contre Israël, l’accusant d’être un « État d’apartheid » et de procéder à un « nettoyage ethnique » dans les Territoires occupés. Il a néanmoins laissé la place à la réconciliation, déclarant que les Palestiniens « ne cherchaient pas à nier à Israël la légitimité de son existence ».
Dans un communiqué virulent lui aussi, le Premier ministre Binyamin Netanyahu a réagi violemment au discours du président Abbas, le qualifiant de « discours haineux, dégoulinant, venimeux, et chargé de propagande mensongère contre Tsahal et les Israéliens ; ce n’est pas ainsi que s’exprime un homme cherchant la paix ».
Après avoir menacé d’imposer à l’Autorité palestinienne de lourdes sanctions en cas de démarche unilatérale à l’Onu, le gouvernement israélien, notent les médias, tente à présent de minimiser la portée d’un succès palestinien qu’elle considère comme symbolique uniquement.
Comment expliquer la « retenue » dont font preuve le Premier ministre Binyamin Nétanyahou et son ministre des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, alors qu’ils avaient menacé de « punir sévèrement » Mahmoud Abbas ? « C’est qu’au vu du soutien quasi-inconditionnel apporté par la Maison Blanche à l’opération « Pilier de Défense, Nétanyahou a préféré ne pas froisser le président Obama et qu’à la veille des législatives israéliennes, le Premier ministre ne veut pas faire de remous sur le dossier palestinien », écrit le Maariv.
Le même quotidien révèle par ailleurs que le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, aurait refusé de suspendre sa demande en échange d’une reprise des pourparlers avec Israël au lendemain des législatives anticipées. Le message israélien, indique le journal, aurait été transmis aux Palestiniens par un proche conseiller de Nétanyahou via l’Elysée et la Maison Blanche.
La presse de ce vendredi fait état de certaines mesures anti-palestiniennes qu’Israël pourrait prendre néanmoins, dont l’invalidation des laissez-passer « VIP » des responsables palestiniens et le gel du transfert de recettes fiscales qu’Israël collecte en faveur de l’Autorité palestinienne. Des gels semblables mais courts avaient été pratiqués à plusieurs reprises par le passé, mais cette fois-ci, note la presse, il pourrait être définitif.
Au sein de la classe politique, les partis situés à gauche du Likoud ont fait porter au gouvernement la responsabilité de cet échec diplomatique. Selon l’ancienne ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, qui se présente aux élections à la tête d’une nouvelle formation centriste, ce vote qui constitue « un attentat stratégique » contre Israël est le résultat de l’inaction du gouvernement dans le processus de paix.
Une reconnaissance qui contourne la paix / Ben Dror Yémini – Maariv
Il semble que cette fois soit la bonne. L’Autorité palestinienne va être reconnue en tant qu’Etat non-membre à l’ONU. Un événement qui intervient 64 ans après le rejet du plan de partition par l’ensemble du monde arabe, y compris par la représentation palestinienne. 64 années de conflit inutile, conséquence directe du refus arabe.
Cette reconnaissance marque-t-elle un tournant ? Espérons-le. Les Palestiniens ne s’adressent pas à l’ONU our promouvoir le processus de paix mais pour le contourner. Car le processus politique nécessite des concessions.
Lors du dernier cycle de pourparlers, sous l’ère Olmert et Livni, des progrès substantiels ont été enregistrés. Mais au moment fatidique, Abbas a été pris de panique. Il a été incapable de répondre favorablement à la « meilleure proposition qu’Israël n’ait jamais faite », selon les termes de Condoleezza Rice. Une proposition meilleure encore que celle formulée par Clinton et rejetée par Arafat, vraisemblablement encouragé par Abou-Mazen (Abbas).
Les critiques faites à Nétanyahou sur son inaction dans le processus de paix son justifiées.
Mais comment oublier qu’il a non seulement évoqué la solution des « deux Etats » mais aussi qu’il a joint l’acte à la parole en gelant la colonisation pendant 10 mois. Les Palestiniens avaient alors l’occasion de reprendre les négociations. Pourtant, c’est justement au moment où leurs exigences ont été entendues qu’ils ont choisi de s’éclipser. Cela n’affranchit pas évidemment Nétanyahou de toute responsabilité, mais en tous points de vue, celle des Palestiniens est beaucoup plus grande.
