Sofia est combattante dans le sud d’Israël et vit à des milliers de kilomètres de sa famille restée en France. Quelques jours avant Pessah, elle raconte son quotidien au micro de Radio J, aujourd’hui.

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Pour l’écouter en direct sur internet – http://radiorcj.info/

Source : http://blogtsahal.wordpress.com

Sofia, soldate seule et combattante à la frontière égyptienne

Ces Français Soldats d’Israël (publié en 2007 sur lepoint.fr)

Les deux soldats avancent face au courant d’air brûlant qui s’engouffre par les fenêtres arrachées. Comme des serpents prêts à l’attaque, des ferrailles rouillées jaillissent du béton brisé par le souffle des bombes. Les roquettes ont dessiné de noirs soleils là où elles ont frappé les plaques de blindage. Très lentement, les deux soldats gravissent un escalier ravagé par les explosions. En silence, ils patientent trois secondes et se précipitent en hurlant dans une pièce aux murs couverts d’une suie grasse. Deux ombres bondissent derrière eux et leur disent calmement en hébreu : « Vous deux, les Français, vous êtes morts ! Vous recommencez tout depuis le début. »

La base de Gesher, dans la vallée du Jourdain, à quelques kilomètres au sud de Bet Shean, est un ancien poste de la police britannique. Depuis 1967, ses bâtiments désaffectés servent de centre d’entraînement aux futurs combattants des unités d’élite de l’armée israélienne. Un groupe d’une trentaine de soldats s’est porté volontaire pour faire partie de l’unité de reconnaissance du Nahal Haredi, un régiment composé exclusivement de recrues juives ultra-orthodoxes. Très peu de ces soldats sont nés en Israël. La plupart viennent de Grande-Bretagne, d’Afrique du Sud et de France. Au milieu de la matinée, les jeunes recrues pensent avoir mérité un instant de pause, mais le rabbin Tzvi Klebanov les rejoint dans le coin où les jeunes hommes épuisés se sont mis à l’abri du soleil pour leur parler des devoirs du soldat juif. « Le soldat juif se bat sans haine mais sans faiblesse ! martèle le rabbin, dont la hanche est ornée d’un colt Desert Eagle. Le soldat juif se bat pour que l’histoire de son peuple, qui a commencé avec la création du monde, se perpétue, malgré nos ennemis, jusqu’à la fin des temps ! Vous faites partie de l’armée de défense d’Israël. Vous n’attaquez pas mais vous faites sentir aux agresseurs le poids de la colère d’Israël ! Maintenant, nous prions ! »

Michel a 20 ans. Il est né à Marseille. A peine majeur, il est parti seul pour Israël. Après quelques mois passés dans une école religieuse, il a décidé de s’engager. « Je ne suis pas encore israélien. Je le serai quand j’aurai terminé mes quatorze mois de service. Je pense à la France tout le temps. J’adore ce pays, mais ce n’est plus le mien. Je sens que la France ne veut plus de moi. C’est elle qui a demandé le divorce ! » dit Michel en rigolant. Le jeune Marseillais portait déjà l’uniforme de Tsahal quand Ilan Halimi a été assassiné par le gang de Youssouf Fofana. Un crime abominable : le jeune Français juif a été séquestré et torturé pendant trois semaines avant de mourir de ses blessures le 13 février 2006. Sa famille a finalement décidé de le faire inhumer, un an plus tard, à Jérusalem. Ce n’est donc pas ce fait divers épouvantable qui a poussé Michel à se porter volontaire pour servir dans l’armée israélienne. Mais le calvaire d’Ilan Halimi est venu renforcer sa détermination et conforter la conviction qu’il n’avait plus rien à faire en France. « La France est obligée de choisir entre la racaille et les juifs. Elle nous a bien fait comprendre de quel côté elle penchait. Je ne crois pas qu’elle a été libre de faire son choix. Les juifs en France ne pèsent rien, les autres peuvent brûler des milliers de voitures si on les contrarie… »

Difficile de donner des chiffres. Michel est-il un cas isolé ? Combien de jeunes hommes quittent-ils la France pour s’enrôler dans Tsahal ? Difficile de donner des chiffres. L’armée israélienne est très réticente à rendre publiques ses statistiques sur l’origine de ses recrues. L’enrôlement des étrangers est un sujet sensible, car il y a le risque que les juifs qui ne choisiront pas de s’installer en Israël soient, de part et d’autre de la Méditerranée, soupçonnés de double allégeance. En France, il est également difficile d’obtenir des données précises. Mais les responsables de la communauté juive constatent que les jeunes Français qui sautent le pas s’enrôlent généralement dans les unités combattantes les plus exposées. Gladys Tibi, présidente du Libi France, une organisation très active dans l’aide aux soldats israéliens, dit avoir pris conscience du phénomène un peu par hasard. Traditionnellement, son mouvement organise un shabbat en l’honneur des volontaires français qui veulent servir en Israël. Cette année, le Consistoire juif de France lui a indiqué que, pour les premières semaines de 2007, ce sont déjà 200 jeunes qui s’apprêtent à quitter définitivement la France pour devenir soldats de Tsahal, et des centaines d’autres hésitent. C’est donc une proportion non négligeable des jeunes juifs français qui rêve de porter l’uniforme israélien.

