Du 12 au 16 novembre
Opération « Pilier de défense »
« L’opération « Pilier de défense » a fait, depuis mercredi, la une de tous les médias israéliens. Suite à la dégradation sécuritaire depuis plusieurs semaines à la frontière avec Gaza (tirs de roquettes toujours plus fréquents, explosion de tunnel, attaque anti-char…), Israël a lancé le 14 novembre dernier l’opération « Pilier de défense ». Cette dernière a commencé par l’élimination d’Ahmed al Jabari, le chef de la branche militaire du Hamas dans la bande de Gaza. Elle s’est poursuivie par des frappes aériennes visant les infrastructures militaires du Hamas, les entrepôts de munitions (notamment ceux contenant des missiles longue portée), ainsi que les tireurs de roquettes. Ces interventions aériennes auraient fait 19 morts et une centaine de blessés côté palestinien.
Face à cette opération, le Hamas a riposté en lançant près de 600 roquettes vers les municipalités du Sud (Ashdod, Ashkelon, Eshkol, Beersheva…), mais également –pour la première fois depuis 1991- à Tel Aviv et Jérusalem. Ces tirs de roquettes ont tué trois personnes à Kiryat Malakhi, et fait une vingtaine de blessés. Au lendemain de l’élimination de Jabari, le porte parole du Hamas a déclaré que l’occupant avait ouvert sur lui les portes de l’enfer. Le Jihad islamique a de son côté annoncé qu’ « Israël a déclaré la guerre à Gaza et va devoir en subir les conséquences », en évoquant la possibilité de reprendre les attentats suicides au cœur des villes israéliennes.
Lors d’une conférence de presse télévisée mercredi soir israélienne, le Premier Ministre, Benyamin Netanyahou, a indiqué que l’armée était prête à étendre l’opération et que le gouvernement continuera à faire tout ce qui est nécessaire pour défendre ses citoyens.
Au niveau international, les États-Unis ont soutenu le « droit à se défendre » d’Israël, annonçant qu’ils soutiendraient Israël en cas d’attaque terrestre. Le Royaume-Uni a lui aussi soutenu l’opération, ainsi que l’Allemagne qui a reproché au Hamas d’être à l’origine de cette escalade de la violence. Au contraire, d’autres pays tels que l’Iran, le Qatar, l’Égypte ou encore la Russie ont condamné l’opération armée. Pour le Qatar «l’attaque d’Israël ne devra pas rester impunie ». L’Union européenne a réclamé une réponse « proportionnée », tout en reconnaissant le « droit à se défendre » d’Israël. La France, quant à elle, a appelé à cesser l’escalade de violence.
Dans l’ensemble, les médias ont soutenu l’opération Pilier de Défense, arguant du fait que la dégradation sécuritaire ces derniers mois n’était plus tenable et qu’il fallait restaurer la force de dissuasion d‘Israël vis-à-vis du Hamas. Ils ont félicité les renseignements et l’armée israélienne pour l’élimination de Jabari. Certains commentateurs appellent néanmoins à la prudence et au risque d’enlisement en cas d’opération terrestre.
Israël A liquidé son sous-traitant de Gaza / Aluf Benn – Haaretz
Ahmed Jaabari était le sous-traitant en charge de la sécurité d’Israël dans la bande de Gaza. Aussi gênante que puisse être cette définition, au moment où Jaabari est qualifié par certains d’ « archi-terroriste », de « chef d’état-major terroriste » ou encore de « Ben Laden d’Israël », elle reflète la réalité qui prévaut dans la bande de Gaza ces cinq dernières années.
En contrepartie de l’accalmie offerte par Jaabari, Israël finançait le régime du Hamas en envoyant des fourgons blindés remplis de shekels vers les banques gazouites, des équipements médicaux et du matériel de construction pour les habitants de la bande de Gaza. Jaabari a également été le partenaire d’Israël dans le cadre des pourparlers sur le marché « Shalit ». C’est lui qui avait veillé à la sécurité du soldat captif et qui avait assuré son retour en Israël à l’automne dernier.