En 65 ans, le monde arabe et les Palestiniens ont certes fait un pas en avant : deux traités de paix avec Israël, une initiative de paix arabe et encore bien d’autres signes encourageants. Mais il semble que les Palestiniens ont encore du mal à franchir le Rubicon de la solution des « deux Etats pour deux peuples ». Nul besoin qu’ils reconnaissent Israël en tant qu’État juif. Il suffirait qu’ils renoncent au droit au retour des réfugiés.
Merci Nétanyahou / Shimon Shiffer – Yédiot Aharonoth
Seul Netanyahu est capable de garantir aux Palestiniens deux Etats : le Hamastan à Gaza et un Etat reconnu par l’ONU en Cisjordanie. Telle est la réalité créée par la reconnaissance qu’a accordée Netanyahou au Hamas au terme de l’opération « Pilier de Défense ». Qui se souvient aujourd’hui qu’après l’opération « Plomb durci », en dépit de plus d’un millier de morts palestiniens, des chefs d’Etat européens s’étaient succédé en Israël pour soutenir notre gouvernement ? Qui se souvient qu’il y a à peine trois semaines, Liebermann avait promis de détruire l’Autorité palestinienne en raison du « terrorisme politique » de Mahmoud Abbas ?
Israël se retrouve aujourd’hui plus isolé que jamais, à la même table que les Etats-Unis, le Canada et la…Micronésie. Les porte-parole du Premier ministre auront beau nous dire qu’il fallait avaler une couleuvre à l’ONU pour préserver le soutien de Washington sur le dossier iranien, on ne le nous fera pas croire.
(…) Du haut de la tribune de l’ONU, les Palestiniens ont enregistré un succès historique avec le soutien massif des Européens, y compris celui de ceux dont il était impensable qu’ils cautionnent une telle mesure. Certes, au lendemain du vote, Mahmoud Abbas aura toujours besoin d’une autorisation officielle israélienne pour quitter Ramallah, mais cette victoire historique des Palestiniens démontre une fois de plus que l’absence d’initiative diplomatique de Nétanyahou fait disparaître toute chance d’un arrangement agréé avec Abou Mazen.
Voter pour / Sever Plotzker – Yediot
Le Hamas ne bénéfice ni de la sympathie ni de la compréhension des relais d’opinion américains. Selon eux, Israël a bien fait de lui assener des coups qu’il n’avait même pas imaginés. A présent, estiment-ils, Israël ne devrait pas se laisser tenter, après le cessez-le-feu, par des négociations avec le Hamas. Il devrait plutôt rouvrir le canal saturé du processus de paix en profitant de sa position de force réaffirmée par l’opération « Pilier de défense ».
C’est là qu’entre en jeu la demande de l’Autorité palestinienne à l’ONU pour obtenir le statut d’Etat observateur non-membre. Une analyse détaillée de cette demande a été préparée par le Dr. Oded Eran, chercheur de premier rang au sein de l’INSS (Institute for National Security Studies) et ancien négociateur en chef israélien, et le Prof. Ruby Seibel, ancien conseiller juridique auprès du ministère israélien des Affaires étrangères. Sans le dire explicitement, ces deux chercheurs présentent la demande palestinienne comme un document qu’Israël peut supporter et même tirer des bénéfices de son approbation par l’ONU.
La demande palestinienne stipule que l’Etat palestinien vivra dans la paix et la sécurité aux côtés d’Israël sur la base des frontières qui prévalaient avant 1967. Le statut de Jérusalem n’est même pas mentionné dans le paragraphe pratique de ce document, notent les deux chercheurs. Ils font comprendre que son adoption par l’AGNU ne nuira pas à Israël et peut-être même s’avérera utile lorsque face à Israël il y aura un Etat dela Palestine« sur la base des frontières de 1967 ».
Le gouvernement israélien peut et doit faire un grand pas décisif dans le sens insinué par Eran et Seibel, en annonçant qu’il retire complètement son opposition au projet de résolution [l’article a été écrit à la veille du vote – Ndt], et même en votant en sa faveur. Une telle démarche ne comporte aucun risque pour Israël tout en lui offrant une pléthore d’avantages. Le gouvernement Netanyahu se débarrasserait d’un coup de sa mauvaise image de « anti-paix ». Tout d’un coup, nos relations avec le monde arabe modéré et avec les leaders du Printemps arabe changeront, et le peuple palestinien comprendra que l’Autorité palestinienne représente son avenir tandis que le Hamas incarne son passé.