Pour le rabbin Klebanov, le guide spirituel du Nahal Haredi, cela n’a rien d’étonnant. Les jeunes Français veulent servir l’Etat d’Israël parce qu’ils sentent qu’ils ne sont plus à leur place dans un environnement chrétien qui, selon lui, tendrait à s’islamiser à grande vitesse.« Dans leur pays de naissance, ces jeunes sont soumis à un discours hostile aux juifs et à Israël. On leur dit que la Shoah est une invention des sionistes. La gauche altermondialiste les accuse de tous les maux du monde. Les musulmans sont d’une extraordinaire agressivité à leur égard. Les vieux antisémites n’attendent qu’une occasion pour leur sauter à la gorge. Alors, certains d’entre eux veulent redécouvrir leur histoire, et surtout y participer. » Le rabbin n’hésite pas à assurer que ces jeunes s’inscrivent dans la tradition « des prophètes Abraham et David, rebelles à l’ordre romain, et des soldats de 1967 ou de la guerre du Kippour. En redécouvrant leur histoire, ils retrouvent Dieu. Ils deviennent exigeants avec eux-mêmes. C’est ce qui explique qu’ils se dirigent d’abord vers des unités comme le Nahal Haredi, où l’on recherche l’excellence militaire dans un environnement ultra-orthodoxe ».

En France, Eran s’appelait Grégoire. Il a 30 ans. Lui n’a pas entendu la voix de Dieu ou des Patriarches avant de s’engager dans l’armée israélienne, il y a trois ans. Ce sont Albert Londres, Joseph Kessel et Jacques Derogy qui lui ont donné envie de porter l’uniforme israélien. « Je suis originaire de Montbéliard. J’aime ce coin de France de toutes mes forces et j’y serai attaché jusqu’à mon dernier instant, même si je ne peux plus imaginer d’y vivre. La France, c’est l’endroit où je me sens chez moi. Israël, c’est le pays qui donne un sens à ma vie. En étudiant le sionisme, je me suis rendu compte que le retour des juifs sur leur terre était l’une des rares belles choses sorties de l’histoire du XXe siècle. La France, je ne sais plus où elle va. J’ai un amour désespéré pour la France et un amour plein d’espérance pour Israël . »

La base du Nahal Haredi est perdue sur un piton rocheux planté au-dessus de la route qui relie Naplouse à Jénine. Une cinquantaine de soldats israéliens francophones ou de Français soldats volontaires de Tsahal passent ici leur temps d’armée. Leur secteur est une zone de passage fréquent pour les terroristes. Les soldats du Nahal Haredi tiennent trois points de contrôle où se présentent chaque jour des milliers de Palestiniens. Il y a quelques semaines, un soldat a été abattu. Jonathan pensait devenir pâtissier à Strasbourg. Il a fait une croix définitive sur ce destin. Pendant quelques mois encore, il va vérifier les papiers des Palestiniens qui se présentent aux barrages dans ce coin perdu de Samarie. « Je ne suis pas venu me battre contre les Arabes. Je suis venu vivre en Israël. Je me suis marié ici. Je ne pouvais pas imaginer avoir des enfants en France. Dans dix ans, dans vingt ans, ce pays ne ressemblera plus à celui que j’aime encore tellement. Il faut tourner la page. Je veux devenir officier, faire carrière dans Tsahal. » La famille de Jonathan trouve cette décision stupide, mais il se dit convaincu que ses parents finiront par changer d’avis. Ses frères et ses soeurs envisagent désormais de faire leur alya – le retour vers Israël. Jonathan pense leur avoir donné « l’envie d’Israël et de Tsahal ».

Yaakov, 20 ans, vient, lui, de Sarcelles. Il a fait toute sa scolarité dans une école religieuse juive. Il n’a jamais eu de vrais contacts avec le monde non juif. Pour lui, l’alya et l’enrôlement dans Tsahal étaient des évidences. Certains de ses amis ont préféré rester à Paris. Yaakov a des nouvelles quelquefois. La vie de ses copains qui ont fait un choix différent du sien ne lui semble finalement pas si terrible. « Leur situation à l’université n’est pas catastrophique aussi longtemps que l’on ne sait pas qu’ils sont juifs. Moi, je ne veux pas cacher ce que je suis. »Yaakov voit la France comme un pays étranger, plutôt hostile à Israël. Il aime manier le paradoxe. Il pense que les juifs ont une dette vis-à-vis de ce pays dont ils peuvent s’acquitter en pliant bagage pour, dit-il, ne pas rendre plus difficile la coexistence des chrétiens et des musulmans en France.

Ces jeunes Français qui s’engagent dans Tsahal sont-ils réellement représentatifs d’un malaise de fond des juifs de France ? Une fois passé l’enthousiasme de la jeunesse, combien feront vraiment leur vie en Israël ? Nul ne le sait.

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