Aujourd’hui, Israël prétend que son sous-traitant n’a pas tenu ses engagement et n’a pas réussi à préserver l’accalmie dans la bande de Gaza.
L’élimination du chef militaire du Hamas restera dans les annales comme une énième opération spectaculaire effectuée à la veille d’une échéance électorale. C’est ce que le Professeur Yaguil Lévy nomme « l’embrasement du conflit comme stratégie pour dominer la politique intérieure ». Selon cette théorie, la confrontation extérieure permet au gouvernement de renforcer son statut en interne car l’opinion publique s’unit autour de l’armée et que les problèmes socio-économiques s’éloignent de l’ordre du jour national.
Depuis la création d’Israël, lorsqu’un parti au pouvoir se sent menacé dans les urnes, le doigt se fait plus léger sur la gâchette. Binyamin Nétanyahou souhaite neutraliser tout rival politique potentiel tandis que le ministre de la Défense, Ehoud Barak, lutte pour que osn parti dépasse le seuil d’éligibilité. La guerre contre le Hamas va ruiner les chances d’un retour de l’indécis Ehoud Olmert et renvoyer aux calendes grecques les questions économiques et sociales qui servent tant le parti travailliste de Shelly Yachimovitch.
Quand les canons tremblent, seuls Nétanyahou et Barak apparaissent sur les écrans de télévision, applaudis par les acteurs politiques de tous bords. Les conséquences politiques de l’opération « Pilier de défense » ne seront connues que le 22 janvier prochain.
Restaurer la force de dissuasion israélienne / Gerald Steinberg[1] – The Times of Israel[2]
[1] Gerald Steinberg est professeur de Sciences politiques à l’université de Bar Ilan et président de l’ONG “Monitor”
[2] The Times of Israel est un nouveau site d’information en langue anglaise fondé en février 2012 et basé à Jérusalem. Non affilié politiquement mais de tendance centriste, il traite de l’actualité et de questions de fonds sur Israël et le monde juif. Son fondateur, David Horovitz, est l’ancien rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. The Times of Israel est essentiellement financé par Seth Klarman, président de l’organisation « The David Project » qui vise à promouvoir le sionisme dans l’éducation juive. .
Israël doit sa survie à l’efficacité de sa force de dissuasion. Menacé de destruction dans des frontières étroites, la menace d’une riposte à grande échelle qu’il fait peser sur ses voisins fut de tout temps sa meilleure police d’assurance.
Cette force de dissuasion, Israël l’a bâtie progressivement entre 1948 et 1973. Durant la guerre de Kippour, les contre-offensives israéliennes ayant atteint les faubourgs du Caire et de Damas créèrent une force de dissuasion sans précédent face au monde arabe. L’Egypte et la Syrie réalisèrent alors que toute nouvelle escalade militaire aurait inévitablement des effets désastreux. En conséquence, les campagnes conventionnelles lancées en 1948 contre l’Etat hébreu prirent fin et l’Egypte entama avec Israël des pourparlers de paix qui menèrent au traité de 1979. Sans cette force de dissuasion israélienne, Sadat et Begin n’auraient jamais signé cet accord de paix si crucial pour les deux pays depuis plus de trois décennies.
C’est justement lorsque la force de dissuasion israélienne s’affaiblît et que Jérusalem semblait inapte à faire usage de sa puissance militaire, notamment en raison des pressions internationales, que les attaques reprirent. Au Liban, qui s’était transformé en un bastion de l’OLP après 1973, Israël fut perçu comme incapable de mener des représailles contre une guérilla dissimulée au sein de populations civiles.
Après 1982, la capacité israélienne à utiliser sa force de dissuasion contre le terrorisme continua de décliner. Le retrait unilatéral de la zone de sécurité du Liban en 2000, ainsi que le désengagement de la bande de Gaza en 2005, allaient encourager les Palestiniens, le Hezbollah et d’autres organisations terroristes à considérer Israël comme une puissance en déclin.
En 2008, l’opération « Plomb durci » connut un certain succès militaire mais au prix d’un isolement politique rendu possible par l’action d’ONG puissantes, magnifiée par les médias et répétée dans les pages du tristement célèbre rapport Goldstone.