La semaine passée a été également particulièrement chargée d’actualités de politique intérieure, avec notamment quatre évènement majeurs : les primaires au Likoud ; les primaires au parti travailliste ; la création d’un nouveau parti centriste par Tzipi Livni ; et le départ d’Ehud Barak de la vie politique.
Le ministre de la Défense Ehud Barak (70 ans) a stupéfait la classe politique et les médias en annonçant au début de la semaine qu’il avait décidé de quitter la vie politique et de ne plus se présenter aux élections afin de « se consacrer à sa famille et à la vie » et « céder la place à de nouveaux visages ». Il restera ministre de la Défense jusqu’à la prise de fonctions du nouveau gouvernement, après les élections. Son départ, qui laisse ses quatre camardes du parti Haatzmaut dans un état de désarroi, serait motivé, à en croire les commentateurs, par sa volonté d’éviter une humiliation publique au cas où son parti ne parviendrait pas à franchir le seuil de l’éligibilité ou n’obtiendrait que un à deux sièges, comme le prévoient les sondages. Toutefois, notent les commentateurs, l’expérience nous enseigne qu’on ne peut exclure le retour d’Ehud Barak à la vie politique à l’avenir, lorsque les circonstances seront opportunes.
Alors que M. Barak faisait ses adieux à la vie politique, les adhérents du Likoud composaient leur liste de candidats à la Knesset. Avec un taux de participation parmi les plus élevés de l’histoire du parti (plus de 60%), ces élections primaires ont marqué un virage à droite du Likoud, puisque plusieurs personnalités modérées n’ont pas été réélues (notamment les ministres Dan Meridor, Beni Begin et Michael Eitan), alors que des représentants de l’aile droite, proche des colons, ont été promus et occupent désormais des places plus élevées sur la liste. Il s’agit notamment des députés Dani Danon (6ème place), Zeev Elkin (9), Tzipi Hotoveli (10), Yariv Lévine (11), le ministre Yuli Edelstein (12), Miri Réguev (14) et Moshé Feïglin (15), ce dernier – peut-être la voix la plus radicale du parti – devant faire son entrée à la Knesset. Pour les commentateurs, cette liste extrémiste qui déplaît à Netanyahu et qui traduit le penchant plus droitiste des adhérents du parti que de son électorat général, risque de porter atteinte au score du Likoud aux élections. Cependant, les sondages effectués en fin de semaine ne font état à ce stade d’aucune baisse d’intentions de vote en faveur du Likoud.
Enfin, l’ancienne présidente de Kadima et ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni, a fini par faire son choix en annonçant cette semaine la création d’un nouveau parti centriste, baptisé tout simplement « Le Mouvement ». Cette annonce intervient suite à l’échec des contacts menés ces dernières semaines entre Livni et les leaders des principaux partis du bloc centre-gauche (Sheli Yechimovitch du parti travailliste et Yair Lapid de « Yesh Atid ») sur un possible ralliement ; selon la presse, Mme Livni aurait refusé d’être le numéro 2 de Yechimovitch ou de Lapid, optant pour la création de son propre parti. Or les sondages de cette semaine montrent qu’à ce stade, le nouveau parti prend des voix à ses partenaires du bloc centre-gauche plutôt qu’au Likoud comme le souhaitaient Tzipi Livni et ceux qui la soutiennent.
Sondage Haaretz publié le 28/12/12
|
Sondage Haaretz |
Knesset actuelle |
Likoud-Beiténou |
39 |
42 |
PTI |
18 |
13 |
Shas |
11 |
11 |
Yaïr Lapid |
8 |
0 |
Foyer Juif |
8 |
7 |
Tzipi Livni |
7 |
0 |
Judaïsme de la Torah |
6 |
5 |
Meretz |
6 |
5 |
Amsellem |
3 |
0 |
Kadima |
2 |
28 |
Eldad-Ben Ari (extrême droite) |
2 |
0 |
Le comeback de Livni pourrait être la dernière chance pour faire tomber Nétanyahou / Par Ami Kaufman – le site internet d’actualités « +972 »
Quelques réflexions sur le retour de Livni, annoncé hier.
Ce nouveau parti, qui fait la risée de tous, est en fait la seule chance de la gauche.
A ce stade, selon le sondage du Haaretz publié aujourd’hui, c’est un parti voué à l’échec. Les données les plus sombres disent même que le bloc de gauche est en fait en train de reculer encore plus, et que Livni ne récupère « que » sept mandats. Mais il y a quelque chose dans le sondage du Haaretz qui semble un peu précoce. Les sondages des prochaines semaines pourraient montrer une autre tendance.
En effet, il y a au moins deux choses qui sont encore en mouvement et qui pourraient conduire à des retournements entre les blocs.
1/ Les résultats des primaires du Likoud : l’aile d’extrême-droite du parti qui a émergé après les primaires crée un véritable séisme politique. Il ne semble pas que ces résultats aient été totalement assimilés pour l’instant, et ça n’a peut-être pas été exprimé au moment du sondage du Haaretz. L’aile libérale et modérée du Likoud n’existe plus. Ils ont besoin de trouver un nouveau foyer et Tzipi Livni peut leur offrir cela. Il y a déjà des rumeurs qui courent disant que Dan Meridor pourrait la rejoindre, ce qui pourrait être considéré comme une impulsion considérable dans ses efforts pour rallier à elle d’autres membres du Likoud.
2/ La carte politique est encore en train de changer : deux partis, Kadima et Haatzmaut, vont disparaître d’ici quelques jours ou quelques semaines. Le départ d’Ehud Barak a mis fin au deuxième, alors que Shaul Mofaz a fait voler en éclat le parti le plus important à la Knesset : de 28 sièges à seulement 2, si l’on en croit le Haaretz d’aujourd’hui. Le parti du rabbin Amsellem laisse planer le doute, puisqu’on ne sait pas quel bloc il pourrait rejoindre. Et n’oublions pas qu’Ehud Olmert doit aussi prendre sa décision. Les deux partis Kadima et Haatzmaut se placent au centre ou au centre-gauche : s’ils ne feront pas basculer les blocs, ils vont cependant clarifier la carte des candidats et les grands noms à choisir parmi eux, ce qui pourrait avoir un effet sur les électeurs indécis.
La leader du parti travailliste, Shelly Yechimovich, et celui de Yesh Atid, Yaïr Lapid, DOIVENT montrer leur colère contre la décision de Livni. S’ils montrent la moindre satisfaction au retour de Livni, cela laissera penser qu’il existe une sorte d’alliance entre les trois personnalités – et cela n’incitera personne à quitter la droite. Le seul moyen pour que les libéraux déprimés du Likoud quittent le navire, ou pour les électeurs indécis de choisir la gauche, c’est que Livni et Yechimovich prennent leurs distances l’une de l’autre. Cela peut changer après les élections, si besoin.
Après avoir dit tout cela, il faut être réaliste : c’est un long chemin. Extrêmement long. Si les prochaines semaines n’amènent aucun changement, le gouvernement Bibi-Lieberman est une affaire conclue.
Ce sont les blocs qui comptent, idiot ! / Par Raphael Ahren – The times of Israel
D’un point de vue extérieur, ou même d’un point de vue interne, la scène politique israélienne semble devenir toujours plus diversifiée, compliquée, variée.
Avec l’annonce de Livni sur la création de son nouveau parti mardi, le brusque virage à droite du Likoud la veille – ce qui a laissé dehors plusieurs hommes politiques puissants –, ainsi que le départ d’Ehud Barak et l’abandon de ses alliés politiques, il semble que, dans la course àla Knesset, chacun se batte pour lui-même.
Même dans les sondages qui prédisent que le bizarrement nommé mouvement de Livni gagnera neuf ou dix sièges, le bloc du centre reste loin derrière le bloc de droite qui inclut le Likoud-Beitenou (la liste commune du Likoud de Netanyahu et du Israël Beiténou de Liberman), le Shas, le Foyer juif/Union nationale, le Judaïsme dela Torahunifiée et Am Shalem, un nouveau parti dirigé par un dissident du Shas, le rabbin Haim Amsellem. Dans tous les récents sondages – réalisés avant, pendant et après l’opération Pilier de Défense -, les partis de droite obtiennent entre 66 et 70 sièges, alors que le camp adverse obtient entre 50 et 54 sièges.
Cela n’importe pas vraiment que Livni soit candidate seule ou qu’elle soit le numéro 2 de Yechimovich. Rien de moins qu’un séisme politique – un qui sèmerait le trouble dans les plaques tectoniques bloquées du système de deux camps politiques israélien – pourrait mettre en danger la victoire de la droite.