Si Tsahal a retenu la leçon des ses précédents efforts, l’opération en cours devrait avoir pour objectif de restaurer significativement sa force de dissuasion. Sur le front politique, le briefing des ambassadeurs étrangers effectué par le Premier ministre visait à prévenir la répétition du scénario de 2008. Sur le long terme, la force de dissuasion demeure essentielle pour la stabilité et, qui sait, pour la paix de la région.
La confrontation monte d’un cran / Dr. Mordehai Kidar
Si la confrontation perdure, les prochaines cibles de Tsahal pourraient être les dirigeants politiques du Hamas, en premier lieu Mahmoud A-Zahar et Ismail Haniyé. Toutefois, la direction du Hamas ne peut se permettre de ne pas riposter faute de quoi elle admettrait tacitement son infériorité face à Israël.
L’élimination de Jaabari a réellement surpris car les dignitaires du Hamas supposaient qu’Israël établissait une distinction claire entre les groupuscules radicaux de la bande de Gaza et le Hamas. Dans les années qui ont suivi l’opération « Plomb durci » en 2008, le Hamas s’est essentiellement efforcé de construire les infrastructures, les institutions politiques et économiques de « l’État de Gaza ».
Les groupes radicaux ont fait au Hamas ce que lui même avait fait à l’Autorité palestinienne, lorsque celle-ci était encore souveraine dans la bande de Gaza. A présent, l’élimination de Jaabari ramène le Hamas dans les bras du Jihad et crée une union, bien que provisoire, avec les groupes radicaux jihadistes.
Israël a tout intérêt à réagir rationnellement et non pas de manière émotive pour faire comprendre au Hamas qu’il ne peut prétendre à faire régner son autorité dans la bande de Gaza sans prendre ses responsabilités.
Un défi complexe pour Morsi / Zvi Harel – haaretz
Mohamed Morsi doit faire face à l’un des défis les plus complexes de sa courte législature. Le rappel pour consultations de l’ambassadeur égyptien en Israël n’a pas réussi à apaiser les pressions dont il fait l’objet, notamment en provenance du mouvement des « Frères musulmans » et la décision de dépêcher dans la bande de Gaza son Premier ministre Hisham Kandil vise autant à faire savoir au Hamas qu’aux Egyptiens que le gouvernement soutient le mouvement frère palestinien. Parallèlement, Morsi déploie des efforts diplomatiques dans le monde arabe et auprès des Etats-Unis pour obtenir un cessez-le-feu. La poursuite de l’opération israélienne risque en effet de conduire à des manifestations massives dans les rues du Caire.
Selon la presse égyptienne, Morsi aurait demandé au roi Abdallah de Jordanie de transmettre à Nétanyahou que l’Egypte est disposée à parvenir à un accord contraignant avec le Hamas en échange de l’arrêt des opérations israéliennes. Le Caire, qui redoute une opération terrestre de longue durée dans la bande de Gaza, mobilise l’Arabie saoudite pour encourager Washington à faire pression sur Israël pour ne pas élargir l’opération.
Le Premier ministre Kandil ne se rend pas à Gaza uniquement pour manifester sa solidarité avec le Hamas mais aussi pour lui proposer un « paquet » de propositions, dont l’ouverture aux marchandises du passage de Rafah, en échange d’un cessez-le-feu. Le Hamas devra en également mettre au point un plan d’action pour éradiquer les groupes radicaux agissant dans la péninsule du Sinai et dans la bande de Gaza, décréter une trêve de longue durée et accélérer le processus de réconciliation avec l’Autorité palestinienne
(…) Le dilemme de Morsi est aussi celui d’Israël. En aspirant à porter un coup dur au Hamas sans tenir compte des efforts égyptiens, Israël pourrait réduire à néant le chances de faire de l’Égypte un médiateur efficace dont il pourrait avoir besoin à l’avenir. Hormis l’aide qu’il souhaite apporter au Hamas, Morsi cherche à « redorer le blason » de son pays dans la région. Si Israël accepte d’étudier les propositions égyptiennes, les intérêts des deux pays pourraient être complémentaires.